Les Tribulations d'Agathe

45 - Extraction...

La voiture de Rem garée dans une ruelle adjacente, nos trois silhouettes se faufilent jusqu'au large portail d'une gigantesque baraque. Sur le côté, j'avise une plaque. Le nom d'un médecin connu dans cette ville. J'ignore ce que nous trouverons à l'intérieur de cette villa cossue, mais pas de quoi lui faire une bonne publicité me souffle une petite voix.

Nous poussons le portique à droite de l'entrée principale et progressons sur la pointe des pieds. Pas de gravier à crisser sous nos pas, il s'agit d'autobloquants, ouf ! Bref soulagement et nouvelles péripéties, mais cette fois pas de molosse au galop à nos trousses. Non, un matou. Dangereuses ces petites choses ! Crachant et grondant, le mini-félin dérangé dans sa chasse, file entre les jambes de Samuel. Très bon choix tactique et panique à bord ! Mon vieux copain, très aguerri, nous offre un sursaut de quinze mètres et ouvre la bouche pour un hurlement sonore. Réflexe conditionné, Rem et moi, étouffons le cri sans aucune délicatesse et plaquons notre pauvre camarade, le nez dans le gazon, tels deux féroces piliers de rugby. Je reconnais la rudesse du traitement. Invitation au Kebab à programmer pour se faire pardonner et mea-culpa double dose car je ne suis pas toute seule à brutaliser Samuel !

Regard furieux de notre ami, grimace d'excuses de Rem, pas très fier, sourire hilare de l'Asperge non-compatissante... Tout cela dans un parfait silence. La consigne demeure « pas de bruit mes agneaux »... Enfin, rectifions car tout est dans la précision : l'unique agneau de notre trio de choc se devine avec facilité , Samuel et attention, je n'ai pas dit le « maillon faible ». Rem incarne le grand méchant loup. Et reste le plus dangereux élément : la panthère en liberté ... avec crocs et griffes, équipement complet et super aiguisé !

Rem nous oriente vers une petite porte au niveau du double-garage. Sans doute que son pote lui aura indiqué cette entrée, plus discrète. L'intérieur ne présente guère de similitude avec celui de notre maison, en particulier pour sa dalle et ses murs bruts. Ici, tout est carrelé, pas d'étagères ou s'empilent toutes sortes de choses, mais des placards muraux avec portes coulissantes qui masquent le contenu. Et surtout, une superbe voiture dont la housse protectrice nous dissimule le modèle. Je n'aperçois que les larges pneus et les jantes brillantes... A la ligne, je devine un coupé sport racé.

Une porte s'ouvre soudain. Un type à l'expression plutôt froide et qui s'illumine à notre vue, traduction d'un énorme soulagement. Pierre. De taille moyenne, un visage carré et un regard franc, il serre la main de Rem, celle de Samuel et s'étonne à ma vue. Que viens faire une fille dans une situation aussi coton ? La pensée, typique d'un macho demeuré, se devine et je retrousse déjà les babines pour grogner que je n'ai rien du bibelot décoratif ! Samuel, lui, décroche le rôle sans problème.

- T'inquiète, c'est Agathe, indique la Salade.

Son camarade, interloqué, m'examine comme une bête curieuse. Laisse tes yeux dans ta poche le loustic ou bien je vais t'en ramener une ! Pas une poche... bien entendu.

- Alors c'est toi qui démonte Rémi à l'entraînement...

Et Rem s'en vante en plus. Bon, je plaide coupable, mais attends la reprise mon ami feuillu, tu m'expliqueras l'intermède plus en détail. Super, je gagne un membre de plus pour mon fan-club, le charme de l'Asperge neigeuse fait des ravages, comme toujours. J'autorise deux bises rapides en cadeau de bienvenue. Fin de la distraction, Pierre, très concentré sur son sujet, nous briefe rapidement.

- Enzo est dans la salle de bain du premier. Je voulais l'amener ici pour que vous repartiez tranquilles, mais pas moyen de le bouger... Mes autres potes sont trop défoncés pour aider et je n'ai aucune confiance en ceux qui restent. Donc, il va falloir qu'on monte, mais restez discrets... enfin si possible. Certains types sont louches, si ce n'était pas pour Enzo, je me serais tiré depuis longtemps. Si son père savait ce qui circule pendant cette petite teuf, Max aurait un sérieux problème... Son père c'est mon oncle donc je sais comment il peut réagir. J'aurais peut-être dû appeler un toubib mais Enzo répond quand on lui parle...