17 - Déclarations

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Ma nuit a été courte. J'ai réintégré ma chambre en grimpant le treillis plaqué contre le mur de la façade arrière, puis en passant par le toit de la véranda, sur la pointe des pieds. Je me suis glissée à l'intérieur sans un bruit.

Une courte douche au Dojo, puis je suis rentrée sans traîner. Difficile de s'endormir aussitôt après l'excitation du combat et pourtant j'ai plongé dans un sommeil sans rêve. Par contre, ce matin, le réveil s'annonce délicat et le reste de ma journée, fort peu dynamique. D'ordinaire, même après ce genre de séance, je dors comme un bébé. Là, pour des raisons inconnues, le sommeil m'a fui... Pour l'après-midi, un thé bien fort maintient ma vigilance à un niveau acceptable mais j'étouffe des bâillements réguliers dans ma paume. Le prix à payer pour les sorties type Mi-5 avec une socquette à tester. Il faudrait vraiment que j'apprenne à dormir les yeux ouverts. Le cours d'histoire-géo s'éternise. Je brûle de retrouver Sasha. Devant moi, Flo et Kali se rapprochent pour partager le livre de cours et me dissimuler au regard de notre professeur qui, depuis son bureau, tente de nous intéresser aux mystères des institutions européennes. Sujet au combien passionnant pour le dernier cours de l'après-midi et un vrai défi pour les enseignants quand les élèves n'attendent que de pouvoir s'échapper sous d'autres cieux.

Enfin la sonnerie nous libère et cette session « martyre » s'achève sur les dernières consignes de notre professeur. Je vide les lieux en urgence. Les girls vont filer au parc pendant que je récupère Sasha. Je grimpe quatre à quatre à son étage, un bon exercice pour me secouer. Sa salle est à l'autre bout du couloir, les élèves sont déjà sortis. Je l'aperçois. Il n'est pas seul et discute avec une très jolie fille aux longs cheveux noirs. Cette petite, je me souviens l'avoir croisée. Elle est franco-japonaise. De petite taille, délicate et gracieuse, son teint très pâle offre un superbe contraste avec ses cheveux sombres. Elle a un petit quelque chose qui me rappelle Rona et ses traits fins. Arrivée depuis peu, tout le monde raffole de son exotisme. La voilà qui tend un papier à Sasha lequel secoue la tête, pas vraiment ravi du dépôt. Elle insiste. Agacé, il cède et le fourre dans sa poche sans enthousiasme. Satisfaite, la jolie demoiselle s'éloigne tandis que j'arrive à la hauteur de mon petit camarade. Ses joues virent à l'écarlate dès qu'il m'aperçoit. Je joue à celle qui n'a rien remarqué et je me contente de sourire.

- On y va ?

Soulagé, il m'emboîte le pas. Impossible de museler ma curiosité. Que lui a remis cette gamine ? Je lance, l'air de ne pas y toucher :

- Une fille de ta classe ?

- Juste en anglais...

Sasha, avare de détails, n'en dit pas plus et je reste sur ma faim, et là j'ai très, très faim.Le genre à vider le frigidaire, et même le bocal de cornichon ne résisterait pas à cette crise de fringale...  Au milieu des autres élèves, difficile d'avoir une vraie conversation, alors je modère mon impatience. Nous passons le portail principal, direction le parc.

- Elle s'appelle Yamiko, me renseigne soudain Sasha alors que je n'espérais plus connaître les dessous de l'affaire.

Il lève la tête vers moi et après une hésitation, précise :

- Elle m'a donné une lettre...

Là j'avoue mon ignorance. Une lettre ? Pour quoi faire ?

- Dans le pays de sa mère, ça se passe comme ça quand une fille s'intéresse à un garçon.

Ses oreilles virent elles aussi à l'écarlate. Je déglutis... Pénible cette sensation que ma gorge devenue plus étroite, fait barrage. Déjà ? Je pensais que pour cette année, nous serions tranquilles. Grosse déception. Elle ne perd vraiment pas de temps cette future séductrice ! J'inspire un grand coup. Alors que nous pénétrons sous le couvert des grands arbres et Sasha stoppe soudain. Sourcils froncés, il m'explique très sérieux :

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant