Chapitre 5 : C'est Papa.

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J'ai repris une douche. Je ne sais pas pourquoi mais je l'ai fait. Je me suis mise à ranger l'appartement pendant le reste de la journée, pour des raisons inconnues. Je crois que j'avais, j'ai simplement besoin de me changer les idées. De ne pas penser à ce qui arrivera vers 17h30.

Il va venir.

À chaque fois que je pense avoir terminé de pleurer, je redouble de sanglots. Pourquoi fallait-il qu'il est un accident ? Qu'il oublie les dernières années ? Pourquoi, hein ?

Je lève les yeux vers le plafond de manière symbolique en prenant une profonde inspiration.

- Qu'est-ce que j'ai fait de mal pour mériter tout ça ?

Je me plains, demandant une quelconque aide à qui veut – là-haut – l'entendre.

Quand j'entends la clef dans la porte je me lève à toute vitesse du canapé, comme si j'avais fait une bêtise.

Je me précipite dans la cuisine où je me tapote les yeux avec de l'essuie-tout. Je ne veux pas qu'elle me voit comme ça.

- Maman ?

Je les rejoins dans le séjour et lorsqu'elle m'aperçoit elle fronce les sourcils, me fixant avec inquiétude. Je dois avoir l'air d'un zombie.

Je m'accroupis, je ne veux pas qu'elle prenne peur. Je lui ouvre les bras et timidement elle avance vers moi. Quand elle s'arrête à une trentaine de centimètres, je la tire tendrement vers moi et la serre dans mes bras.

Je ferme mes yeux qui laissent échapper des larmes et profite de tout l'amour qu'elle dégage. Quand je lève la tête, je retrouve ma mère tout aussi bouleversée qui nous regardent.

- Tu m'étouffes un peu..

Même si le cœur n'y est pas, je ris à sa remarque et me détache légèrement de façon à la regarder.

- Pourquoi tu pleures maman ?

Je dégage les cheveux qui font obstacle à la vue de ses jolies yeux. Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, du moins de manière honnête ce qui serai un peu compliqué pour une enfant de son âge.

- Tu te souviens de Papa ?

Elle hoche légèrement la tête, je ne sais pas si elle s'en souvient réellement, elle ne va faire que quatre ans.

- Il vient pour mon anniversaire !

Soudainement, elle devient enjouée et je lui offre un sourire, elle ne perd pas le Nord.

- Non, je souffle, je dois te rappeler que ce n'est que la semaine prochaine.

Elle fait la moue, et j'embrasse son front.

- Il va venir ce soir, ton papa va venir nous voir.

Elle fronce les sourcils.

- Pourquoi ?

Je soupire, pourquoi faut-il qu'elle pose autant de question.

- C'est comme ça Nora.

Je n'ai pas beaucoup de patience ce soir.

- Viens avec mamie, on va à la douche.

Je la remercie d'un hochement de tête et regarde ma fille s'éloigner avec ma mère.

Tout va bien se passer, il le faut.



Je regarde à nouveau l'heure, 17h29. Il va arriver, il est toujours à l'heure. Je lui envoyé l'adresse, j'espère qu'il va trouver facilement. J'espère aussi qu'il ne viendra pas avec Judith, je me suis faites à l'idée après toutes ses années mais avec tous ce qui vient de se passer je ne suis plus sûre de pouvoir le supporter.

Je regarde mes mains tremblantes, au moment où l'on sonne à la porte. J'ai toujours adoré sa ponctualité, énorme différence avec moi qui ne cesse d'être en retard pour un oui ou pour un non.

- Restez là, je souffle.

Je laisse ma mère et ma fille dans le salon pour me faufiler dans la petite entrée. Mes doigts prennent possession de la poignet mais j'attends encore un peu pour la baisser. Mais la sonnette retentit à nouveau. Alors je prend une profonde inspiration et appuie sur la poignet.

Je tire la porte vers moi pour le découvrir, seul. C'est la même sensation qu'à l'hôpital, il va falloir que je finisse par m'habituer.

- Tu..

Je m'arrête, sinon je vais pleurer.

- Entre.

Je n'aime pas la façon dont il me regarde, comme si j'étais encore sa femme. Ses yeux sur moi me font vaciller et je perds toute notion de la réalité, mon jugement change du tout au tout.

Je me presse le plus possible contre le mur pour qu'il puisse passer.

Je ferme la porte derrière lui, et je lui fais signe d'avancer vers le salon je ne supporte pas que nous soyons tous les deux dans un espace aussi confiné. Ça ne fait que quelques secondes qu'il est là, et je me dis déjà que c'était une mauvaise idée.

Il s'arrête juste avant de pénétrer dans l'autre pièce et se tourne vers moi.

- Est-ce que.. elle est là ?

Le voir les larmes aux yeux fait couler les miennes. Je hoche lentement la tête, en priant pour que tout se passe bien.

- Elle ne se souvient pas de moi ? Il chuchote.

Je me mord nerveusement l'intérieur de la joue.

- Je ne pense pas.

Son soupir est lourd et je détourne les yeux, m'intéressant à la peinture accrochée au mur.

Sans attendre davantage, il refait face au séjour et avance. Timidement il reste à l'entrée, les yeux rivés sur sa petite fille qui joue à la poupée sur le tapis. Ma mère m'offre un minuscule sourire et disparaît dans la cuisine. Nous laissant tous les trois.

Je dépasse Pierre pour aller m'accroupir aux pieds de notre fille.

- Mon ange, il est là.

J'espère que mon ton bas ne trahie pas ma difficulté à m'exprimer. Ma gorge est tellement serrée qu'elle en est douloureuse. Elle lève les yeux vers moi puis pivote sa tête vers lui qui n'a pas bougé d'un millimètre.

Je me relève, en même temps qu'elle. Elle se cache un peu dans mes jambes et je lui caresse les cheveux pour la rassurer.

- C'est papa.

Je croise les yeux de mon ex-mari, et j'ai l'impression d'être le jour de mon accouchement. Toute cette émotion, quand il a découvert nos.. notre fille. Je ne vais pas tenir longtemps avant de fondre en larmes.

Lentement, elle se détache de moi et marche en direction de son père. Elle s'arrête un peu avant pour tourner la tête en ma direction, comme pour me demander l'autorisation. Je hoche la tête en lui murmurant un « vas-y ».

Elle ouvre grand ses petits bras et il me regarde avec de grands yeux.

- Elle veut que tu la soulèves, je chuchote.

Il a l'air soudainement si perdu, en même temps je veux bien essayer de le comprendre. Il finit par se baisser et la prend dans ses bras, la ramenant contre lui.

Et la scène qui se déroule devant mes yeux est plus que poignante : il se met à pleurer, la serrant un peu plus fort et en plongeant son regard dans le mien.

C'est comme si je retombais 4 ans en arrière, là où il l'a prise dans ses bras pour la première fois.


(UN)FORGETTABLE (EN PAUSE)Where stories live. Discover now