Épilogue

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27 mars 1893

Huit longs mois s'étaient écoulés depuis que Célia avait perdu sa famille. Elle avait maintenant vingt-et-un ans et jouissait des plaisirs de sa majorité. Et par là, il faut comprendre qu'elle avait tout vendu : la compagnie, ses terres et l'intégralité du manoir des Campbell et de son mobilier, exceptées quelques babioles sentimentales desquelles Célia refusa de se séparer. Mais elle ne regrettait plus rien. Il était temps pour elle de tourner la page et, de toute façon, elle n'avait plus les moyens de les garder.

Auprès de son avocat, maître Jones, la jeune femme finalisait enfin le rachat de sa compagnie par le cousin d'Alexander, un vicomte un peu bourru mais extrêmement sympathique. Elle n'avait rien hérité de sa belle famille après l'exécution de Lord Edward, or elle s'en moquait. Le vieux n'ayant plus d'héritiers après la mort d'Alexander, le plus proche parent était donc ce vicomte, James Butler. C'était un homme charmant d'une quarantaine d'année qui n'avait aucun point commun avec cette horrible famille. Célia était ravie. Il lui proposa dans la foulée de lui racheter les parts de la compagnie et les bateaux de fret avec l'argent qu'il avait hérité quelques mois auparavant et elle accepta à la condition qu'il ne renvoie personne lorsque l'entreprise lui appartiendrait. Ce à quoi il consentit.

Et voilà le Très Honorable James Butler à la tête d'un petit empire commercial et Célia libérée de tout le poids de son passé.Chacun d'entre eux allait pouvoir se constituer une nouvelle vie.

La vente de la compagnie Campbell lui rapporta assez pour combler une partie de ses dettes qui étaient bien plus grandes que ce que montraient les papiers. Celle du manoir familial en revanche, lui donna en plus de quoi démarrer une autre carrière.

Elle n'était pas vraiment pauvre malgré les dettes qu'elle avait dû combler, juste beaucoup moins riche. Néanmoins cela lui suffisait entièrement.

En grande femme d'affaire, Célia avait déjà trouvé un nouveau travail. Elle venait de racheter une petite boutique sur Fleet Street où elle espérait vendre du café, sa boisson favorite. La jeune femme avait tout calculé. Elle avait trouvé des fournisseurs et déjà retaper son magasin pour que les clients puissent également boire sur place. Plus que quelques semaines et elle allait pouvoir ouvrir.

Malgré tout ce qui s'était passé ces derniers mois, Célia était heureuse et cela même lorsqu'elle signa l'acte de vente de la compagnie Campbell que ses aïeuls avaient si ardemment développée.

Après une rapide poignée de main avec James Butler, elle se retira une dernière fois dans son grand bureau vide où Allan, son assistant, l'attendait. Le pauvre garçon avait l'air dépité et lui dit gentiment qu'elle allait beaucoup leur manquer. Célia fut touchée, mais rien ne la ferait changer d'avis. Elle était enfin sereine, libérée de toute la pression que lui infligeait la compagnie et la concurrence.

Dans l'ancien bureau d'Harold, la petite femme mit quelques dossiers dans un sac et décrocha le portrait de son père. Allan vint l'aider, or elle refusa sa bienveillance. Déçu, il se mit en retrait et laissa Célia se démener avec la grande toile.

Ses affaires emballées, la jeune femme estima qu'il était temps de partir. Une dernière fois, son assistant lui ouvrit la porte et ne put s'empêcher de verser une larme. Célia s'arrêta un moment devant lui et lui passa une main sur la joue en souriant. Elle en avait vécu avec cet homme et savait que ces larmes étaient sincères. Puis, elle le laissa et se mit à descendre lentement les marches du grand escalier de marbre menant à la sortie, son sac et le tableau dans les mains.

« Miss Campbell ! » fit une voix masculine alors qu'elle était encore sur les marches.

Elle se retourna et vit un jeune homme courir vers elle comme si sa vie en dépendait.

Tea & Coffee : Le Crime du Darjeeling-Express (livre I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant