Chapitre 1

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29 juillet 1892

C'était en 1892, le XIXe siècle touchait à sa fin et l'Empire Colonial Britannique s'étendait dans le monde entier. En Inde, de nombreux chemins de fer avaient été construits à travers tout le pays pour permettre un commerce et un passage rapide entre les différentes villes.

Les Campbell, issus d'une petite gentry ambitieuse, composée d'un père et de ses deux filles, avaient fait fortune dans le négoce du thé et passaient, depuis, des jours paisibles à Londres où leur entreprise paraissait florissante aux yeux de tous. Depuis un an, elle était même cotée à la bourse de Londres et rejoignait les plus grandes entreprises de négoce de l'époque. Tout ce à quoi pensaient les Campbell dès lors, c'était donc de s'étendre encore plus afin de satisfaire leurs actionnaires et de maintenir leur commerce à flot.

Dans le but de faciliter leurs échanges commerciaux, Mary Campbell, la fille aînée, était sur le point de se marier avec Sir Alexander Butler, dont l'appellation « Sir » n'existait uniquement que parce qu'il avait décidé d'acheter prochainement le titre de Baronnet. C'était le fils unique d'un Lord anglais extrêmement riche, lui-même fils de Marquis, expatrié depuis plusieurs années et détenant la majorité des terres cultivables au nord du Bengale.

Célia Campbell, la cadette, âgée alors d'à peine vingt ans, entreprit donc un long voyage avec sa famille de Londres jusqu'à Darjeeling, chez les Butler, où le mariage devait avoir lieu.

Sa mère était morte depuis quelques années, ce qui avait rendu son père, Harold Campbell, inconsolable. Il avait vieilli prématurément et sa santé se dégradait de jour en jour. Souffrant depuis peu de goutte et devenant légèrement cardiaque, avec son asthme qui se réveillait de surcroît, de tels déplacements étaient fortement déconseillés. Mais cette union était une aubaine et la meilleure chose pouvant arriver à Mary et, lui aussi, faisait donc parti de ce voyage, qui débuta par un long trajet en bateau de Dover jusqu'à Bombay, en empruntant dans l'ordre, la Manche, l'Atlantique puis la Méditerranée et enfin la Mer Rouge avant l'Ocean Indien. C'était donc très long.

Après quelques problèmes techniques au niveau du canal de Suez qui les cloua pendant trois jours à quai, le long trajet prenait fin après presque de trois semaines. Célia, qui avait sans arrêt le mal de mer, en était soulagée. Une journée de plus sur ce transport et elle se jetait à l'eau. Au matin du dernier jour de bateau, la jeune femme sortit donc de son lit où elle était restée une bonne partie de la matinée. Encore un peu malade, elle se dirigea vers le grand miroir de la pièce.

Célia n'était pas la plus belle femme du monde, mais elle avait ses charmes : un corps un peu maigre comparé à celui de sa sœur bien robuste, mais en bonne santé un visage doux, quoi que son nez semblait un peu trop large. Heureusement, il s'accordait parfaitement avec ses grands yeux ouverts et ses sourcils bruns épais.

Passant de son miroir vers sa malle, la jeune femme enfila une longue jupe verte qui fit ressortir ses beaux yeux noisettes qu'elle noua avec une ceinture sur sa fine taille et un chemisier blanc avec un col à jabot, puis, coiffa rapidement ses cheveux noirs très épais en chignon et, enfin, fignola sa coiffure avec de petites pinces et un grand chapeau fourni qu'elle accrocha avec une épingle.

Une fois préparée, elle sortit sur le pont, derrière la première des quatre cheminées. Là, elle rencontra sa sœur aînée, toujours accompagnée par son fiancé, Sir Alexander, qui fumait son gros cigare nauséabond.

« Bonjour Célia, lui dit Mary lorsqu'elle la vit. Le capitaine a annoncé que l'on arriverait d'ici trente minutes. Tes affaires sont prêtes ?

— Cela fait deux jours qu'elles sont prêtes, répondit Célia qui commençait à avoir mal au cœur.

Tea & Coffee : Le Crime du Darjeeling-Express (livre I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant