Mary était plus grande qu'elle... et même très grande pour son époque, contrairement à Célia qui demeurait assez petite. Cette dernière n'arrivait même pas à l'épaule d'Alexander, lui aussi très grand. Sur ce point-là, les fiancés s'étaient bien trouvés.

« Désolée Mary, je te promets de faire un effort, lança sans conviction la plus jeune des sœurs.

— Moi aussi, Darling », lui fit son fiancé, marqué par son traditionnel inexpressif visage.

Mary redressa son chapeau sur ses beaux cheveux blonds tressés. Passant une main sur sa robe violette qui comprimait son ample poitrine, elle enleva la cendre laissée par le cigare d'Alexander.

« Je vais retourner à notre cabine pour aller voir père. Tu viens avec moi, Célia ?

— Non je vais rester un peu ici », répondit-elle en prenant de grandes inspirations pour calmer son estomac qui commençait à faire des siennes.

Mary repartit et Célia resta un moment avec Alexander qui finissait de fumer. Elle appuya ses mains contre la barrière de métal peinte en blanc et observa l'horizon.

La mer était houleuse et faisait tanguer le bateau. Le ciel anormalement gris annonçait de l'orage. On était encore en été en Inde et la saison des pluies n'était donc pas terminée, pourtant, il faisait terriblement chaud.

« Votre sœur a raison, fit le bel homme à côté d'elle. Il va falloir que l'on fasse un point sur nos différends, à commencer par l'entreprise.

— S'il vous plaît, pas aujourd'hui... »

Ignorant ce que Célia venait de lui demander, il continua d'insister.

« Il faut que vous me laissiez participer un peu plus à vos transactions. Bientôt, j'aurais moi aussi mon mot à dire là-dessus. Consentez au moins à ce que je jette un œil sur les comptes.

— C'est mon père qui s'occupe des comptes. Allez donc lui demander. Mais je ne promets pas non plus un oui de sa part.

— Bon, parlez-moi un peu de cet achat en Chine au moins.

— Ce n'est pas le moment Sir Alexander. »

Cette fois, passablement agacé, il fronça les sourcils.

« Et dites-moi quand ce sera le moment, Célia ?

— Oh mon Dieu, je vais être malade. »

La jeune femme mit une main devant sa bouche et se précipita à l'intérieur du bateau. Alexander, resté en plan, jeta son mégot dans l'eau et secoua la tête.

« Décidément, très distinguée. »

Le visage habituellement blanc et parsemé de tâches de rousseurs de Célia prit soudain une teinte anormalement rouge.

« Comment cela, une semaine ? » cria-t-elle.

Le bateau était à l'arrêt. Il y avait quelques minutes, il avait accosté dans le port de Bombay entre un bateau de pêche et un cargot. La plupart des passagers étaient déjà sortis, mais Mary n'avait pas fini de faire ses bagages et rangeait ses toilettes dans une immense malle en bois peint. Il y en avait cinq en tout, pour son mariage, elle avait acheté assez de robes pour vêtir la moitié de Londres, or il n'en restait plus qu'une à remplir. Cela ne serait pas chose aisée, la dernière malle ouverte était déjà pleine à craquer.

« Célia... Darjeeling n'est pas la porte à côté », lui dit gentiment Mary.

La plus jeune des sœurs, agacée, claqua la malle d'un coup sec. L'employée du bateau, qui se trouvait non loin d'elle, releva le couvercle et continua à placer les vêtements à l'intérieur en poussant de toute ses forces pour tasser le tout.

Tea & Coffee : Le Crime du Darjeeling-Express (livre I)Where stories live. Discover now