Les dingues et les paumés

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Ils disent que je suis folle. Frappadingue.

C'est eux les fous. Avec les visages à demi-caché, leurs voix idiotes et ces mains trop grandes pour ces corps trop maigres qui dansent et qui pincent. Ils prononcent des mots comme ça, comme-ci, et puis ils me touchent et moi je ris.

Moi je ris, je ris tous les jours. C'est ça qui leur fait peur, mon rire qui se fracasse contre les murs, qui brise les fenêtres. Je hurle, je crie, les poumons dehors, dans mes mains, la gorge au sol. J'aime cette sensation de silence.

Ils ne comprennent pas, ils ne comprennent rien. Parce que quand eux, ils rentrent, ils partent en poussant des cris aigus, en me disant " on revient, on revient ! ". Ils se glissent sur les murs, gouttent sur le plafond et tombent sur mon visage. Ils coulent dans ma gorge et j'ai beau crier, appeler les autres, rien, ils s'insinuent au plus profond.

Et je ris.

Et je les vois. Ceux qui grimpent, qui coulent et qui rigolent avec moi. Ils sont là, et ils saignent. "Bois, bois ! " et je bois. Ils me caressent la tête, pendant que je vomis des insectes couleur ombre. Je les vois quand ils m'entourent de leurs écailles brillantes, qu'ils frottent avec douceur contre moi. Et les demi-caché, avec leur masques, ils disent " elle perd la tête ". Je suis décapité, alors ? Je vis sans tête, comme une poule.

Une poule, ça me fait rire. Parfois je ne sais plus m'arrêter et ils reviennent. Ils reviennent " Calme-toi, calme-toi, je t'en prie, calme-toi ! " et je ris, comme si je ne respirais plus. Je me secoue sur le sol, les yeux révulsés, animée de spasme. J'adore voir la terreur jaillir de leur yeux. Elle m'enveloppe, et je me sens bien, dans mon linceul de peur.

The songs tell storiesWhere stories live. Discover now