Pour être honnête, en entrant dans cette fête, c'est la dernière que je pensais qu'il allait m'arriver en entrant ici, et, je ne sais pas vraiment si je suis heureuse ou non. Tout s'est passée tellement vite que je ne réalise même pas.

Premièrement, je suis découverte. Deuxièmement, je participe à un jeu débile.
Et troisièmement, je n'en ai aucune envie.

Quitte à me faire haïr et éliminer en première autant partir maintenant. Je m'en contrefiche que Cameron soit là, ce n'est pas un vulgaire sourire qui va me déstabiliser et me faire changer.

Je me sens en confiance avec lui, certes, mais un jeu aussi sadique que celui-ci ne peut pas être inventé par des gens sains.

J'ai pris ma décision. J'ai ouvert les yeux.

Devant toutes les personnes ébahies, je descends de la scène en ne disant rien du tout, en exprimant rien du tout. Toujours ma caméra à la main je traverse la marée humaine qui se fait une joie -je ne sais pas pourquoi- de me laisser un chemin pour partir. Il y a un silence et seul mes pas franchissant cet immense salon se font retentir.

Derrière moi, il y a des pas plus lourds, et je ne me pose même pas de questions sur la personne derrière moi. Cameron. Je cours et franchie la barrière entre leur monde et mon monde.

J'inspire et l'air frais du soir rempli mes poumons. C'est comme si je venais de prendre une énorme bouffée d'air après avoir été noyé.

- Emé ! j'entends derrière moi.

Je reconnais la voix grave de Cameron et je continue de courir sur le trottoir longeant les villas. Je n'ai même pas le temps d'avancer plus loin que des bras chauds et musclés entour mon corps. Je m'arrête violemment et ne me débats pas. Je sais pertinemment qu'il est beaucoup plus fort que moi.

- Arrête Emeline... murmure-t-il à mon oreille.

Je frissonne au contact de ses lèvres si prêtes de moi, et tout d'un coup, mon corps se réchauffe. C'est comme si ont partageaient la même chaleur.

J'ai envie de me jeter au sol et de pleurer parce que je sais où tout cela va me mener : trahisons, mensonges, injures, humiliations. La chanson des sentiments tourne en boucle sans jamais s'arrêter avec une seule et unique délivrance : la mort. On s'habitue à cette chanson et elle devient supportable grâce à la méfiance. Mais tout sentiment -qu'il soit amoureux ou amical- nous fait souffrir. J'ai réussi à me délivrer de ses sentiments, de cette chanson, et je ne veux en aucun cas qu'ils reviennent tous les deux.

Une petite larme commence à dévaler mes joues et il me lâche. Ses yeux sont inquiets et pleins de remords. Comme si cette larme -de tristesse ou de colère- avait créé un électro choque dans tout son être.

Nous nous électrisons tout à tour par trop de sentiments.

Je pince ma lèvre inférieure jusqu'au sang et mes larmes cessent pour laisser place à la colère.

- Tu étais obligé ?! crié-je.

- Obligé de quoi Emeline ? dit-il sèchement. De te donner une chance de te valoriser ?

- De m'humilier plutôt.

Comment ne pas rester en colère devant un garçon qui ne vous souhaitez que du bien ? Comment détester ? Je n'arrive pas à détester, seulement à ignorer.

- Ce que nous donnons aux Choisis c'est de l'espoir, pas une raison de se faire humilier.

Nous sommes toujours face à face. Seul le bruit de nos respirations se font entendre dans cette rue vide, bien qu'on entende légèrement la musique au loin.

- On vit dans deux mondes parallèles Cameron, le miens n'est pas fait d'espoir. Il n'est fait que d'humiliation, de colère et de tristesse... Le tiens de popularité, de rire et de moments heureux. Tu n'as jamais vécu le tiers de ce que j'ai vécu, tu me donnes juste une raison de m'enfoncer encore plus, déclaré-je plus durement que jamais.

Je me retourne vivement dans la rue, laissant l'objet de mon emprisonnement dans une expression vide de tous sentiments.

Quelques secondes suffisent avant que cette même main m'agrippe une seconde fois.

- Emeline, je te montrerais que la vie est belle, je te le promets... La première étape est ce jeu de « débile » comme tu le considères du moins. Pendant un moment tu m'as fait douter sur le fait de te faire participer. Mais Emeline, je n'abandonnerais pas. Je ne t'abandonnerais pas. Je te propulserais vers ce rêve que tu as espéré en faisant tes vidéos.

Je soupire. Il n'a rien compris. Même si mon cœur me souffle de laisser sa rassurante main m'enlacer... Mon cerveau me crie de partir.

- Les rêves ne sont faits que pour être brisés.

Et sur ces mots je cours dans le bus à toute vitesse, en abandonnant tout derrière moi.

Ne jamais suivre son cœur. Jamais.

Crazy de Madilyn Bailey et Leroy Sanchez retentit dans le bus. Avec cette chanson, tout aurait semblé comme un rêve. Ce mot me dégoute autant que le garçon qui l'a prononcé devant moi.

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J'arrive chez moi et mon père n'est pas encore rentré. Je file en haut dans ma chambre, me mets en pyjama et m'installe près de mon ordinateur qui est sur mon bureau.

@JennaGlad C'est vrai que tu participes au YouTube Game ? C'est super ! La nouvelle est sortie sur leur chaîne YouTube ! Je te soutiens, ne t'en fais pas pour ce soir ! Ce n'était rien du tout 😉

Voilà le premier tweet apparaissant sur mon écran. Je connais cette personne qui me suit depuis mes débuts, mais ça n'en reste que je ne la connais pas vraiment.

@EmeFoxe Je ne compte pas vraiment y participer pour l'instant...

Et puis personne ne peut m'obliger à y participer non plus !

Je me déplace dans le noir pour aller manger un truc même s'il est minuit. Je dévale les escaliers à toute vitesse, mais je rate une marche et bascule en avant. Je sens tout mon être attiré par la gravité.

Pourquoi suis-je aussi maladroite ? Pourquoi ?

Mais contrairement au choc auquel je m'attendais, des bras me rattrapent et mon cœur rate un battement. Une odeur masculine emplie mon nez et j'ouvre les yeux. Seul la lumière de la lune entrant par la fenêtre me permet de voir qui c'est.

Lui.

Comment est-ce possible ?

- Hey Emé...

Je reconnais tout de suite sa voix et la colère qui m'avait prise tout à l'heure s'évapore. Il me fait oublier.

Je ne sais pas très bien pourquoi, mais j'ai le sentiment que je dois m'éloigner de lui. Je ne peux pas laisser des sentiments s'immiscer. Je ne peux plus du moins. Je ne sais même plus quoi penser... Devrais-je lui faire confiance ?

Non. Je sais très bien où cela me mènera.

Je reprends mon esprit et lui réponds de la manière la plus naturelle possible :

- Dégage Cameron.

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