Chapitre 11 : Fix you

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— Oh par pitié ! Souffla le garçon, Tu es conseiller du gouvernement, pas chef de l'état. D'ailleurs, on n'est même pas français.

— Je ne vois pas le rapport.

— Le rapport, c'est que je ne comprends toujours pas pourquoi on ne rentre pas en Belgique ? Qu'est-ce qu'on fait encore ici, après tout ?

— Nous, on travaille, répondit son père, sèchement, Mais toi, en effet, je ne vois pas ce que tu fais d'autres à part trainer avec tous tes amis qui sont des crétins de banlieusards. La France est un pays très intéressant en termes d'éducation et si tu suivais un peu mieux l'exemple de Ruben, tu comprendrais que tu ferais mieux d'en profiter pendant que tu en as l'occasion, plutôt que de te tourner les pouces comme tu es en train de faire ! Regarde-toi, à vingt ans, sans études ni travail !

Jared avait loupé son baccalauréat deux fois de suite pour finalement décider d'abandonner le système scolaire, qui ne lui avait jamais vraiment correspondu.

— Ça ne m'étonne pas que tu sois devenu aussi inutile à la société, enchaina Boris, imperturbable, A force de trainer avec ces abrutis... Comment pourrais-tu rencontrer des gens un minimum intéressant, capable de te redonner goût aux études ?

— Oui, tu as raison, grinça Jared, Je suis probablement trop idiot pour reprendre mes études par moi-même.

— Ravi que tu en fasses le constat par toi-même, ironisa son père, bien qu'il pensât réellement ce qu'il disait.

Ruben se tassa, mal à l'aise, dans son siège. Bien sûr, il savait très bien ce que Jared était en train de faire. Il énervait leur père pour détourner le sujet de conversation de base : lui et son retard au traditionnel repas du dimanche midi. Il ne comprenait pas vraiment ce qu'il s'était passé pour que son frère se décide à lui venir en aide aussi souvent, après tout, ils n'avaient jamais été en très bon termes tous les deux. Dans tous les cas, et quelle que soit la raison, il pouvait difficilement s'en plaindre. Ruben était tout bonnement incapable de tenir tête à leur père comme le faisait Jared. Depuis toujours, il savait qu'il portait le rôle de l'enfant prodige, le petit préféré, le dernier, et il était terrifié à l'idée de ternir cette image. En comparaison, Jared n'avait pas grand-chose à perdre, car il avait toujours été considéré comme le raté de la famille, celui qui n'arriverait à rien et qui, tragiquement, n'était arrivé à rien. A dix-huit ans, lorsqu'il n'avait pas eu son bac pour la deuxième fois, il avait commencé à trainer avec des jeunes de banlieue, à entrer dans des trafics de drogues et à passer son temps à faire des soirées. Désormais, il avait créé son petit business et sa réputation. Il avait ses clients habituels dans tous les petits lycées friqués de la capitale qui préféraient acheter leur marchandise à un type « dans leur genre », plutôt que de trainer dans les bas quartiers. Jared était devenu le dealer de la jeunesse dorée en quelques semaines. C'était ainsi qu'il avait rencontré Ellie Lefevre. Cette garce qui l'avait brisé de l'intérieur, le rendant encore plus insociable et brutal qu'il ne l'était déjà.

Ruben se retourna vers son frère, le gratifiant du regard, tandis que celui-ci esquissa un sourire en commençant à manger. Encore une fois, il l'avait sauvé.

***

Anna entrouvrit les yeux doucement, son mal de crane de ce matin avait finalement disparu et elle avait l'impression d'avoir dormi une journée entière... Ce qui était probablement le cas, songea-t-elle, affolée, en se relevant subitement pour jeter un coup d'œil au réveil sur la table de nuit. A son mouvement, Noah se réveilla à son tour et grommela quelque chose d'incompréhensible, tandis que la jeune fille se laissa retomber sur le lit en soupirant. Il était quatorze heures trente et elle n'avait pas prévenu Cécile qu'elle rentrerait aussi tard, sa mère allait encore probablement lui tomber dessus à son retour. Enfin, ce ne serait pas la première fois qu'elle allait se faire engueuler, puisque c'était son quotidien ces derniers temps. Sur ce constat, elle replongea bien au chaud sous la couverture et referma les yeux un instant. Elle sentit le bras de Noah se poser sur sa hanche et il la ramena vers lui pour la coller contre son corps. Il était brulant en comparaison à elle et Anna ne put empêcher un soupir de confort s'échapper de ses lèvres lorsqu'il la serra contre lui. Elle l'entendit rire dans son dos, mais préféra l'ignorer.

NantisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant