Chapitre 3

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La nuit, douce amie des vices les plus inimaginables, mais si attrayants couvre de sa noirceur des êtres en plein ébats. La fraîcheur de la pièce qui mort la peau. La sueur qui perle sur la chair enfiévrée par l'effort sulfureux. Les gémissements, râles et cris de plaisir mêlés de douleur. Plus rien ne compte. Seul ce sexe dur et gorgé de sang qui pénètre l'anneau de chair les garde accrochés à la réalité. Il leur rappelle que, bien que n'ayant plus qu'un faible souffle de vie, cette sensation intense d'euphorie pure prouve qu'ils vivent bel et bien.

Les habits, éparpillés sur le sol ne sont que les témoins de cette scène emplie de luxure. L'air est gorgé de l'odeur du sang qui ne cesse de couler à flot, et de quelque chose de suave, presque sensuel tant il est subtile. Les coups de reins se déchaînent sur le corps tremblant d'excitation et bougeant aux rythmes de celui qui le domine, ses cris étouffés par l'oreiller qu'il mord aussi fort qu'il le peut, jusqu'à hurler silencieusement. 

Cette chaleur qui se propage en lui n'est en rien comparable au sang d'une femme trouvée dans un coin de rue. Le membre qui le pénètre avec violence est désormais tout son monde. Il sent l'apogée de leur ébat bientôt arriver. Bientôt, les coups de butoirs se font plus rapides, plus frénétiques et sauvages. Comme une urgence de ressentir enfin la délivrance. Les gémissements se font plus bruyants, teintés de légers cris de douleur mêlés d'ivresse. Ce corps qui se fait inlassablement marteler, profondément, de tout son être. Ce corps qui bouge frénétiquement sous les assauts répétés, ne désire en cet instant qu'une chose : l'éternité.

L'esprit vide de toute pensée cohérente, il ne souhaite que se faire prendre encore et encore, ne s'arrêtant que pour mieux recommencer. Après tout, leur corps fait de chair est loin d'être aussi fragile qu'ils en ont l'air. Ils sont bien plus que résistants. Ces coups de reins brutaux ne font que le prouver davantage. 

Oui, cela serait clair pour n'importe qui les verrait : ces deux êtres sont loin d'être humains. Certains les compareraient à des bêtes, d'autres, à juste deux corps possédés par le plaisir. Mais bien vite, les vas et viens se font plus bestial encore, plus secs et moins rapides, jusqu'à la jouissance tant attendue. Et, enfin repus, ils s'effondrent l'un sur l'autre dans un entremêlement de membres en sueur. C'est exactement comme cela qu'ils se sentent vivants. Couverts de sueur, de sang et de semence mêlés, la respiration saccadée, mais encore loin de la réalité. Trop ancrés dans l'espace post-orgasmique.

"Tu sais, mon ami, si je te racontais les nuits de débauches que j'ai eu avec ce type, tu rougirais probablement. J'imagine très bien tes joues s'empourprer, mais tes yeux briller d'envie de connaître un tel plaisir. Malheureusement pour toi, baiser avec un vampire t'aurait très probablement tué. Peut-être est-ce cela qui m'a empêché de me rapprocher de toi plus que de raison. Non que je me plaigne, j'adorais notre relation. Toute en ambiguïté. Ni vraiment amis, ni vraiment amants... C'était amusant. Le temps que ça a duré...

Mais trêve de bavardages inutiles, j'ai appris que cet enfoiré prévoyait de sortir de son trou d'ici quelques jours. 

Enfin

Apparemment, il organise une de ses soirées extravagantes où de nombreux monstres de son espèce se réunissent. Se pavanant sans cacher leur perversion les plus osées. J'admets que fut un temps, j'y participais, et ce avec le sourire. J'adorais le monde qu'il m'offrait, la vision de sang à profusion, de vampires prêt à tout s'offrir : que ce soit de l'argent, ou du sexe. J'aimais cette vie de facilité où l'éternité ressemblait à une infinie de félicité. Où rien ne pouvait m'inquiéter. Sauf mon abandon... 

Simplement imaginer qu'il me quitte un jour suffisait à me faire souffrir. C'est idiot, ce n'est pas comme si nous ressentions réellement des émotions à notre "naissance". Mais pour moi, juste penser à ce scénario me donnait envie de hurler d'agonie. Je refusais toute idée d'être un jour abandonné par celui qui m'avait créé, et avec qui je partageais tout, jusqu'à mon âme.

Tu dois rire de moi là où tu trouves. Et tu as bien raison : il n'y a pas plus pathétique que moi. Je parle à un mort pour commencer - sans vouloir te vexer - et prévois de tuer mon "créateur". Celui à qui nous dévouons nos vies de vampires. Le lien qui nous lie à lui juste après notre naissance est puissant et intense. Il nous empêche de vouloir lui faire ne serait-ce que le moindre mal. Il nous fait le voir comme un Dieu à qui nous ne pouvons rien refuser. Celui qui fait de nous un vampire est notre Tout.

Mais moi, je le tuerai. Il le faut. Je veux simplement oublier tous les mots qu'il me susurrait à l'oreille sur mon prétendu "caractère unique". Tous ces compliments stupides qui me flattaient tant. Je l'adorais sincèrement. Mais à présent, je ne ressens qu'une haine et déception profondes. Je veux juste qu'il meurt, qu'il paie pour ce qu'il t'a fait. 

Penses-tu que j'ai tord de vouloir de telles choses ? 

Après tout, tu prônais le pardon et le dépassement de soi, la volonté. Mais moi je ne peux oublier tous ces siècles à sa botte. Moi, le suivant tel un chien derrière son maître. J'accomplissais tous ses désirs, ses obsessions malsaines... Tout pour qu'il me garde. Et pourquoi en fin de compte ? Venir vomir toutes mes peines à un mort. Une personne que j'aimais au lieu de vénérer. Je l'avais enfin compris..."

Au loin, tandis que l'homme n'en finissait de peindre son être, d'autres le fixaient. Hésitant sur la manière de l'écarter de cette tombe qu'ils croyaient maudite. Après tout, dès qu'ils quittaient le cimetière, le vampire s'en allait sans rien dire et revenait plein de sang et d'odeurs indescriptibles. Cependant, malgré leur envie de l'éloigner de cet endroit, ils le laissèrent là, dire ce qu'il ne disait à nul autre. Peut-être cela l'aiderait-il au final ?

Ce qu'ils ignoraient pourtant, c'était que tous ces mots n'étaient qu'une biographie décousue avant la mort de l'auteur. Mais que pouvaient-ils y faire de toute façon ? L'être devant la tombe ne se sentirait enfin comblé que dans la vengeance et la mort de celui qui l'avait brisé.

"Tu sais, j'aurais adoré tout te dire de ma vie quand tu étais encore là. J'y avais souvent songé, mais n'y étais jamais parvenu. Je suppose que l'idée de me faire rejeter comme un malpropre pour la seconde fois de ma vie me rebutait assurément. Pourtant, je suis sûr que tout aurait été différent. Cette vie que je mène aujourd'hui n'aurait pas été aussi pourrie.

Tu aurais sans doute compris tout ce qui me passait par la tête sans que je n'ai à tout révéler. C'était un don que tu possédais. Tu aurais compris, bien avant moi sans doute, que je t'aimais et te désirais si ardemment que mon regard ne te lâchait jamais. Mais peut-être le savais-tu après tout ?

Bientôt, je viendrai te conter ma rencontre avec cet enfoiré. Peut-être même que je te révélerai comment je suis devenu ce que je suis. Ce sera sans doute ma dernière visite avant que je n'aille lui faire la peau. 

Mon plan est bien en place, tu sais ? Les personnes qui me suivent ne sont pas humaines elles non plus, et souhaitent également la mort de ce type. Tu connais le proverbe : "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Eh bien, j'ai fait des personnes qui haïssaient ce mec mes alliées. Et je n'en suis pas peu fier. Je pourrai enfin me débarrasser de lui.

Mais pour l'heure, je vais simplement rester un instant ici. Étrangement, l'atmosphère de ce lieu m'apaise plus qu'elle ne m'inquiète..."

Dans peu de temps, la vengeance de l'homme torturé sera accomplie. Mais celui qui veille au loin, sera-t-il simplement satisfait de ce dénouement ?

Falling into DarknessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant