Chapitre 2

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Mardi 5 septembre 2017

En rentrant chez moi, je m'étais enfermé dans ma chambre et j'y restais toute la soirée. Je n'avais pas pris la peine de m'alimenter. Je lus, un peu. Je révisai, beaucoup. Je dormis, pas assez. Mes nuits sont dominées par les insomnies. Mon cerveau me fait souffrir et me tourmente. Il passe le plus clair de son temps à me faire remémorer tout ce que j'ai pu voir et entendre durant la journée. J'associe chaque mot que j'entends à un objet. Si l'on me dit « clavier », je vois immédiatement un clavier, l'emplacement exact de chacune de ses touches, les phrases que je pourrais écrire avec celles-ci et des dizaines de règles orthographiques défilent dans ma tête afin de pouvoir correctement consigner ces phrases. Cette manière de penser m'épuise énormément.

Après une journée au lycée mes cours sont comme imprimés dans ma cervelle et se répètent sans cesse à l'intérieur de mes oreilles et devant mes yeux. Tels d'authentiques photocopies et enregistrements audio. Cela pourrait être un avantage à y repenser, mais un avantage éreintant.

Je n'oublie rien. Chaque souvenir est gravé dans ma mémoire, qu'il soit agréable ou douloureux. J'aimerais parfois être en mesure d'oublier et de mettre mon cerveau en conditionnement « off » afin de me reposer comme tout être‑humain. Seulement, je ne suis pas pourvu de cette aptitude.

Mes paupières semblaient à peine s'être closes lorsque le soleil s'illumina dans le ciel marbré de rose et de mauve que j'eus l'impression d'être encore en plein milieu de mes cauchemars. Bien heureusement je commençais la journée par des mathématiques. Cependant, mon emplacement se trouvait être à côté de Quentin et je redoutais ce moment suite à notre rapprochement de la veille. Il ne fallait pas. Qu'est-ce que cela modifierait à ma vie après tout ? Il était semblable aux autres, il n'était que simple superflu. Un être-humain supplémentaire.

Je me dépêchais de prendre mon petit-déjeuner et de me préparer pour aller au lycée. J'emportai mon sac et mes clefs au trousseau à l'effigie d'un raton-laveur et je sortis.

J'arrivais quelques minutes avant le retentissement de la sonnerie. Je n'ai jamais été en retard, pour moi la ponctualité est primordiale.

Je rentrai en classe pour une nouvelle journée studieuse. En m'approchant de ma place, je vis Quentin pivoté vers moi, à califourchon sur sa chaise, bras croisés sur le dossier.

« Bonjour Nathanaël. Tu vas bien ?

— Pourquoi fais-tu cela ?

— Pourquoi je fais quoi ?

— Pourquoi me parles-tu comme si tu t'intéressais à moi ? »

Il me regarda, sans doute ne comprenait-il pas la provenance de cette question.

« Peut-être parce que c'est le cas ? » dit-il en levant les épaules et en me regardant droit dans les yeux, la tête inclinée sur le côté droit.

« Alors, tu vas bien ? reprit-il avec un grand sourire et en serrant le dossier de sa chaise.

— Je vais bien.

— Tant mieux alors ! »

Quentin s'installa convenablement sur son siège et je fis de même.

« Tu vas bien... Toi ? me précipitai-je de balbutier, me méprisant d'être si distant envers lui qui se voulait être gentil.

— Oui, je vais très bien, merci. »

Le professeur demanda le silence.

« Oh là là, je ne comprends vraiment rien aux mathématiques moi ! s'écria Quentin en feuilletant le manuel au chapitre que nous avions commencé à étudier.

— Je... je pourrais t'aider si tu le désires.

— Des cours particuliers avec toi, comment pourrais-je refuser ? C'est gentil de ta part. »

Je ressentis des frissons parcourir tout mon corps et cette lame s'introduire dans mon cœur. Malgré tout ce que je peux démontrer et dire, j'ai besoin des autres. Seulement, je ne sais pas comment m'y prendre et j'en ai atrocement peur. Je ne sais que reculer lorsque l'on s'approche de moi et m'avancer lorsque l'on s'éloigne de moi.

La sonnerie retentit brutalement. Suite à une urgence, notre professeur de français qui devait nous donner cours l'heure d'après avait eu l'obligation de s'absenter.

J'en profitais pour m'avancer sur le cours de physique-chimie qui aurait lieu juste après, quand soudain je vis Quentin arriver à moi.

« Salut !

— Salut.

— Tu révises ?

— J'anticipe les connaissances.

— Ça veut dire que... Tu prends de l'avance sur le cours, c'est ça ?

— Oui.

— Je me serais bien joint à toi, mais je n'en ai pas besoin. Je suis un petit génie de la physique-chimie !

— Un génie de la physique-chimie, ayant des difficultés en mathématiques ?

— Étrangement, dans cette matière tout me semble plus logique. Je n'ai pas choisi de suivre une filière scientifique inconsciemment ! Allez, lâche-moi ce cahier et viens avec moi !

— Venir avec toi, où ça ?

— Je vais rejoindre des amis dans le bar du coin pour discuter. J'aimerais que tu viennes avec nous. Je pourrais te présenter à eux.

— Je ne peux pas, je suis désolé.

— Qu'est-ce qui t'en empêche ?

— Et bien...

— Rien du tout, n'est-ce pas ?

— Non, rien du tout. »

Quentin me tendit la main, j'attrapai sa paume et me relevai. Une fois debout face à lui il me sourit et m'entraîna à sa suite.

« Nathanaël. »Donde viven las historias. Descúbrelo ahora