xx Falaï xx

25 7 3
                                    


La case de Falaï était une des plus proches de la mer, juste derrière le premier rideau de palmiers. La mienne avait été dressée à l'autre bout du village, du côté de la montagne. Nous n'étions pas voisins, mais nous nous voyions souvent depuis qu'Arii s'était pris de passion pour ma pirogue. Falaï n'était pas chez elle, je poussai alors vers le centre du village et la trouvai en train de discuter avec d'autres femmes.

- Voilà, nous sommes rentrés. Arii a été un vrai petit homme. S'il te dit que c'est lui qui a ramené ma pirogue ne le contredit pas, c'est vrai. Tu peux même le féliciter...par contre je pense qu'il va bien dormir cette nuit !

- Merci Koneho. C'est très gentil ce que tu fais pour lui...

- De rien. Et puis ça me fait plaisir aussi.

Je ne trouvai rien de plus à ajouter. Je repris le chemin de ma case.

- Koneho...

- Oui ? (Je m'arrêtai).

- Tu ne voudrais pas partager notre repas, à Arii et moi ? Je...sais que ça lui ferait plaisir.

- Cela me fera plaisir aussi, répondis-je sans hésiter.

- Bon, alors tiens, tu vas m'aider à porter ça, dit-elle en se levant d'un bond et en me tendant son nouveau panier. Il était chargé de poissons. Je m'en saisis, maladroitement. J'entendis un ou deux rires étouffés. Nous quittâmes le groupe de femmes et prîmes le chemin de la case de Falaï.

Poissons marinés et fruits furent au menu, ainsi que mille histoires d'Arii : ses exploits, ses victoires, ce qu'il ferait demain. Il ne nous laissait pas l'occasion de placer plus d'une parole d'affilée. Falaï et moi l'écoutions en riant. Elle était fière de lui, elle n'en disait rien mais cela se lisait clairement sur son visage. Il resta éveillé tard, jusqu'à ce que la fatigue le terrasse tout d'un coup. Falaï et moi nous retrouvâmes soudain seuls, assommés par le silence après tant d'agitation.

- Viens, me chuchota-t-elle. Laissons-le dormir et allons discuter dehors.

Je la suivis hors de la case. Nous nous assîmes juste devant, sur le sable.

- Quelle santé ! Ton fils est infatigable !

- Oui, j'ai cru qu'il ne s'arrêterait jamais...je commençais à avoir mal à la tête, dit-elle en riant.

- Falaï, Arii m'a parlé d'une histoire de démon rouge tout à l'heure, quand on naviguait. Mais il n'a pas voulu m'en dire plus, sinon qu'il ne l'aimait pas.

- Tu ne connais pas cette histoire ?

- Non ! Il n'a pas voulu me croire non plus, mais non. Pas de telle histoire là d'où je viens. Tu veux bien me la raconter ?

- D'accord... On raconte que loin d'ici, bien plus loin que l'horizon, se cache le démon rouge. Il vit au cœur d'une tempête, caché dans un nuage aussi rouge que le sang. Si jamais un pêcheur croise cette tempête alors le nuage s'abat sur lui. Quand la tempête se retire finalement, on ne retrouve en général plus rien. Dans le meilleur des cas le bateau, mais alors vide. »

- Hum, une histoire de plus.

- Oui...je suis de ton avis Koneho. On la raconte aux enfants pour qu'ils n'oublient jamais.

- Qu'ils n'oublient pas quoi ?

- De ne jamais rester en mer quand une tempête approche. De ne jamais la défier.

- Je comprends, sage précaution en effet.

- Et puis Koneho, est-ce qu'Arii t'a raconté comment il a perdu son bras ?... Le visage de Falaï se fit tout d'un coup plus grave.

La CartographeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant