xx Atinera xx

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Première mission avec Gurutz. Nous avions chargé armes et provisions et Plume Rouge était du voyage, sagement installé dans sa cage. Ilunber nous avait donné de quoi tenir sans dormir pendant deux jours. Je rangeais les feuilles séchées dans mon sac, inutile de les consommer avant d'avoir mis pied à terre. Gurutz fit de même. Je mis ensuite le cap comme indiqué sur la carte que Karia avait tracée pour moi. Il y avait bien assez de vent et je limitai volontairement l'allure pour ne pas arriver avant le lendemain à la tombée de la nuit. Gurutz était installé confortablement à l'avant. Une main passée dehors, il laissait traîner négligemment ses doigts dans l'eau. Je fis un point sur notre position puis nous continuâmes jusqu'en milieu de nuit. Nous nous arrêtâmes, mangeâmes et dormîmes jusqu'au lever du jour. Puis nouveau point alors que le soleil venait de se lever. Nous avions peu dérivé durant la nuit. Nouvelle journée à naviguer et discuter tout en restant sur nos gardes, au cas où nous croiserions du monde.

En fin de journée l'ombre d'Atinera se découpait dans le crépuscule face à nous. Une masse montagneuse imposante, entourée à son sommet par une écharpe de nuages. La côte semblait offrir de nombreuses plages propices à l'abordage. D'où nous étions, nous ne percevions pas la moindre lueur de feu de camp. Juste éclairés par les étoiles nous tirâmes la pirogue sur la plage, la retournâmes pour être dans le sens du départ et la recouvrîmes de branchages.

- C'est bon, tu as tout Gurutz ? ». Je fis jouer les bretelles de mon sac sur mes épaules et portai la main à l'épée accrochée à ma ceinture. Tout était bien là de mon coté. Je sortis une première feuille donnée par Ilunber, la roulai en boule et la calai dans ma joue.

- Oui, jeune, c'est parti ». Me répondit-il à voix basse.

Nous plongeâmes dans les premières végétations qui bordaient la plage. Notre premier objectif était de déterminer si l'endroit était habité, et si tel était le cas, si nous pouvions entrer en contact et obtenir des informations sur la présence de fleurs à poudre. Sinon notre tâche serait moins risquée mais plus longue : il nous faudrait chercher nous-même.

Nous marchâmes toute la nuit, les oreilles grandes ouvertes, nous efforçant de faire le tri entre les bruits de la forêt et tout ce qui aurait pu nous indiquer une présence. Nous n'avions rencontré que quelques cris d'oiseaux et des bruissements d'animaux qui fuyaient à notre approche en dépit de tous nos efforts pour progresser sans bruit. J'espérais que des oreilles humaines seraient moins sensibles que les leurs. Peu avant le lever du soleil Gurutz se figeât, à dix mètres sur ma droite. Il se mit à terre et me fit signe. Je le rejoignis à quatre pattes. A moins de cents mètres en face de nous, légèrement en contrebas, se trouvait un campement.

- A ton avis, combien » lui demandai-je en chuchotant ?

- Difficile à dire, peut-être trente ou quarante. Mais je pense pas qu'il y a plus d'une quinzaine d'hommes ». Gurutz me montrait du doigt quatre grandes paillotes sur pilotis, réparties autour d'un espace dégagé en terre battue. Ouvertes aux quatre vents, on voyait dans chacune des hamacs. Certains étaient occupés par des femmes ou des enfants, d'autres par des hommes. Visiblement aucune sentinelle n'était de garde, ces gens ne semblaient pas particulièrement guerriers. Je savais pourtant qu'ils pourraient devenir dangereux s'ils se sentaient menacés.

- Bon et maintenant qu'est-ce qu'on fait, jeune ? » Me demanda Gurutz à voix basse.

- Rien.

- Pardon ?

Je ris sous cape, « Non, je veux dire : rien pour le moment. On attend que tout ce petit monde se réveille. Dès que le premier est debout j'y vais, seul. Toi tu restes en secours. Tant que je ne te fais pas signe tu restes caché. Si tout se passe bien tu retournes discrètement à la pirogue et attend que je t'y rejoigne ».

La CartographeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant