1 - La gifle

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LA GIFLE

LA GIFLE

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Et vlan ! C'est fait, j'ai encaissé une gifle magistrale. Me voilà à me tenir la joue, réprimer les larmes qui montent. Je rendrais bien la politesse, mais je me maîtrise. Je vous dirai pourquoi un de ces jours. La coupable ne m'intimide pas,  je fais une tête de plus.

L'humidité brûlante au bord de mes paupières... Rien à voir avec la douleur. Non, je n'ai pas mal, mais les larmes affluent. Un réflexe conditionné. Je pince les lèvres et fixe cette... Pas d'insulte, « elle » ne le mérite même pas ! L'affubler de surnoms ridicules représente un passe-temps bien plus amusant ! Tronche à balai ! Œil de morue ! Panda joufflu ! Un vrai délire !

Zut ! Mon imagination, en panne pour une fois, rien de tordant ne me vient à l'esprit ! Quand le conflit explose entre nous, je laisse mon imagination filer et j'habille cette mégère des noms les plus idiots. Une habitude lorsqu'« elle » me fixe avec ses yeux ronds, soulignés à grand renfort de khôl. Un maquillage outrancier, passé de mode, horrible à regarder. Sans parler du rouge à lèvres et du trait de crayon, pas de la bonne couleur... Beurk !

Aujourd'hui, mon retard sert de déclencheur programmé. Oui, j'ai organisé la chose pour obtenir le pétage de plomb de Tronche à balai ! Si je quitte l'école à cinq heures, pile à la fin des cours, retour à la maison trente minutes plus tard. Eh bien non ! Aujourd'hui, j'ai traîné avec ma bande de filles. Nous nous sommes fixées sur notre habituel banc, dans le square pas très loin du collège. Bon d'accord, j'ai grillé une demi-clope avec une des girls et puis une ou deux gorgées de bière aussi. Idiot n'est-ce pas ? Car je n'aime pas la bière ni l'alcool en général. Le plus souvent, je fais semblant. Le goût dans ma bouche, vraiment trop « dégueu ». Fumer... bof pas mieux, mais bon en tant que « meneuse », je dois être à la hauteur, non ? J'admets, le niveau frôle les pâquerettes...

Figée devant Œil de Morue, ni l'odeur du tabac ni les relents du breuvage ne m'ont trahie. L'alliance « déodorant et pastilles de menthe forte », imparable contre le Panda-contrôleur. D'accord, les mots ado-alcool-tabac, la censure assurée si les adultes lisent ça... Mais pour le pays des bisounours, prenez à gauche après l'arc-en-ciel ! Le trio AAT ne va pas disparaître parce que « c'est pas bien ! ». Nous les ados, n'ignorons pas les méfaits sur la santé en cas d'abus. Mais notre « vérité » est ailleurs et pour le moment, elle en passe par là, au risque de prendre de mauvaises habitudes. Sorte d'épreuve initiatique, façon de braver les « interdits », de se rassurer avant de passer le portail d'entrée dans l'« âge adulte ». Une perspective peu réjouissante vue de l'autre côté de la barrière. Toutes ces craintes et d'autres choses aussi.

Attention aux apparences ! Aucun risque que je picole comme un trou, que je perde le contrôle et que j'ingurgite par la même occasion des « trucs » pas clairs. Un discours que je garde pour moi. Bien trop raisonnable pour certaines oreilles que l'option « révolte » inspire davantage. Dingue, de taire le « bon sens » à maman et papa pour faire semblant d'être comme les autres... Certains descendent des bouteilles en pas une minute pour... je suis incapable de vous dire pourquoi : oublier... quoi ? Peut-être planer, au-dessus de la pagaille qui règne dans leur vie ? Aucune idée ! Moi, j'ai d'autres envies, d'autres plaisirs...

Mes pensées dérivent ailleurs et j'entends à peine déblatérer Panda-joufflu sur « les règles instaurées dans cette maison ! ». Suffit l'Iguane-bariolée ! Cette maison ne t'appartient pas. Tu n'es qu'une remplaçante et pas douée avec ça. Ta cuisine est infâme, tes tentatives d'aménagement et de décoration pitoyables. Pour un peu, la Marâtre va m'envoyer pieuter sans manger ou me priver de dessert peut-être ? Au fond de mon sac, des cookies et une pomme, de quoi éviter le dîner et échapper à ses plaintes sans fin. En tous cas rien du concert du siècle !  Sa voix provoquerait un amoncellement de nuages menaçant au-dessus du public égaré là par je ne sais pas quelle malchance.

Quelle casse-pied ! La jauge de ma réserve de patience entre en zone rouge, une petite lumière clignote pour avertir d'un danger imminent... alors je lui tourne le dos et monte dans ma chambre sans m'arrêter à ses cris :

— Agathe, redescend immédiatement ! je n'ai pas terminé.

Et bien moi, si ! Horripilante, sa voix torture mes tympans et dehors il pleut, histoire de confirmer mes dires. La porte claque aussi fort que possible. Je sais d'expérience qu'elle n'osera pas entrer dans mon antre. Elle pétoche dans mon univers...  Question déco, mon ambiance  psychédélique affole le regard. Rien de reposant et j'adore ça. J'ouvre la fenêtre. Vue sur le toit de la véranda puis sur la pelouse tondue de frais, pas par Morue défraîchie. Des fois qu'elle se casse un ongle... du même rouge que celui qui recouvre ses lèvres d'ailleurs, une vraie mocheté. Plus tard, cette nuit, je me glisserai dehors. J'ai juste à enjamber puis, sur le côté de la véranda, le treillis me sert d'échelle. Et j'irai... Il est un peu tôt pour livrer mes secrets.

Avant les confidences, les présentations. Agathe, quinze ans, toutes mes dents enfin presque. Oui, les dents de sagesse attendent leur heure. Plutôt facile à vivre, quand personne ne m'impose de règlement débile. L'école, le sujet qui fâche. Les cours m'ennuient. Rester assise pendant des heures, je déteste. Pourtant, curieuse de nature, je m'intéresse à une multitude de choses. La solitude, j'apprécie, elle ne me pèse jamais. Me retrouver au milieu du monde ne m'effraie pas pour autant. Agathe, comme un poisson dans l'eau, quelque que soit l'endroit.

Rien de très compliqué, dans ma petite vie. Seul « hic », la mégère quasi hystérique qui ronchonne en bas. Je la tolère juste parce que mon père est un type bien. Je ne vais pas dire que je le comprends, sinon je saurais ce qu'il fait avec Panda-loufoque. Mais là, je me frotte les mains avec satisfaction, ravie que mes petites manigances portent toujours si bien leurs fruits... Très vilain ce comportement, Agathe ! Je le reconnais volontiers. Quand je vais prendre mon regard de chien battu tout à l'heure, pour l'histoire de la gifle, je vois d'ici la coupable pâlir et se tortiller. Je vais me délecter, ça sera toujours meilleur que sa bouffe. Vivement ce soir !

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Merci d'aller faire un tour du côté de ma nouvelle fic :

LE PRINCE ENDORMI

inspiré au masculin de la Belle au bois dormant... en plus...  "fantasy"

https://www.wattpad.com/story/132096411

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant