D'autres tantes et grands-mères avaient aussi trouvé des cuisiniers. Raïssa et Aminata avaient trop hâte de recevoir ce monde à la maison. Toute mon euphorie s'est envolée en voyant mn homonyme deux jours avant la fête. Elle était à Dakar pour assister au mariage.

Mamie Maguette : Maguy doma nieuw nouyou. Maggeu nga deh legui . (Maguy viens me saluer, tu as grandi, hein.)

Je ne voulais pas l'approcher, mais mamie Anta m'a fait un clin d'oeil. J'étais coincée, je ne pouvais pas l'humilier devant tous les invités. Je suis donc allée lui donner la main.

Mamie Maguette : waw goor. Guisna Raïssa, motakhone sa mame dieulsilla. Raïssa doma yobu Amérique khana? Beugeu na sol si genrou robe yi deh! (C'est bien. J'ai rencontré Raïssa, je vois que c'est la raison pour laquelle ta mamie t'a récupérée. Raïssa, vas tu m'amener en Amérique, je veux porter ce genre de robes aussi.)

Raïssa : Dina la yobu kagne. (Bien sur, Je vais t'amener.)

Mamie Maguette : Yow yaru nga deh, dinala yoner ak sipakh, beugeu nga sipakh ak yarangka? (Tu es bien éduquée. Je t'enverrais des crevettes. Aimes-tu les crevettes et les pieuvres?)

Raïssa: Khawma luy lolou deh. (Je ne connais pas ça.)

Mamie Anta : Sipakh means Shrimps baby. And yarangka , octopus. (Sipakh= crevettes et yarangka= pieuvre.)

Raïssa: Oh crap. How can they eat that? (Oh merde! Comment peuvent-ils manger ça?)

Mamie Anta : Watch your mouth sweety. (Surveilles ton langage ma puce.)

Mamie Maguette: Yow Anta dangay lakkeu luniou khamul rek. (Anta, tu passes ton temps à parler des langues incompréhensibles.)

Mamie Anta: Raïssa deh ladone expliker lane moy sipakh ak yarangka. (J'expliquais à Raïssa que tu parlais de crevettes et de pieuvres.)

Mamie Maguette: Yene deh ay toubab nguene. (Vous êtes des blancs.)

Raïssa: Beugeu na crevettes mais octopus bi bakhna. (J'aime les crevettes nais pas les pieuvres.)

Mamie Maguette a éclaté de rires et s'est mise à expliquer à Raïssa comment préparer la pieuvre. Elle a donné des petits pains (mbourou soukeur), et des oranges, des mangues, à ma grand-mère en guise de cadeaux. Elle m'ignorait royalement. Elle ne s'intéressait qu'à Raïssa et Aminata. En la voyant si détendue, causant avec tout le monde, riant aux éclats, racontant des anecdotes, je me suis sentie faible et meurtrie. La revoir a fait ressurgir tous les souvenirs que j'essayais d'effacer et d'oublier depuis des mois.

Je suis allée m'enfermer dans la chambre de ma mamie, la notre étant pleine de monde.
J'avais envie de crier, de tout casser, de la tuer. Au lieu de tout ça, je me mettais à sangloter sans retenue. Tous les souvenirs ressurgissaient. Les coups, les insultes, les punitions, les humiliations, les menaces et surtout les douleurs. Je souffrais de douleurs physiques mais les douleurs de l'âme étaient plus fortes et présentes. Je me disais, qu'avec le temps et surtout les événements des derniers jours, toute cette histoire de viol allait se dissiper. Mais je me rendais compte qu'elle était toujours aussi présente et surtout aussi douloureuse.

Je pleurais, gémissais et me recroquevillais dans le coin, à côté de la commode de mamie. Mon père a été le premier à venir voir pourquoi je m'étais enfuie.

Papa: Maguy, c'est quoi ces manières ? Pourquoi pleures-tu?

Les larmes et les hoquets m'empêchaient de répondre. Mais que pouvais-je dire? Je ne méritais pas toute cette souffrance et je ne voulais pas de sa pitié.

Papa : Maguy, je te parle!!! Qu'est ce qui t'arrive dernièrement? Tu es devenue incontrôlable.

Ma mamie a accouru avec des tantes, pensant qu'il me frappait.

Mamie : Djiby, je te défends de la toucher. Ça ne va pas non?

Tata Soda: Pourquoi l'as tu frappé?

Papa : Je l'ai trouvée en larmes. Je lui ai juste demandé pourquoi elle s'est enfermée ici.

Mamie: Elle est bouleversée, c'est tout. Laissez-moi avec elle.

Les tatas sont parties mais papa n'a pas voulu nous laisser. Il semblait furieux. Mamie m'a prise dans ses bras.

Papa: Je t'ai toujours gâtée, je fais même l'impossible pour ta sœur et toi. Tout mon argent passe dans les billets d'avion que j'achète pour venir vous voir. Je me tue à la tâche pour vous. Si tu continues comme ça, je ne reviendrai plus jamais.

Mamie: C'est ton devoir Djiby. Tu dois prendre soin d'elles. Elles n'ont pas demandé à naitre. Tu es leur père et elles n'ont que toi.

Papa: Elles ont leur mère et tu es là aussi, sans oublier tata Maguette. Elles sont bien entourées.

Maguy: Maman ne veut pas de nous car tonton Médoune ne nous supporte pas, mamie Maguette n'a fait que me frapper durant le séjour à Mbour et m'appelait la batarde. Je n'ai que mamie Anta et tata Soda. Tu nous as abandonnées.

Papa : De quoi parle t-elle maman?

Mamie : On en reparlera.

Papa : Non, on en parle là, tout de suite. Je n'ai jamais levé la main sur mes filles. Je me disputais avec Nafi quand elle osait les toucher. Et tu laisses cette femme frapper ma princesse, sans me le dire??

Mamie : Ça ne servait à rien. Elle avait déjà souffert. C'est Aida qui m'avait appelé pour que j'aille là récupérer. Elle avait beaucoup de marques sur le corps et Maguette m'a fait savoir que c'était l'œuvre du maitre coranique.  C'est ici que Maguy m'a avoué la vérité. Revoir sa grand-mère lui a sûrement causé de la peine.

Djiby: Elle ose traiter ma fille de batarde? La frapper? C'est ce Moustapha, ce vaurien que j'ai entretenu pour faire plaisir à Nafi, qui est le batard. Elle va m'entendre.

Mamie: Djiby, ne gâches pas l'ambiance. C'est du passé et Maguy est avec moi. Tu connais Maguette, elle se fout de tout. Elle va te dire des méchancetés et tu n'y pourras rien.

Papa : Mais je me dois de protéger mes enfants. Désolée maman.

Il s'apprêtait à sortir.

Mamie: Djiby, buder mala soukou diour, nekk bi bouffi gueneu, di teggii sama wakh. (Djiby, si tu me respectes, ne sors pas de cette chambre.)

Chronique de Maguy : le bout du tunnelOnde histórias criam vida. Descubra agora