Chapitre 11

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Le président Léopold Sédar Senghor disait qu'en l'an 2000, Dakar serait comme Paris. Tout le monde avait hâte de voir ça. Je ne dirais pas que la ville n'était pas belle, ni qu'il n'y avait pas d'infrastructures intéressantes, mais on s'entend bien qu'elle était loin de ressembler à Paris. Que de changements durant cette année!! Monsieur Abdou Diouf, qui a été président du Sénégal pendant 19 ans, a été battu au deuxième tour des élections présidentielles par Maître Abdoulaye Wade le 19 mars 2000. C'était l'euphorie générale, tout le monde voulait un changement et avait espoir que maître Wade serait l'homme de la situation.

L'année scolaire s'était déroulée sans trop de problèmes. Aminata avait réussi à son examen et Raï et moi passions en classe supérieure. Nos parents respectifs étaient fiers de nous et nous ont félicitées. Bon, l'année 2000 allait bientôt se terminer, et plus les années avançaient, plus je stressais par rapport à mon futur. Les vacances étaient juste fantastiques, nous allions à la plage tous les week-ends, avec tonton Souleymane, mamie et Rose. Awa avait peur de la mer et préférait rester à la maison. Cette humilité m'avait vraiment frappée chez ma grand-mère. Elle traitait les gens qui travaillaient pour elle comme ses propres enfants. Elle nous demandait de les respecter et de les traiter comme nos tatas et tontons. C'était le contraire chez ma mère, elle se défoulait tout le temps sur les femmes de ménage, et le résultat est qu'aucune d'entre elles ne restait plus d'un mois. Les personnes qui travaillent chez mamie, ont commencé le service bien avant ma naissance. Je les admire vraiment et ils sont tous formidables.
Tata Soda nous rendait visite très souvent et il nous arrivait de passer la journée ou la nuit chez elle. Tonton Ibrahima (son mari), était très gentil aussi. Il nous mettait vraiment à l'aise et nous invitait toujours à passer des jours chez eux. Nous acceptions toujours car ça nous évitait de faire des cours avec le maître coranique (eh oui, les enfants sont tous pareils, personne n'aimait ces cours, avouez rek, lol).
Mamie n'y voyait que du feu. Nous lui avons joué tellement de tours, que j'en ai honte quand j'y repense. Toutes les excuses étaient bonnes pour éviter les corvées et les cours.
Nous étions en vacances et tenions à en profiter.

Vers le début de l'année scolaire 2000/2001,  des garçons ont fait irruption dans nos vies. Un jour, Rose m'avait envoyée acheter de la salade pour le diner, c'était de la friture. Aminata m'accompagnait car Raï était au téléphone avec sa famille.

Une fois dehors, nous hâtions le pas, afin de ne pas durer. A un moment, j'ai senti que nous étions suivies. J'ai tiré le bras d'Aminata pour changer de trottoir. Le groupe de garçons a fait pareil. Je paniquais. J'ai presque couru pour arriver devant la vendeuse. Ils ne nous suivaient plus. Une fois la salade achetée, nous remontions la rue afin de rentrer. Le groupe s'était en fait arrêté et adossé a une voiture, sur notre route afin de nous barrer le passage. Un d'entre eux s'est avancé :

Lui : No toudou? (comment tu t'appelles?)

Moi : Lussiy sa yone? (di diay am fit, teh touti ma kheum, lol) (Est-ce ton problème?)

Lui : Danga reww deh yow. Khamnala ba pareh. Damala guiss , nopp la, lossi khalat? (Tu es impolie toi. Je te connais déjà d'ailleurs. Je t'ai vue et t'ai aimée. Qu'est ce que tu en penses?)

Moi : Mayma ma dialeu mane. Niakeu nguene diom torop, mane damay diangeu, awma djoteu. (Laisse-moi passer. Vous n'avez aucune vergogne. J'étudie moi, je n'ai pas de temps à perdre.)

Un des autres s'est avancé et a tiré  le garçon qui m'importunait par le bras.

Lui : Boy Ousmane, bayiko. Salut Maguy, moi c'est Xavier. Je voulais juste te donner cette lettre pour Raïssa. Si elle y répond, tu pourras me la remettre à l'école.

Moi : Raïssa n'y répondra pas. Elle n'a pas de temps non plus. Ma mamie nous a interdit de parler aux garçons.

Ousmane : Yow seer nga rek. (Tu es démodée.)

Aminata était bouleversée et avait les larmes aux yeux. Le dénommé Xavier a demandé aux autres de nous laisser partir. Je tremblais en marchant. Je pensais qu'ils allaient nous faire du mal. Raï avait fini de parler au téléphone. J'ai remis la monnaie et la salade à Rose et l'ai attirée dans la chambre.

Raïssa : Laisse-moi tranquille. Tu vas finir par me faire tomber.

Moi : J'ai quelque chose d'important à te dire.

Raïssa : Tu me fais peur.

Moi : Tu as un amoureux Raï.  Je ne te cache rien pourtant. Pourquoi me l'as-tu caché?

Raïssa : Quel amoureux?

Moi : un certain Xavier. Il habite dans le quartier.

Raïssa : Ahhh ok!! Lui, c'est juste un gars qui fréquente la même école que nous. Sa classe est à côté de la mienne.

Moi : Pourquoi tu ne me l'as jamais dit?

Raïssa : Ce n'était pas important.

Moi : Si ça l'est. Quand est-ce que tu lui parles? Je veux comprendre en fait. On est presque tout le temps ensemble.

Raïssa : Sa classe est en face de la mienne et on a des cours en commun.

Moi : Des cours hein? Je ne te crois pas. C'est ton petit ami? 

Raïssa : Non. Je te le jure. On fait le cours de sport ensemble. Il m'a fait savoir qu'il habitait dans le même quartier. 

Moi : Pourquoi es tu nerveuse?

Raïssa : Je ne le suis pas. Je ne comprends juste pas pourquoi tu me poses toutes ces questions.

Moi : Mamie nous a interdit de fréquenter des garçons et tu te  permets d'avoir un petit ami, sans me le dire.

Raïssa : Tu es bouchée ou quoi? C'est juste une connaissance. Nous nous sommes parlé juste deux fois.

Moi : Et ? Il t'envoie des lettres depuis quand?

Raïssa : Des lettres ? Jamais!!!

Moi : Il vient de m'en donner une. Tiens, lis là. Et on doit en parler à grand-mère après. Elle nous avait fait promettre de tout lui dire.

Raïssa : D'accord, tu as raison. Donnes la moi.

Je lui remettais la lettre et me mettait à ses côtés pour lire aussi. Le gars lui disait qu'il n'arrivait plus à dormir, manger etc., depuis qu'il l'avait vue, qu'il aimerait sortir avec elle, qu'il l'aimait, bla bla bla...

Raïssa : Je ne comprends vraiment pas ce qu'il me veut.

Moi : Il t'aime, c'est ce qu'il prétend. Hahahahaha

Raïssa : On ne s'est parlé que deux fois. C'est ridicule.

Moi : Il t'intéresse ?

Raïssa : Je l'ai à peine regardé. Je n'ai pas de temps pour ce genre de choses.

Moi : Mamie sera furieuse. Je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne m'as pas parlé de ce garçon.

Raïssa : J'avais oublié cette histoire. Mamie ne doit pas voir la lettre.

Moi : Que vas-tu faire de la lettre ?

Raïssa : Je vais la jeter. On va juste dire à mamie que des garçons du quartier nous importunent.

Moi : Elle va te poser des centaines de questions. Tu n'as jamais été capable de lui mentir. Elle te démasque tout le temps. Laisse-moi parler.

Raïssa a déchiré la lettre. Je me suis mise à rire aux éclats, je ne pouvais plus m'arrêter. Tout à coup, mamie a fait irruption dans la chambre.

Mamie : Aminata vient de me raconter une histoire intéressante. Je ne vais pas accepter que de petits voyous bousillent tout le travail que j'ai fait avec vous. Où est cette lettre et qui te l'a remise?

Chronique de Maguy : le bout du tunnelWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu