L'Héritier

L'Héritier: Chapitre 1

« Que me veut-il? » grommelé-je.

Je viens de me faire convoquer par mon père, le roi du Royaume de l'Ilyade. Pour une fois, il me semble n'avoir porté atteinte à personne et m'être acquitté de toutes mes tâches avec application. Enfin, je crois... Je prends une grande inspiration, tentant de calmer les battements de mon coeur, avant de toquer à la lourde porte de la salle des doléances dans laquelle il a choisi de me recevoir. Celle-ci s'ouvre instantanément. Je traverse rapidement la petite pièce austère, dénuée de tout ornement, pour arriver devant mon père qui me regarde du haut de son siège. Il est seul, la salle est silencieuse. Je le détaille un instant. Des cheveux longs et grisonnants, un visage carré et dur, des petits yeux froids et noirs comme de la suie, surplombés d'épais sourcils. Un caractère sévère et impitoyable, un de ceux qui inspire la crainte. Tel est le plus puissant roi des cinq Royaumes.

Je mets respectueusement un genou à terre et attends ses instructions.

« Mon fils, il me doit de vous informer d'une affaire qui relève de la plus haute importance. Pour ce faire, je veux que vous restiez parfaitement silencieux et que vous ne cherchiez pas à m'interrompre.

- Je ferai selon vos désirs, père, dis-je, la tête baissée.

- Bien. Comme vous le savez, dans deux jours vous fêterez votre seizième anniversaire. Ce que vous ignorez en revanche, c'est qu'à ce moment précis, votre vie va en être irrémédiablement changée. Notre peuple est le gardien d'une tradition ancienne, et vous en êtes la clé. Je ne pense pas être apte à tout vous expliquer moi-même. C'est pourquoi... »

Il se lève, m'ordonne de me redresser et me tends un énorme livre, aux pages jaunies par les années et à la reliure très usagée. Un petit air triste se peint sur son visage, tandis qu'il continue:

« Je veux que vous lisiez attentivement chacune des pages de ce manuscrit. C'est important.

- Je le ferai.

- Vraiment? Je vous avertis tout de suite, il est question de mariage, mais ce sera un peu différent pour vous... Voyez-vous... Enfin, vous le découvriez bien par vous-même...

- Je vous demande pardon?! De mariage ? Je vais me marier dans deux jours? soufflé-je, les yeux écarquillés.

- Effectivement, c'est ce qui a été prévu.

- Je... Je vois. Je ne m'attendais pas à être prévenu si tardivement...

- Je vous laisse donc jusqu'à ce soir pour le lire, me coupe-t-il, faisant fi de ma remarque. Revenez me voir dans la salle du trône à la tombée de la nuit. Vous pouvez maintenant prendre congé.

- Mais qu'en est-il de mon épouse? Qui est-elle?

- Je ne puis vous répondre dans l'immédiat, mais vous le saurez bien assez tôt. Je vous saurais maintenant gré de ne pas poser davantage de questions. Obéissez aux ordres sans les discuter, tel est le devoir d'un prince envers son roi et son Royaume.

- Bien sûr, je vous prie de m'excusez.

- Va maintenant ! Je dois aller me reposer...

- Comme il vous plaira mon roi... », bredouillé-je, avant de sortir à reculons.

Je suis abasourdi, mais de toute manière, en bon petit soldat, je n'ai jamais contesté les décisions de mon père. Je savais pertinemment qu'arriverait le jour où je devrais me marier, mais cela m'affecte tout de même car le mariage en lui-même m'apparaît comme une privation de liberté et un rappel de mes obligations princières. Par contre, le fait que je ne connaisse pas mon épouse me laisse indifférent. L'union repose sûrement sur quelque alliance politique et je n'ai jamais compté décider moi-même de qui serait ma promise. La seule chose que je peux affirmer, c'est qu'elle n'a pas été désignée au hasard. La futur reine se doit d'apporter des avantages au Royaume, que se soit des accords commerciaux, des richesses, des terres ou encore des guerriers.