7- Mise au point

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Sean soupire bruyamment

Il se détourne m'offrant une vue imprenable sur son dos musclé.

« Quand vous vous êtes trahie je cherchais comment vous approcher depuis deux semaines. Il m'a fallu deux jours pour me remettre du choc et ça m'a décidé. Si je voulais vous parler je ne devais pas tarder. »

J'observe son dos et me demande ce que son visage exprime. Un sourire ironique, une grimace a force de se retenir de rire ou le désarroi que son jeu d'acteur lui souffle?

« Mais à quoi bon? Tu ne me croiras pas et je perds mon temps. La seule chose que je peux faire c'est te garder près de moi pour espérer te protéger. »

Il se retourne à nouveau et un grand sourire efface l'expression de son visage que je n'ai pas le temps d'analyser.

« Tu as l'air épuisée! Je te raccompagne? Comme ça on peut discuter plus longtemps. »

J'accepte l'offre et le laisse me reconduire vers le vestiaire où je récupère mes effets personnel avant de le suivre jusqu'à sa voiture. Je me coule sur le siège passager de la Lamborghini. Ce n'est pas la première fois que j'effleure le cuir coûteux d'une de ces superbes voitures. Peut-être dans dix ans pourrais-je m'en offrir une aussi... Si je cesse de crasher toutes mes voitures en six mois.

J'ouvre la bouche pour donner mon adresse mais Sean tourne tout de suite dans la bonne direction en lâchant d'une voix neutre mes coordonnées, devançant mes questions.

« Je vous ai suivie deux fois. La première fois avant de connaitre votre vrai métier, la seconde après.

— Le terme anglais "stalker" me paraît tout à fait approprié pour décrire votre comportement.

Il rit.

« Et toi alors? Tu épies chacun de mes mouvements depuis plus d'un mois.

— Ça fait partie de mon boulot d'éliminer les monstres.

— Tu es à peine plus humaine que moi. Je parie qu'en cinq ans tu n'as pas l'air d'avoir vieillit.

— C'est le contrecoup de ma captivité. Pendant 4 ans mon état était anormal. Mon temps nécessaire de sommeil s'est retrouvé considérablement réduit. Pareil pour les maladies. Mais depuis l'an dernier je retrouve un rythme plus normal.

— Même si les effets s'atténueront avec le temps, tu ne retrouveras jamais un rythme tout à fait normal. Toi et les autres victimes de ce sauvage vont vivre beaucoup plus longtemps que la moyenne des humains. Tu resteras moins sensible aux virus et à tout un tas de type d'infections.

— Bah faut bien que quelque chose de cool m'arrive après tout ce que j'ai subi. »

Je grimace une espèce de sourire, mal à l'aise.

« En tout cas je peux te promettre que tant que tu seras dans ma zone tu n'auras rien à craindre d'aucun d'entre nous. J'étends le nous à tous ceux que tu chasses habituellement.

— Tu comptes m'enlever mes proies?

— Quelles proies? Tes patrons t'ont-ils dit que de nombreuses personnes disparaissaient ici et que c'était sans doute l'œuvre d'un monstre? Ou t'ont-ils dit tout de go, voici la cible?

— On m'a donné l'adresse du club et un dossier descriptif. Comme pratiquement à chaque fois. Je ne suis pas une sentinelle: ce n'est pas mon job d'identifier les menaces de la nuit au milieu des cas de disparition. Je dois juste éliminer ceux qu'on nous désigne.

— Alors pourquoi m'avoir épargné aussi longtemps? »

Je reste silencieuse et regarde par la fenêtre. Pourquoi? Parce que le jour de mon arrivée à Séoul, j'ai été témoin d'une scène intrigante. Je n'ai pas envie de le dire à Sean mais je l'avais vu sortir de sa limousine pour aller proposer à une vielle dame qui avait fait une mauvaise chute de l'amener jusqu'à l'hôpital. Au moment où il était revenu vers sa voiture j'avais entendu son chauffeur se plaindre du retard qu'ils allaient prendre pour une réunion avec des clients. Et Sean avait répondu qu'il irait à pieds en claquant la porte de sa voiture. Plusieurs personnes avaient commenté la scène en disant que c'était bien normal quand on a des moyens de faire une bonne action de temps en temps et que s'ils avaient eu une voiture ils auraient volontiers proposé leur aide. Au milieu de toute cette hypocrisie une phrase avait retenu mon attention: "C'est lui qui a aidé mon petit frère quand il a eu son accident de vélo".

Sean bouge et la musique d'un CD de Groove Coverage empli l'habitacle.

Je risque un regard dans sa direction et me demande ce qui peut pousser une personne aussi puissante à s'abaisser au niveau des soucis du commun des mortels.

Pas la nourriture apparemment.

« Tu viens de parler de sentinelles. Nous en avons-nous aussi mais elles ne sont pas respectées par tous. Ma cousine est aussi une sentinelle à la crinière de feu »

Je penche la tête, surprise.

« Certaines personnes pensent qu'elfes, vampires, loups et autres créatures proches des humains devraient être capable de faire la paix pour vivre ensemble.

— Belle utopie mais cela me semble impossible.

— Je ne suis pas d'accord. J'ai vu leur travail de près. Certains sont puissants et les sang-mêlé qui se joignent à eux leur donne un atout très particulier. »

"Sang-mêlé: être particulièrement dangereux dont les pouvoirs peuvent varier selon les origines parentales et même au sein d'une fratrie; très rare. Peu considéré par leurs semblables."

« Tu veux dire que c'est un groupe de demis qui cherche à se faire accepter ?

— Non, la plupart des demis sont trop jeunes. Ceux impliqués sont une minorité. Je ne m'étais jamais vraiment laissé convaincre par leur cause, même si je la respecte. Ils participent à l'élimination des êtres les plus dangereux et des blackfools que vos sentinelles ne seraient même pas capable de repérer. Ou alors leur espérance de vie se réduirait à quelques minutes voir secondes dès l'instant de leurs soupçons. »

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SKY TEMPLEWhere stories live. Discover now