Elle s'inclina et quitta la pièce qui me servait de cellule. Le déchu, pour sa part, ne bougea pas, restant à me fixer quand mon propre regard refusait de bouger, contemplant le mur. Mes pensées devenaient toujours incompréhensibles après ce genre de supplice. Je n'avais plus conscience d'où j'étais, de ce qui se jouait. Je ne discernerai plus rien. J'étais juste enivrée par la douleur. La douleur de me rappeler le corps de Maël qui tombait, de ses doigts relâchant les miens, de son regard bleu qui se fermaient. De ses ailes. De ses ailes si blanches devenus rubis. Je fus secouée de sanglot silencieux et sans larmes. C'était juste l'expression d'un corps trop épuisé pour réellement produire des larmes ou des sons. Je ne me sentais plus que comme une coquille dont l'âme cherchait, désespérément à s'enfuir sans jamais y parvenir.

- Nous viendrons à bout de tes dernières défenses, me lança-t-il. Bientôt, tu nous diras ce que Dana t'a confié.

Et il quitta la pièce sans se retourner, me laissant attachée à ma chaise, du sang coulant de ma bouche et se répandant sur mon pantalon. Il ne prenait même plus la peine de me libérer. Depuis quand n'avais-je pas manger ? Je ne savais plus. Bu ? Non plus. Ma gorge était sèche, mon estomac vide et noué. J'avais minci depuis que j'étais arrivée ici, mes joues s'étant grandement creusés. Je devais avoir des cernes sous les yeux et mes iris devaient être bien plus ternes. Mes cheveux étaient dans un état déplorable. Gras. Souillé. Quelques mèches tombaient autour de mon visage. Salies. Ensanglantées. Si ma mère me voyait dans un tel état, elle serait fo... je secouai la tête. Je ne devais pas penser à elle. Elle ne saurait jamais. Andrew devait avoir trouvé une explication quelconque pour justifier ma disparition, il était doué pour gérer ce genre de problème. S'il était en vie. Mon cœur se serra un peu plus. Je ne savais même pas si un seul d'entre eux était encore de ce monde.

- Petite ? Tu vas bien ?

La voix masculine attira mon attention, une brève seconde. Je tournai mes yeux vers la cellule adjacente à la mienne. L'homme au corps de cheval me contemplait avec une profonde pitié dans ses iris foncés. Je détournai le regard avant même de lui laisser l'occasion de sonder mon esprit dans l'espoir de briser le vide qui l'envahissait chaque jour un peu plus.

- Je sais que c'est très dur, insista-t-il. Mais ne sombres pas trop loin dans les profondeurs noires de cette cellule. Tu risquerais de plus réussir à t'en défaire par la suite.

- Quelle importance ? Murmurai-je, ma voix sortant difficilement. Si je dois rester ici autant que mon esprit soit brisé. Je ne veux plus penser.

- N'étais-tu pas persuadée que tes amis viendraient te sauver ? N'as-tu plus confiance en eux ?

Si. Bien sûr que si. Je croyais en eux mais je ne savais même pas s'ils étaient vivants. Et si tel était le cas, ne pensaient-ils pas, eux, que j'étais morte ? Depuis tout ce temps, ils devaient forcément être convaincus que j'avais été tué. Cependant, les paroles du centaure ravivèrent mes sentiments. Je tirai vaguement sur les liens qui encerclaient mes poignets, cherchant à voir si je pouvais parvenir à les défaire. Mais je n'y parvins pas. Je restai donc assise, à ne rien faire.

- Ecoutes-moi, Keylinda, reprit-il devant mon mutisme. Tu ne dois pas abandonner.

- Pourquoi ? Interrogeai-je, indifférente.

- Parce que tu dois vivre, répondit une seconde voix. Dana compte sur toi. Elle ne te laissera pas mourir.

La voix tremblante ne pouvait être que celle du vieil elfe qui se trouvait dans une cellule un peu plus écartée des nôtres. Je l'avais entraperçu à mon arrivé. Vieux. Ridé. Je ne savais pas quel âge il avait, cependant je le soupçonnai d'être plus vieux que le monde pour être dans un tel état. Maël et Kenan ne semblaient pas avoir plus de vingt cinq ans alors qu'ils avaient plus de cinq cent ans. Alors ce vieillard, d'apparence, devait avoir connus les dinosaures.

Water LilyWhere stories live. Discover now