Mais il n'y en avait pas. Et il le savait. Il savait qu'il ne pouvait pas lutter, il savait qu'il était ce qu'il était.

Encore une fois les images se bousculèrent. Et je ne parvins pas à me concentrer sur aucune d'elles. C'était bien trop dur. Trop de douleur à encaisser. Son père le frappait. Encore et encore. Il lui ordonnait de ne plus se transformer sans comprendre que son fils ne pouvait pas contrôler une telle chose. C'était son instinct. Puis, un jour à quelques nuits de la pleine lune, il finit par lui rendre les coups, perdant le contrôle. Perdant pied. Ou, plutôt, se perdant dans une souffrance qui n'avait cessée de croître au fil des mois et des années. Alors son père attrapa un fusil qu'il utilisait pour aller chasser. Et il tira. Il tira sur son propre fils en lui hurlant de disparaître, de ne plus jamais revenir. Alors il se mit à courir avec une envie qui avait grandit avec la souffrance. Il voulait mourir.

Mais alors que le décor était d'un noir absolu, les couleurs revinrent brutalement illuminer l'ambiance écrasante. Tout devint plus doux. Et je fus réellement surprise de voir le visage de mon père me sauter à la figure. Il resplendissait, arborant son plus beau sourire. Il serrait dans ses bras le garçon blond qui était passé de l'enfance à un adolescent bientôt adulte. Les deux hommes se chamaillaient, riant de bon cœur tout en se bousculant. Mon cœur se serra à nouveau. Le sourire de mon père me chamboulait clairement. De quand datait ce souvenir ? Comment parvenait-il à rire ainsi alors que ma mère pleurait, probablement, son départ ? La colère gronda en moi. Je lui en voulais. Je lui en voulais profondément. Et, dès que mes doigts se resserrent dans mes paumes, le souvenir changea comme si quelqu'un avait perçu mon émotion et m'évitait de subir plus longtemps cette scène.

Quoi qu'il en soit, ce fut le tour de Devon d'apparaître dans le film qui continuait de se jouer. Et de Jared. Avec le garçon blond, ils formaient un trio uni et inséparable. Ils riaient beaucoup, s'amusaient tout autant. L'acteur principal semblait enfin parvenir à retrouver un sentiment de bonheur qui le replongeait dans son enfance. Il aimait la meute dans laquelle il se trouvait actuellement même si celle de mon père lui manquait. Il avait du la quitter en sentant son marqué tout proche et, refusant de devenir son esclave, avait du se résigner à partir. Il en voulait à Dana. Pour son état. Pour le lien qu'elle imposait au loup-garou. Il la jugeait coupable de toute la souffrance qu'il avait du subir. Cependant, il lui était aussi reconnaissant d'avoir placé Devon sur sa route. Ils étaient comme des frères l'un pour l'autre, leur lien dépassant celui qu'il entretenait avec Jared.

Et ce dernier fit éclater le bonheur naissant. Sa vie redevint une succession de souffrance. Jared les avait trahi pour le pouvoir. Il avait même tenté de le tuer. Celui qu'il avait considéré comme son meilleur ami n'avait pas hésité à lui planter ses crocs dans la gorge dans l'espoir qu'il se vide de son sang. Sur le sol, agonissant, il avait hésité à se laisser mourir. Son chef de meute était mort. Il le considérait pourtant comme un père. Un père qui, contrairement au sien, l'avait accepté. Mais Devon l'avait sauvé. Alors, pour la première fois depuis son enfance, il se permit de pleurer. De pleurer dans un déchirement que je ne pus comprendre. Une seconde fois, sa vie s'écroulait.

Plusieurs années passèrent. Des années d'errance, de recherche de soi, de recherche de réponse. Il ne parvenait plus à trouver sa place dans les meutes qu'il rencontrait durant ses nombreux voyages. Et il n'avait plus envie de s'attacher. Jared l'avait trahit. Devon l'avait abandonné en souhaitant accepter le lien qu'il l'unirait, à jamais, avec un marqué. Il en voulait énormément à ce dernier même s'il lui avait affirmé qu'il comprenait. Ce n'était pas le cas. Il ne comprendrait jamais sa décision. Pourquoi se sacrifier pour un marqué ? Pourquoi se transformer en esclave auprès d'un être qui chercherait forcément à l'écraser ou l'utiliser ?

Puis, enfin, il tomba sur une meute qui attira son attention. Elle était petite. Fragile. Manquait clairement d'organisation et de puissance. Beaucoup d'Omega, peu de chasseur. Mais une famille solide et solidaire. Il décida d'y rester durant quelques mois, souhaitant la solidifier avant de repartir. Mais il ne le fit jamais. Il finit par prendre la direction de cette meute qui ne cessa de s'étoffer. Il essaya une dernière fois de tisser des liens. Encore une dernière fois il allait essayer de faire confiance à Dana. Plus encore. A la vie. Juste une toute dernière fois.

Water LilyWhere stories live. Discover now