- Tu n'as pas de secrets pour moi Aurore, dit-elle en me faisant un clin d'oeil.

Nous rigolons ensemble puis je repars dans les abysses du sommeil.

À sept heures, la symphonie de réveils ont raison de mon rêve. Je n'ai pas le temps d'y repenser que je me précipite dans la salle de bain.
L'inconvénient de partager son appartement avec une autre fille (et qui est en plus sa meilleure amie) est de partager aussi la salle de bain. Et cela nécessite une organisation hors du commun.

Maintenant que j'ai enfin mon boulot en tant que Directrice, je dois être au Conseil de la Paix à huit heures trente. Ce qui me laisse le temps. Louise doit quand à elle assister à des cours à partir de huit heures jusqu'à midi. C'est donc Anouk qui vient garder Nolan le matin.

- N'oublies pas, c'est ce soir ! Me lance Louise quand elle sort de l'appartement.

J'hoche la tête, l'esprit ailleurs.

Je pars à huit heures quinze de l'appartement et je retrouve Katherine au Conseil.

- Alors, trois réunions ce matin. Il faut organiser les Conseils de Rarya, entamer une rénovation de la ville mais surtout consulter les habitants.

J'hoche la tête.
Mon boulot me comble. Certes, mon appareil photo de manque, mais mes ambitions ont changé, alors je ne regrette rien. Depuis dix mois que j'ai commencé les cours à Utopia, j'ai appris plus de choses qu'en dix-huit ans d'existence.
Je passe mes journées dans ce centre, mais je m'y sens bien car je m'y sens utile.
L'un de mes objectifs est de voyager pour rencontrer les autres Hommes présents sur la Terre. Canada, Japon. Je sais que ça risque d'être extrêmement compliqué de mettre au point une nouvelle technologie capable de traverser un océan, surtout grâce aux ressources d'Utopia. Mais j'y crois, et je fais confiance à tous les chercheurs pour ça.
J'ai eu la chance d'assister à une réunion avec des Canadiens par écrans interposés. Maintenant que je suis libre, je compte en profiter pour exploiter cette richesse trop souvent malmenée.

À Rarya, les habitants ont été très récalcitrants au début, mais l'hiver glacial les a convaincu qu'ils avaient besoin de nous. Depuis fin Janvier, les gens deviennent moins hostiles et comprennent de mieux en mieux le monde. Certains continuent de se rebeller mais dans l'ensemble, la paix règne.
Je ne sais pas si Rarya à un avenir, elle semble beaucoup trop petite, mais mon passé influence sûrement mon jugement. Je veux aider les habitants de Rarya plutôt que la ville car cette dernière représentera toujours la cage dorée dans laquelle j'étais enfermée.

Notre Conseil oeuvre beaucoup avec le Conseil du Monde et celui de la Protection. C'est d'ailleurs lors d'une réunion que j'ai découvert que Jude était Directeur au Conseil de la Protection.
Quand à Edan, il travaille en tant que chercheur au Centre de soin, tout comme il travaillait au laboratoire à Rarya.

Les réunions de ce matin se passent bien même si j'ai la tête ailleurs.
J'aime énormément Nolan, mais depuis qu'il est né, mes nuits se résument à parfois moins de cinq heures quand il est vraiment pas content.

- Aurore ? Me demande Théo. Tu comptes partir avec l'équipe a Rarya ?

Il me tire presque de mon sommeil. Théo travaille aussi avec moi en tant que Directeur.

- Non, je réponds. Non. Et toi ?

Il hoche la tête avec détermination.

- Je dois y aller.

Je souris. Retourner à Rarya fait renaître en moi des souvenirs trop douloureux pour l'instant. Il y a tant de monde que j'aimerais revoir ... Utopia réunit le plus de monde possible pour les envoyer à Rarya dans le but de créer une nouvelle ville comme la nôtre. Il s'agit de parler aux gens et d'organiser des cours ouverts à tout le monde. Pour l'instant, l'anarchie règne presque. Disons que cela ressemble à une dictature des forces de l'ordre même si peu de violences sont faites.
Je préfère donc agir ici que là-bas. Rien que de penser à ce qu'on inflige à Samuel et Judith me fait mal au coeur, et je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable.
Ils ont été retrouvé peu après l'assaut des soldats à Rarya et depuis, ils sont gardés enfermés jusqu'à ce qu'on décide de leur sort. Pour être honnête, je suis toujours mal à l'aise lorsque l'on me parle de ce que j'ai fait. Je n'ai rien fait, j'ai juste écouté mon coeur, mais pour quelques personnes, je représente la libération de Rarya.
On me demande comment je me sens, on me dit que je devrais être fière, mais je suis surtout gênée et parfois honteuse, parce que la seule chose que je retiens, c'est ce que j'ai laissé derrière moi et ce que j'ai perdu.

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