4 / Savanah

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J'ai rencontré quatre êtres assez intéressants. Au-delà du fait que certains soient limites en rut, quelque chose de mystérieux flotte autour d'eux. Je ne sais pas quoi, mais, en général, ma faculté à décrypter les gens ne me trompe pas. Cependant, je ne me risquerais pas à en apprendre davantage, je ne veux pas m'attacher ni me brûler les ailes. De plus, j'ai décroché un boulot plutôt cool ainsi que bien rémunéré. Un job qui ne sera ni plus ni moins qu'un passe-temps, une distraction. De surcroît, je ne mélange jamais le travail et le plaisir, c'est la base. Pourtant, je dois bien avouer que Nirvana ne me facilite pas la tâche, car deux semaines se sont écoulées depuis mon embauche, deux semaines où il abuse de ses charmes. Bref, du mardi au jeudi soir, le club fait office de pub où les filles gesticulent sur les barres. Le vendredi et le samedi soir, il se transforme en dancing. Dimanche et lundi, repos. Une esquisse de sourire étire mes lèvres. C'est un divertissement, oui, je me divertis entre ces murs.

Un fracas se fait entendre dans la cage d'escalier. Je me redresse lentement, afin de pouvoir tendre l'oreille : des murmures, des pleurs, à nouveau un bruit sourd. Des sanglots de plus en plus puissants. Je me lève, puis enfile un pull. J'habite depuis peu un petit immeuble à Santa Monica. Le quartier est plutôt calme et je n'ai qu'un voisin de palier, enfin, une.

Je m'approche silencieusement de ma porte d'entrée, regarde par le judas et mon cœur se serre.

— Je t'en prie, Nick, non.

Tamy est en larmes, plaquée contre le mur, son mascara dégouline le long de ses joues blanchies par la peur. Un homme, que je sais être son ex, la comprime de tout son poids, grognant, baladant vicieusement ses mains sur le corps figé de cette pauvre fille, embrassant et léchant violemment son cou ainsi que son visage. Quel connard !

Cette jeune femme est sensible, timide et d'une douceur incroyable. Impossible de vouloir lui faire le moindre mal, c'est une sainte. Je dirais même plus un ange. Il est curieux et paradoxal que le dénommé Nick n'ait pas supporté qu'elle rompe quand on connaît le nombre de femmes avec qui il l'a trompée. Depuis, il la harcèle et sa nouvelle compagne, alcoolémie, n'est jamais très loin. Malheureusement, on se rend compte du trésor que l'on perd une fois que celui-ci nous a glissé entre les doigts. Les hommes...

Au moment d'ouvrir ma porte, ma respiration s'accélère. Un simple réflexe chez moi, il ne faut pas s'y méprendre, ce n'est ni de la panique ni de la peur, juste mon mode de fonctionnement. Je ne peux pas le laisser faire, bien que je n'exprime pas mes émotions et que la solitude me sied à merveille, je ne supporte pas l'injustice. Peut-être que cela me perdra un jour.

Tellement absorbé par son acte grotesque, Nick ne m'a pas entendue. La blondinette, les yeux exorbités, regarde dans ma direction et m'implore en silence de partir. Elle ne veut pas qu'il me fasse de mal et ferme ses paupières de toutes ses forces en tentant de le repousser. La bête grogne, puis avec l'intention malsaine de la gifler, lève son bras.

— À ta place, j'éviterais.

Il stoppe son mouvement. Tourne son visage vers moi. Sa victime tremble de plus belle.

— Nick, non, s'il te plaît. Laisse-la, je ferai ce que tu veux, implore Tamy dans une cascade de larmes.

L'intrus me dévisage, les yeux rouges de frustration, de colère et de quelques degrés d'alcool. Il brise la distance qui nous sépare, me saisit à la gorge afin de me plaquer contre le mur. Son faciès est à quelques millimètres du mien laissant son haleine fétide me piquer les narines. Il n'y est pas allé de main morte sur la bouteille. Ses doigts resserrent leur emprise, entrent dans ma peau. J'essaie de respirer calmement. Tamy, recroquevillée dans l'angle du couloir, panique complètement.

— Je vais y aller, mais la prochaine fois, n'interviens pas.

Il se recule, ses yeux noirs scrutent mon corps d'un air lubrique. De son autre main, il caresse ma cuisse et remonte jusqu'à emprisonner mon sein dans sa paume. Son geste me dégoûte, cependant il n'attend qu'une provocation de ma part pour partir au quart de tour. Alors, le visage dur, je reste tranquille, sans le quitter des yeux.

— À plus tard, mes chéries.

Il me lâche sans ménagement avant de partir sans se retourner. Je porte la main à mon cou, puis le masse délicatement avant de m'avancer vers ma voisine pétrifiée, pour l'enlacer afin de la soutenir jusqu'à mon appartement. Une fois dans la salle de bain, je la démaquille et passe de la pommade sur ses hématomes naissants. Son regard gris perle est perdu dans le vague. Je ne dis rien, la laissant encaisser le choc jusqu'à ce qu'elle ouvre enfin la bouche.

— Je suis désolée.

— Tu n'as pas à l'être. Écoute... il va falloir aller au poste, ça ne peut plus durer.

— Je ne peux pas.

— OK, je capitule pour ne pas la brusquer. Je ne suis pas d'accord avec ton choix, mais si tu veux, tu peux rester là, cette nuit, ça ne me dérange pas.

Elle s'emmitoufle dans la couverture en me remerciant honteusement.

Seule, devant mon miroir, je regarde rageusement la marque des doigts de cet enfoiré assombrir ma peau. Ça ne durera plus longtemps, Tamy, je te le promets.  

Against You (Sous Contrat D'Édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant