3 / Nirvana

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Elle a quitté le club depuis seulement trois heures, et ses yeux, son visage, ses courbes angéliques restent gravés sous mes paupières. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je ne peux pas me laisser aller de la sorte, les femmes n'ont jamais été ma faiblesse et ne le seront jamais. Je veux, je prends, je baise, point.

Il est clair que je la désire depuis la première seconde. Mais, c'est purement sexuel. Son petit caractère, sa répartie ainsi que sa résistance aux appels plus qu'explicites des hommes m'obsèdent. Ils m'incitent à faire céder le barrage qu'elle s'efforce de maintenir. C'est une sorte de défi pour moi et j'aime la compétition. Je la veux et je l'aurai.

Putain, quand elle a glissé cette capote dans sa poche, c'était le bordel dans mon froc. Tout ce que je souhaitais à cet instant : prendre son visage entre mes mains, effleurer sa peau du bout des doigts et la sauter sur mon bureau. Je voulais qu'elle hurle de plaisir sous mes coups de reins, mais tout ce que j'ai réussi à faire se résume à me passer la main dans les cheveux. J'ai l'impression d'être un ado ne sachant pas comment gérer sa queue. Je sais pourtant me contrôler, je sais maîtriser mes émotions, et ce, dans les situations les plus extrêmes. Alors, pourquoi pas avec elle ?

C'est décidé, Savanah, tu seras mon prochain divertissement, jusqu'à ce que je me lasse de toi.

La porte du club grince, je tourne la tête et vois mon meilleur pote en sortir. Je reprends ma position initiale. Paupières closes face aux derniers rayons de soleil, j'en savoure la chaleur. Storm s'installe près de moi. Après quelques minutes de silence, il entame la conversation.

— Pas mal, notre nouvelle barmaid.

Il me connaît mieux que n'importe qui et je sais que je vais y passer.

— En effet.

— Tu n'as rien à me dire ?

Impassible, je respire calmement avant de répondre.

— Que devrais-je te dire ? Que je me la taperais bien ?

— Entre autres.

— Eh bien, je compte effectivement finir entre ses cuisses, et apparemment, je ne suis pas le seul.

Un léger rire s'échappe de ses lèvres.

— Oui, tu n'es pas le seul, mais elle n'est pas comme toutes les femmes.

Son ton est plutôt sérieux, ce qui m'étonne étant donné qu'il riait deux secondes plus tôt. J'ouvre les yeux et regarde son profil, il scrute l'horizon. Par-delà notre parking s'étend une plage de sable fin où un coucher de soleil surplombe l'océan.

— Elle est spéciale.

À ses paroles, je me redresse, pose mes bras sur mes genoux et me perds à mon tour dans la contemplation de ce paysage dont je ne pourrai plus me passer. Oui, Savanah est différente, mais elle reste une femme. En d'autres termes, un trou est un trou. Je sais ce qu'il pense, que je suis tombé sous le charme. Que mon cœur, si noir soit-il, n'est peut-être pas perdu et peut battre à nouveau, pulser et oxygéner tout mon être pour une personne hors du commun. Pour une femme. Malheureusement, je ne peux pas me le permettre et ce n'est tout simplement pas ma vision de la vie. Je suis né seul, je me suis battu et j'ai survécu. L'amour est un sentiment qui ne peut pas faire partie de mon âme, je ne suis qu'une ombre, une faucheuse silencieuse. Je me contente des plaisirs que la vie m'offre sans laisser les sensations de bien-être qu'ils me procurent me consumer, sans perdre pied, sans failles. Voyant que je ne dis rien de plus, Storm soupire avant de se tourner vers moi.

— OK, je vais préparer le terrain pour ce que tu sais. C'est un gros contrat et il nous manque quelques données.

— Je te rejoins, laisse-moi cinq minutes.

Il se lève. Je me retrouve seul face à mes pensées.

***

J'entre dans le club plongé dans le silence, puis me dirige vers le bureau de Storm. Ils sont tous là.

— Alors, on flemmarde ?

— Un peu de repos, ça ne fait pas de mal, Rid.

Je m'affale sur l'un des fauteuils. Kays est concentré sur son PC tandis que les deux autres scrutent des plans avec attention.

— Pour dans trois semaines, ça ne devrait pas être compliqué. On planque tranquillement et, le moment venu, on abat la cible, commence mon meilleur ami.

Je me lève afin de rejoindre les gars autour du bureau.

— Nir, tu te positionneras ici. K sera dans cette ruelle avec son ordi. Rid et moi, on attendra plus loin pour faire diversion, si besoin. On ne sait jamais si tu es repéré.

Je fronce les sourcils en tournant la paperasse vers moi, puis détaille minutieusement le plan d'évacuation du bâtiment.

— Il n'y a qu'une issue ?

Storm me regarde, un sourire aux lèvres.

— Oui.

— Je serai à plus de cinquante mètres du sol ?

Son rictus s'élargit de plus belle.

— C'est bien ça.

Je me frotte le menton. Rien que d'y penser, l'adrénaline parcourt déjà mes veines.

— J'aime cette idée. Prépare-moi le matos qu'il faut.

— Il est déjà prêt, veinard. Kays, le topo.

Le petit con tourne son écran vers nous, puis commence son speech avec, en gros plan, le portrait de la cible. Les prochaines heures, je le détaillerai, j'enregistrerai ses traits, mais surtout, je m'accrocherai à son regard. Les yeux sont le reflet de l'âme et ceux-ci ne feront pas exception à la règle. Ils ne me quitteront plus, jusqu'à la fin de mes jours. Cela ne m'empêchera pas pour autant de dormir, loin de là. Rien ne m'atteint ici-bas, car je sais que les portes de l'Enfer m'attendent après la traversée du couloir de la mort.

— Rachelle Swift, trente ans. Un joli petit lot si on oublie qu'elle est à la tête d'un important trafic de drogue sur la côte ouest. Une main de fer dans un gant de velours. La vache, je lui mettrais bien la fessée à cette brunette. Bref, le contrat nous rapportera deux cent mille dollars. Je vous ai sorti une fiche détaillée.

— Parfait, ça ira pour ce soir.

Storm s'empare des documents afin de les ranger dans son coffre tandis que Kays pianote à toute allure. Intrigué, mon meilleur ami l'interpelle. Le branleur affiche un sourire de vainqueur, et, avant de pivoter une nouvelle fois son PC vers nous, il lance fièrement :

— Mon prochain plan cul !

Putain ! Mon sang ne fait qu'un tour en découvrant le visage de Savanah.

— Mais qu'est-ce que t'es con ! Comment peux-tu être aussi doué en informatique avec autant de conneries accumulées dans ton cerveau ?

— La classe, Rid. En tout cas, elle est clean, RAS. En prime, elle aurait des talents pour la danse et le chant. Oh, je vais me faire une joie de tester sa souplesse ainsi que ses cordes vocales. Je m'y vois déjà.

Il mime des mouvements de va-et-vient avec son bassin et je lui mettrais bien une balle dans la tête. Riddle se marre, ce qui amplifie la tension dans mes muscles. L'imaginer sur elle, nue...

— Cassez-vous ! je hurle.

Les deux acolytes sortent, hilares. Je suis tendu comme jamais, je dois refouler tout ça. Storm me regarde, silencieux.

— Je vais faire un tour, je lâche en me précipitant vers la porte.

— Nir !

Dos à lui, je me stoppe à l'entrée. Ma main se crispe sur la poignée.

— Elle prend son poste dès demain. Ton calvaire ne fait que commencer.

Against You (Sous Contrat D'Édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant