II | Fou à lier

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— Doucement Julian, doucement mon grand !

Un colosse aux muscles bandés sous une blouse blanche tente d'apaiser le fugitif d'une voix calme, mais ferme. À distance sécuritaire, il surveille l'homme dans mon dos comme une grenade prête à exploser.

— Lâche délicatement ce couteau, puis écarte les mains de manière à ce que l'on puisse les voir d'ici, insiste la montagne de muscles.

Un autre gaillard le rejoint, tout aussi affolé que son collègue. Ce qui laisse à craindre le pire. Personne ici n'est donc capable de gérer une situation d'extrême urgence ?

— Hum... Vous sentez bon, souffle le dingue dans mon cou.

Il ajuste notre position en me calant entre ses jambes. L'air qui m'avait quitté réintègre enfin mes poumons. Je prends une longue et profonde inspiration avant de mettre à profit toute la théorie ingurgitée pendant mes études. Certes, je n'ai pas la force de ces messieurs, mais je dois pouvoir gérer n'importe quelle situation de crise ! Enfin, c'est ce que dit la théorie. Je me lance :

— Est-ce que vous avez entendu ce que l'on vient de vous dire ? Il vaut mieux vous rendre ou vous ne ferez qu'empirer la situation.

Ma voix est neutre, elle ne trahit pas la nervosité extrême qui me ronge déjà les os.

— Julian, c'est bien ça ? Ces messieurs sont là pour vous aider. Et je suis là pour vous aider, moi aussi.            
C'est bien Alicia, continue comme ça.

— Laissez-moi simplement...

— Vous êtes nouvelle ?

— Quoi ? Non, je... enfin oui, mais là n'est pas le problème. Si vous vouliez bien retirer cette...

— Répondez, ma jolie !

Bon d'accord, la théorie est un échec. Et maintenant, mon corps se met à trembler comme un shaker vitesse optimale. Les bouquins omettaient de mentionner le dingue sur le parking qui vous prend en otage à peine le pied posé au sol. Et mes cours d'autodéfense viennent tout juste de se faire la malle entre la flaque de boue et le couteau sur la carotide. Une part de moi appelle au calme et au professionnalisme tandis que l'autre meurt d'envie de brailler comme une hystérique. Un mélange détonnant qui déclenche la colère sourde au bord de mes lèvres.

— C'est une habitude chez vous d'ignorer ce qu'on vous dit ? 

Oups...

Tout ce que je vais réussir à faire, c'est l'exciter un peu plus. Et peut-être même y laisser ma peau ! D'autant qu'il m'est impossible de voir son visage et donc de prévoir ses réactions. Qui sait à quel genre de déséquilibré je fais face ? Enfin, dos. Parce qu'en plus d'être provocateur, c'est aussi un lâche sans vergogne qui n'a même pas le cran de me menacer les yeux dans les yeux.

Ses biceps enroulés fermement autour de mon petit corps m'oppressent et je suffoque, les narines saturées par cette détestable aura qui flotte dans l'air. Là, tout de suite, j'ai juste envie d'éclater en sanglots comme un bébé.

— Je ne vous ferai pas de mal si vous ne bougez pas. C'est tout ce que je vous demande, ma jolie. Le reste, vous me laissez gérer, OK ?

Parce que j'ai le choix peut-être ? En général, les patients réagissent assez mal aux frustrations engendrées par le personnel, mais ce type garde un parfait contrôle de la situation ! Il ne tremble pas, son timbre légèrement rauque ne se voile pas quand il s'exprime et je ne perçois pas non plus de nervosité dans ses gestes. Tout est fluide, étrangement maîtrisé, comme un homme tout à fait sain d'esprit. Ou au contraire... un dangereux sociopathe.

À la folie {chez Plumes du web}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant