Je n'ai pas besoin d'un chien de garde. Quoique. Tu mords bien ?

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- Elle ne risque rien dans l'établissement, rétorqua Andrew. Aucun élève ne se permettra de lever la main sur toi, je te le promets.

- Comment peux-tu lui promettre un truc dont tu n'es même pas sûr ? Souligna Cyriel tout aussi platement que s'il avait demandé l'heure. Tu n'as aucune influence sur certains élèves et tu le sais pertinemment. Ils ne sont ici que pour apprendre à maîtriser leurs pouvoirs et, les plus âgés, n'attendent plus ton autorisation pour agir.

- C'est bon, coupai-je, la mâchoire serrée. Vous avez réussis. Je crève de trouille. Reste avec moi Kenan, s'il te plaît.

L'intéressé me fixa un instant. Quoi ? Il insistait de façon virulente et au dernier moment il voulait renoncer ? Me perturbant un peu plus, il se contenta de hocher la tête. Satisfait de ma réaction ? Aucune idée. Je supposai que oui, il avait délibérément tout tenté pour m'effrayer afin d'obtenir cette autorisation, alors pourquoi ne serait-il pas content de lui-même ? Je soupirai. Ici, tout semblait bien trop complexe, bien trop difficile à gérer.

Maël s'écarta en attirant mon regard. Son visage fermé me laissait supposer qu'il était vexé de ma décision. Je me doutais qu'il aurait préféré que je lui demande à lui rester avec moi, mais je devais admettre que Kenan était plus rassurant. Sans doute à cause de ce côté menaçant et effrayant. Deux critères qui me semblaient essentiels dans mon nouvel environnement.

Doucement, une main ferme se plaça proche de ma taille et je regardai Maël qui était revenu à la charge. Il était plus assuré et affrontait le regard noir de son frère sans détourner le regard, sans paraître gêné par le regard furieux que lui décochait le démon. Quelque chose n'allait pas entre eux. Je ressentis leur affection l'un pour l'autre, mais aussi cette rancœur amère. Plus encore. Une certaine part de haine. Je restai donc silencieuse, mal à l'aise de me retrouver entre eux deux. Pourquoi avais-je le sentiment que leur tension était dirigée vers moi ?

- Je la raccompagne jusqu'à sa chambre, souffla Maël. Mieux vaut qu'elle se repose.

- Je vous suis.

Maël fusilla son frère du regard mais me tira derrière lui, sans répondre. J'obéis malgré moi, les jambes tremblantes et les yeux baissés pour ne pas croiser le moindre regard. Je me sentais perdu. Honteuse. Pas à ma place. Et pour ne rien arranger, tous me regardaient à nouveau. Mais plus de la même manière. Ce n'était plus de la curiosité maladive. Je ressentis la pitié. La haine. La peur. J'effrayai ceux qui me dévisageaient et ils m'effrayaient en retour. Mais plus que cela, une pensée résonnait dans leurs esprits, m'affirmant ce que j'avais toujours voulu éloigner de moi : j'étais différente.

Je restai silencieuse tout le long du bref trajet qui allait nous conduire jusqu'à ma chambre. Mes pensées étaient si chaotiques que je ne perçus même pas les paroles de Maël qui tentait de me rassurer. Comment pouvais-je ne pas être effrayée après tout ce qui venait de se passer ? Comment allais-je pouvoir me calmer ? Me rassurer ? C'était inconcevable. Je ne pouvais pas.

Je poussai, machinalement, la porte de ma chambre, totalement ailleurs. Agrippée au bras de Maël, il entra donc, percevant sans doute mon geste comme une invitation. En réalité, je n'avais pratiquement même plus conscience que ma main était crispée sur son avant-bras et qu'il ne pouvait se défaire de mon emprise. Je finis par me détacher, m'avançant jusqu'à mon lit que je me maudissais d'avoir quitté quelques heures auparavant.

- Comment tu te sens ?

- Ça va, mentis-je en me laissant tomber sur mon lit. Tu peux rentrer Kenan.

Obéissant, le démon, qui était resté sagement dans l'encadrement, s'engouffra dans la pièce tandis que je m'étais bien accoutumée à cette habitude de n'entrer dans une chambre que sur invitation. Maël s'installa à côté de moi, familièrement, alors que je remontai mes jambes contre ma poitrine, serrant mes avant-bras autour de mes genoux pour bien rester en boule, le dos appuyé contre le mur. Je regardai fixement devant moi comme si, soudainement, quelque chose allait venir me distraire. Mais ce n'était pas possible. J'étais condamnée à ressasser indéfiniment tout ce que je venais de vivre.

Water LilyWhere stories live. Discover now