Chapitre 27 : Sang & Souffrance

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Le spectacle dans la maison d'Attis était aussi désastreux que prévu. Le roi des Altherasiens était frappé de stupeur. Sa femme baignait dans son sang, entourée d'enfants qui se chamaillaient en pleurant. Le cadavre de Clepios semblait presque quantité négligeable. Je dis presque, parce que Sagaritis s'y intéressa en premier.

« Papa, pourquoi le monsieur dort chez nous ? Il est très fatigué ? »

Attis n'émit pas un son. Je tentai de le contourner quand Sagaritis me sauta dessus.

« Dias ! Tu as rentré ! Je suis contente ! »

« Oui princesse, moi aussi. Et si je te racontais mon voyage dehors ? Ton papa doit vouloir l'entendre aussi... »

Attis réagit enfin.

« Emmène-la toi-même, Dias. Je dois... Je... »

Les voix de Sidonias et Dimitrios le couvrirent.

« Je te dis qu'il faut enlever le poignard ! On ne peut pas comprimer la plaie tant qu'il est dedans ! »

« Dias nous a interdit d'y toucher ! »

J'allais répéter mon interdiction, quand Sidonias retira le poignard. Une gerbe de sang jaillit, arrosant les enfants et le sol autour de Maman, la tunique d'Attis et même Sagaritis nichée dans mes bras. Je la lâchai brusquement et plongeai sur Maman pour comprimer son épaule avant que le reste de son sang ne repeigne le sol. Sagaritis hurla comme seuls savent le faire les petits enfants surpris par la douleur. J'écartai sans ménagement Dimitrios et Sidonias. Mes genoux baignaient dans la flaque de sang. Mes mains cherchaient frénétiquement la blessure. Le visage de Maman passa du pâle au livide à toute vitesse.

La puanteur de vieilles peaux de moutons crasseuses me souleva le cœur. Chirnos était face à moi, à genoux derrière la tête de Maman.

« Dias. Dias... »

Je trouvai enfin la blessure et en rapprochai les bords. La quantité de sang et la proximité de la clavicule ruinaient mes efforts.

« DIAS ! »

« Aide-moi, au lieu de crier ! »

« C'est fini, Dias. Tu le savais dès que tu as vu le jet au retrait du couteau. Ce crétin de gamin a tué sa mère aussi sûrement que s'il avait lui-même planté la lame. »

« C'est pas vrai Chirnos ! », murmura Sidonias, autant pour nous convaincre que pour se convaincre lui-même.

« Je peux y arriver ! Tais-toi, Chirnos. »

Il fallait que la blessure se referme. Tout de suite. Sinon tout ça n'avait servi à rien. Ferme-toi !

Sous mes doigts, la peau se tordit. Un fourmillement remonta dans mon bras, comme quand je me métamorphosais. Foutu pour foutu, je devais essayer. Je plantai mon index dans la blessure, jusqu'à l'artère. Maman se réveilla et gémit comme une bête à l'agonie, puis sombra à nouveau dans l'inconscience. J'ordonnai à son artère de se refermer. Le cœur de Maman résonnait en moi comme un tambour. Son rythme frénétique ralentissait. Était-elle en train de mourir ?

Les battements s'espaçaient de plus en plus. Boum ! Boum. Boum. Je retirai mon doigt de l'intérieur de son épaule et posai ma main sur son poignet.

« Tu voulais qu'elle souffre encore une fois avant de mourir ? Bien joué ! »

« Je crois que je viens de la sauver, Chirnos. Estonia, verse de l'eau sur son épaule. »

Ma sœur aînée obéit sans rechigner. Si seulement les autres avaient pu l'imiter... Le nettoyage de la plaie retira le sang. La peau pâle et brune resta propre. Le sang ne coulait plus. Son pouls était régulier contre mes doigts. Avais-je réussi à sauver Maman, en contrôlant son corps comme je transformais le mien ? Je relevai la tête et découvris la scène autour de moi.

Nous étions sept en cercle autour de Maman. Le beau visage d'Ira était déformé par la peur. Estonia semblait figée. Dimitrios regardait la plaie comme un mystère à résoudre. Sidonias fixait Chirnos, horrifié. L'accusation de meurtre avait atteint sa cible. Adrianos était le seul à regarder vers l'extérieur. Vers Sagaritis. Toujours sur ses fesses depuis sa chute de mes bras, ma petite sœur si joyeuse d'habitude observait notre groupe en silence. Les traces de sang sur sa peau claire apportaient la touche finale à l'horreur du tableau. À trois ans, que pouvait-elle comprendre de ce qui arrivait à sa mère ?

HubrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant