Chapitre 13 : Mort & Marche

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Estonia et Sidonias sautèrent de Tempête et se penchèrent sur moi. Estonia avait l'air préoccupée.

« Dias, ça va ? Rien de cassé ? »

Sidonias était beaucoup plus excité.

« C'était énorme ! Où t'as appris à te battre comme ça ? T'as fait exprès de tomber ou t'as eu un coup de bol ? »

Je grognai en guise de réponse. Mon cœur cognait comme un taureau dans ma poitrine. Je me mis à trembler. Les enfants étaient tous debout autour de moi.

« J'ai... improvisé. Appliqué les principes. J'ai eu un bon professeur. Il vous attend. Là où nous allons. Sur l'île aux brumes. Vous rejoindrez la tribu. Les Althérasiens. Ce sont des pêcheurs. Des cultivateurs. Et des chevriers. Vous y serez bien. Vous verrez. Vous verrez. Vous verrez. »

Estonia m'arrêta.

« Dias. Si tu essayais de te relever ? Et de respirer, par exemple ? »

Je me redressai en position assise et tentai de répondre. Les mots restèrent bloqués. Seul sortirent des larmes.

Je n'allais quand même pas pleurer. Pas pour un serviteur des Titans. Je me forçai à passer des larmes au rire. Le résultat sonnait bizarrement. Comme si je toussais en avalant de travers. Des mains se tendirent pour me lever. Je les pris et séchai mon visage. Sidonias avait l'air admiratif. Ira me regardait comme si je m'étais changée en ours. Adrianos pleurait. Dimitrios me tenait le bras, l'air inquiet.

« C'est bon, merci. J'avais juste un peu de poussière dans les yeux. Ho, je l'ai bien dégagé, ce salaud. »

Après cette tentative de bravade, je ramassai le glaive de mon assaillant et le passai à ma ceinture. Je n'allais pas me laisser à nouveau surprendre sous-armée. Tant pis pour la discrétion. Je remis Estonia et Sidonias sur Tempête, insistai sur l'importance de nous dépêcher, et le convoi repartit. Je compris la présence de ce soldat après quelques virages. Un cheval était attaché à un pin. Sa patte arrière gauche saignait. Malgré les demandes des enfants, je le laissai là. Il n'y avait plus de temps à perdre, un cheval blessé ne nous mènerait pas loin.

En parlant de pas loin... nous avions atteint l'altitude où le corps devait être tombé. Je cherchai brièvement. Pas moyen de le retrouver. Que les autres soldats se demandent où il était passé.

Le reste de la descente se déroula sans incident notable. Jusqu'à ce que nous approchions du premier village et que j'annonce l'abandon des chevaux. Sidonias voulait garder Tempête. Je tentai une approche moins frontale que lors de notre bagarre. Il finit par reconnaître que son cheval serait malheureux à bord du navire et que la vie sur une petite île rocheuse et brumeuse ne conviendrait pas à son nouveau meilleur ami.

Le soleil était rouge sang sur l'horizon. Je les amenai jusqu'à la cahute d'un pêcheur à pied, au bord de la plage. Le vieux Polykos était un lointain cousin du roi Attias. Lorsque l'un de nos navires devait embarquer ou débarquer une cargaison discrètement, c'est Polykos qui guettait les douaniers du roi. Je lui confierai mes sœurs et mes frères, ainsi que Clepios, puis j'irai au port, pour embarquer à bord de La Mouette Rieuse.

Son petit chien beige à poils ras, dénommé Sale Bête, aboya à notre arrivée. Polykos nous accueillit joyeusement. Le vieil homme était construit comme une montagne, de stature épaisse et se déplaçant lentement. Il serait mort de faim s'il n'avait eu que sa pêche à pied comme ressource. Heureusement pour lui, les capitaines prêts à contourner les taxes du port ne pouvaient pas se permettre d'être radins avec leur guetteur. Une mauvaise rencontre était si vite arrivée.

Polykos insista pour nous faire goûter un vin dorien. Il en avait reçu plusieurs caisses en cadeau et n'aimait pas boire seul. J'acceptai. Je me demandai combien de sœurs de ces caisses avaient ainsi esquivé les caves du roi de Iolcos.

Les enfants s'assirent par terre pour jouer avec Sale Bête. Le temps que je finisse mon verre, ils dormaient à moitié. Je partis, en insistant pour que les enfants restent cachés et obéissent à Polykos. Je marchai sur la plage au crépuscule. Ma tête fourmillait de tout ce qui pouvait encore rater. Des patrouilles en ville suite à l'évasion. Une trahison de la capitaine. Une voie d'eau dans le navire.

J'entendis une branche craquer.

HubrysWhere stories live. Discover now