《Chapitre 05》

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« J'appréhendais mon retour, et j'avais raison... Dès la porte d'entrée franchie, j'ai essuyé les remarques de mes frères : « Tiens, t'es pas voilée encore ? » ou « Y a Al Qaïda à domicile » ça donnait le ton... Je leur ai fait la bise, comme si de rien n'était, des « ça va ? » timides, comme à des inconnus.

Je ne leur en voulait même pas car je savais que c'était leur ignorance qui s'exprimait.

Ma mère était à la cuisine. Elle sortit une poche du frigo en me disant : « regarde, je suis passée chez le boucher hallal » Elle me prépara alors ma viande à côté en me disant : « en fait, c'est comme notre viande à nous ! » Après la préparation de la viande, mon père, qui s'occupait du barbecue, m'a dit : « t'inquiètes pas, je fais d'abord ta viande, comme ça elle ne sera pas en contact avec le porc » J'étais tellement choquée par la scène que j'ai dû m'asseoir, et me pincer par la même occasion.

Au cours du repas, tout le monde parlait de sa vie, son boulot, sans jamais m'adresser la parole. J'étais transparente. Même carrément inexistante. Je me demandais quand est-ce que le sujet de ma conversion à l'Islam allait tomber... Cerise sur le gâteau, ils ont choisi le moment du dessert.

Un de mes frères me demanda : « alors, raconte-nous, l'Islam et tout, qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Tous les regards se sont alors tournés vers moi, me rendant mal à l'aise. « Ben, rien, je suis devenue musulmane c'est tout » ai-je répondu. « Oui, ça on sait merci, mais pourquoi ? T'étais pas bien avant comme nous ? » Voilà, j'étais officiellement devenue une étrangère au sein de ma propre famille, je n'étais plus « comme eux. » On me posait des questions sans me laisser le temps d'y répondre, ils pensaient savoir mieux que moi. « Tu es trop naïve, c'est pour ça » dit une de mes soeurs; « Moi je suis sûre que c'est pour un mec » répéta plusieurs fois mon frère aîné... Et puis j'ai eu droit à un cours d'indépendance de la femme, menée par ma soeur médecin - et féministe engagée - puisqu'à leurs yeux l'Islam ne donne pas de droits à la femme. Là encore, j'ai essayé d'en placer une et d'expliquer le fabuleux rôle d'une femme musulmane. On ne m'a bien sûr pas écoutée.

C'était interminable, huit personnes qui parlent de vous comme si vous n'étiez pas là, sauf que j'étais bel et bien là. J'encaissais chacune de leur parole, ravalant ma rage et mes larmes. Tant pis.

C'était l'heure de la prière, j'ai fais mes ablutions, puis je suis allée prier dans ma chambre. A la fin de la prière, je vis ma nièce de 6 ans derrière la porte, je lui ai fais signe de rentrer. Elle s'avance alors vers moi, et me dit : « La maman de Chaima aussi elle a pareil que toi » en montrant mon voile. Je lui demande alors si elle sait ce que c'est, elle me répond : « oui, c'est pour pas que les garçons regardent tes cheveux, mais ça te va bien quand même » Mes trois autres neveux de 6, 7 et 8 ans rentrent à leur tour dans ma chambre. Mon neveu de 8 ans m'a dit « Tu sais tatie, j'étais triste de pas te voir, moi même si t'es musulmane ça me dérange pas » Etonnée du fait que de si jeunes enfants semblaient bien au courant, je leur ai demandé qui leur avait raconté tout ça, et mon neveu me répondit : « personne, on l'a entendu et puis après j'ai demandé à ma maîtresse c'était quoi musulmane. »

Ils me posèrent beaucoup de questions sur l'Islam. Mon neveu de 7 ans m'a même confié : « moi aussi je crois en Dieu ! » Finalement, c'est avec des enfants que j'ai eu la conversation ouverte et à double-sens que j'attendais tant.

Très vite, il a fallut regagner le monde impitoyable des adultes. Le disque tournait en boucle, « t'as fait une connerie, et ton mari il va te forcer à mettre le voile, et puis il va t'interdire de travailler » etc, etc... Agacé par tant de bruits, mon père haussa alors le ton et leur dit : « Laissez-là tranquille c'est bon, elle fait ce qu'elle veut, maintenant arrêtez » Tout ce brouhaha cessa. C'est alors que j'ai réalisé à quel point j'aimais mes parents, et à quel point eux, m'aimaient aussi. Durant cette journée, jamais ils n'ont était insultant ou blessant à mon égard, mais quelque chose avait changé dans leur regard...

Quand mes frères et soeurs rentrèrent chez eux, nous nous sommes retrouvés tous les trois, mes parents et moi. Je me suis sentie comme soulagée d'un énorme poids. Mais l'atmosphère était toujours aussi tendue, mes parents étaient silencieux. Ma mère, qui d'ordinaire, était si bavarde, ne trouvait rien à ma raconter après tout ce temps.

Etrangère aux yeux de ma famille, mais également étrangère aux yeux de ma Oumma... Car pour ma famille j'étais devenue Khadija, alors que pour les autres j'étais toujours cette française aux yeux en amandes.

Qui suis-je donc ? »

Khadija - convertie à l'Islam. [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant