Surgissement (Chap. 2 - suite et fin) :

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Son portable vibra. C'était Sophie qui s'impatientait. « Qu'est-ce tu fous ?!! » lui textotait-elle. Marie regarda l'heure : il était 20h30, le film allait commencer d'un instant à l'autre. Angel intervint :

— Réponds-lui de prendre trois places et de nous attendre.

Elle eut envie de lui demander comment il savait que le texto était de Sophie, mais elle s'abstint. Elle s'enquit plutôt :

— Tu viens avec nous au cinéma ?

— Oui et je te raccompagnerai après.

Il avait de nouveau parlé d'une façon paisible et assurée qui désamorçait toute remarque ou question supplémentaire. Cette tranquille assurance amenait Marie à un lâcher-prise qu'elle n'avait pas connu depuis longtemps. Peut-être pas depuis le temps lorsque toute petite fille elle se laissait porter, à moitié endormie, par son père de la voiture jusqu'à son lit quand ils rentraient tard d'une soirée chez des amis. Elle adorait ces moments où elle s'abandonnait complètement dans les bras paternels. Angel lui donnait la même envie. Sauf qu'elle le connaissait à peine ! Et que les réponses lapidaires qu'il fournissait à ses questions entretenaient le mystère plus qu'elles ne le dissipaient !

Ils arrivèrent au cinéma et virent Sophie leur faire signe de la main. Ils la rejoignirent. Sophie jeta d'abord à Marie un regard qui semblait dire : « Ouah, le Beau Brun ! Bravo ! ». Mais rapidement elle remarqua une ombre dans ses yeux. Elle comprit que quelque chose n'allait pas.

— Marie, qu'est-ce que tu as ? Qu'est-ce qui t'es arrivé ? interrogea-t-elle d'un ton alarmé.

Angel répondit pour Marie :

— Elle a fait une mauvaise rencontre.

Sophie crut un instant qu'il parlait de lui, mais en le regardant elle constata qu'il ne plaisantait absolument pas.

— Quelle mauvaise rencontre ? Tu veux dire quoi par là ?

— J'ai croisé les deux copains de Sandra qui ont essayé de me... Angel les a mis en fuite, dit Marie.

Sophie était stupéfaite, son regard passait de l'un à l'autre. Elle allait ouvrir la bouche pour poser tout un flot de questions qui se précipitaient légitimement dans son esprit, quand Angel dit :

— Le mieux pour l'instant, c'est d'aller voir le film.

Sa façon de parler eut sur Sophie le même effet que sur Marie. Elle ravala ses questions et le suivit sans broncher jusqu'à la salle de cinéma, où ils s'installèrent. Marie s'assit entre eux. Pendant toute la séance, Angel garda au creux de ses mains celle de Marie. Cela ressemblait à un geste d'amoureux. Sophie ne manqua pas d'interroger Marie du regard en pointant leurs mains. Marie lui répondit d'une moue qui signifiait : « non, rien de spécial ». D'après elle, c'était juste un geste de protection, pas un geste de séduction. Plusieurs fois pendant le film, elle sentit Angel l'observer : il veillait sur elle.

Lorsque le film fut fini, Angel prit congé de Sophie :

— Au revoir Sophie. Je vais raccompagner Marie jusqu'à chez elle.

Sophie eût bien aimé passer un moment seule avec son amie pour que celle-ci lui racontât ce qui s'était passé, mais la fermeté d'Angel ne lui laissa pas le choix. Elle rentra chez elle.

Marie et Angel cheminèrent jusqu'à l'immeuble où elle habitait, sans communiquer. La soirée avait été si riche en émotions pour Marie que les mots n'étaient pas à la hauteur. Comment expliquer qu'elle était passée du cauchemar le plus absolu à des instants divins ? Comment traduire l'indicible bien-être qu'elle ressentait à marcher entourée des bras d'Angel ? Parler eût peut-être brisé le charme. Elle gardait le silence, Angel aussi. Arrivés au pied de l'immeuble, il la prit de nouveau contre lui dans un geste apaisant. Puis, la repoussant légèrement pour voir son visage, il caressa tendrement sa joue avant d'y déposer un chaste baiser.

— Bonne nuit, Marie. Dors bien, je suis là.

Ensuite, déjà éloigné de quelques mètres, il ajouta :

— A demain, au café.

Médusée, elle ne put qu'articuler un au revoir du bout des doigts. Trop de sentiments et de questions l'assaillaient et la laissaient pantoise. Comment Angel avait-il fait pour surgir d'un coup à temps pour la sauver ? D'où tenait-il sa force surhumaine ? Pourquoi avait-il veillé sur elle toute la soirée avec une telle délicatesse ? Comment faisait-il pour lui faire un tel effet ? C'était quoi ce qu'elle ressentait ? Que voulait-il dire par « dors bien, je suis là » ? Elle restait là, immobile, quand elle entendit une voix lui murmurer à l'oreille : « monte te coucher ». On eût dit la voix d'Angel. Pourtant elle l'avait vu partir.

Elle obéit. Elle se glissa sans bruit dans l'appartement jusqu'à sa chambre. Elle se déshabilla dans le noir, enfila un vieux T-shirt et se faufila sous sa couette. Malgré l'épreuve qu'elle avait vécue ce soir, elle baignait encore dans la paix insufflée par Angel. Elle ignorait ce qu'il voulait dire par son « dors bien, je suis là », mais elle se sentait en sécurité, comme veillée par une présence invisible. Elle plongea rapidement dans le sommeil et dormit d'une traite jusqu'au lendemain. Quand elle ouvrit les yeux, la dernière phrase d'Angel s'imposa à ses pensées. « A demain, au café. » Il lui avait donné rendez-vous ! Oui, mais à quelle heure et pourquoi au café ? Elle n'avait aucune envie de tomber sur les deux copains de Sandra. Cette idée la terrorisait. Mais elle avait une telle confiance en Angel qu'elle se dit qu'elle ne risquait rien s'il était dans les parages. S'il lui avait donné rendez-vous au café, ses agresseurs n'y seraient pas. Elle en avait l'intime conviction. Restait la question de l'heure. Devait-elle s'y rendre comme d'habitude vers 15h ? Peut-être, mais alors elle ne serait pas seule avec Angel. Il y aurait Sophie. Elle décida d'y arriver un peu en avance dans l'espoir de passer un moment seule avec lui. Les heures jusqu'à son départ pour le café lui semblèrent interminables. Même sa mère à table remarqua son impatience et lui en demanda la raison. Elle fit comme si elle n'avait rien entendu et quitta le déjeuner dès que possible pour filer au café.

Angel et Marie - T. 1 - Prix du meilleur roman indé 2017, catégorie romanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant