Chapitre 9 (1ère partie) : Aveu

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Cette nuit-là, Marie fit des rêves étranges. Dans l'un d'eux, elle était attaquée par Elodie et Sandra qui lui perçaient un immense trou au milieu du ventre. Un serpent menaçait de passer par ce trou. Mais finalement il se transformait en Angel.

Elle se réveilla avec une impression de malaise. Le soleil inondait sa chambre, il était près de onze heures. Elle chercha du regard Angel, bien qu'elle sût par avance qu'elle ne le trouverait pas là. Un sentiment de grand vide s'empara d'elle comme à chaque fois qu'elle constatait son absence. Pourtant, peut-être parce qu'elle savait qu'elle le reverrait le soir même, elle décida de ne pas s'y abîmer. Elle se leva, alla prendre sa douche et enfila une petite robe légère. Elle alla embrasser son père qui, rentré depuis quelques jours de l'hôpital, somnolait sur le canapé devant la télé. Sa mère était au travail, son petit frère en colonie de vacances. Elle s'assit sur un coin libre du canapé et sourit à son père.

- Comment te sens-tu Papa ? lui demanda-t-elle.

- Un peu fatigué, mais ça va, répondit-il, même si ses cernes démentaient le simple « un peu fatigué ».

- Assez bien pour qu'on fasse une petite promenade ensemble ?

- Oui, si tu veux.

- On pourrait aller pique-niquer tous les deux au Parc de Saint-Cloud, qu'en dis-tu ? proposa-t-elle.

- Si tu me prépares les meilleurs sandwichs du monde, ça marche, lui lança-t-il, bien que son appétit, tout comme celui de Marie, eût considérablement diminué depuis quelques temps.

- Ça marche ! dit-elle joyeusement en se levant.

La perspective de ce moment seule avec son père la ravissait. Ce n'était pas si fréquent, peut-être même n'était-ce jamais arrivé. Cette sortie seule avec lui, sans son frère ou sa mère, prenait une tournure d'autant plus précieuse que la maladie de son père ne garantissait pas que de telles occasions se représentassent.

Arrivés sur la pelouse près de la Grande Gerbe, nom de la fontaine et du restaurant qui s'y trouvaient - ce qui l'avait toujours fait rire, enfant -, ils déplièrent la couverture, sortirent sandwichs, tomates et boisson, s'installèrent et goûtèrent la chaleur du soleil et la quiétude du lieu. Ils se firent la réflexion qu'ils étaient bien, là, coupés des bruits de la ville, bercés par le bruissement des feuilles et les gazouillis des oiseaux. S'ils s'allongeaient, ils pouvaient laisser leur regard et leurs pensées se perdre dans l'immensité du ciel bleu qu'aucun nuage ne ternissait. La beauté simple de la nature qui les entourait, les plongeait dans une bienfaisante sérénité.

Ils étaient ainsi tous deux allongés, délicieusement abandonnés au bonheur de l'instant, quand Marie prit la parole :

- Dis Papa, si un jour tu rencontrais la plus belle femme que tu puisses imaginer, tu penses que tu pourrais succomber à la tentation ?

- A la tentation de quoi ?

- De ... Tu vois bien..., répondit-elle gênée.

- De tromper ta mère ?

- Oui.

- Des tentations, tu sais, dans une vie on en rencontre toujours. Pas besoin de rencontrer l'improbable plus belle femme du monde. J'ai rencontré des femmes extrêmement séduisantes. Et comme je ne suis pas un ange, j'ai pu parfois être tenté. Mais l'amour de ta mère m'a toujours semblé le bien le plus précieux qu'il m'ait été donné de recevoir. Et pour rien au monde, pas même pour une nuit de plaisirs torrides, je n'aurais voulu risquer d'endommager cet amour.

- C'était facile de résister ?

- J'aimerais pouvoir te dire que, non, c'était très dur et en tirer une immense gloire. Mais la vérité, c'est que l'amour protège : quand on aime vraiment quelqu'un, les tentations pour une autre finissent par se dégonfler toutes seules. On dit que l'amour rend aveugle. On dit ça pour dire qu'on ne voit pas les défauts de l'être aimé, mais je crois qu'il rend aussi aveugle aux beautés des autres.

- Si tu n'avais pas cet amour pour maman, tu aurais pu succomber ?

- Oui, probablement. Mais pourquoi toutes ces questions ? Qu'est-ce qui te préoccupe ?

- Oh, rien, juste pour savoir.

En réalité, Marie restait profondément perturbée par cette histoire d'ange Tentateur. Il y avait là, dans le procédé même, quelque chose qui continuait à la révolter. Et puis... elle n'appréciait pas du tout qu'Angel puisse être en train de coucher avec une fille, même dans le cadre d'une mission.

C'est d'ailleurs l'une des premières choses qu'elle lui dit le soir même quand ils reprirent leur conversation. Après une longue et tendre étreinte quand Angel arriva, Marie se décolla légèrement de lui et dit :

- Tu avais raison.

- Hmm ? ânonna Angel, sur ses gardes devant le ton employé par Marie.

- Je ne digère pas, asséna-t-elle.

- Que ne digères-tu pas ? s'enquit-il doucement.

- Que ...Elle hésita. Que... Que tu couches avec des filles...

- Marie, je n'ai pas le choix.

- Pourquoi ? demanda-t-elle du ton suppliant qu'elle avait déjà eu avec lui.

- Parce que c'est ma mission et qu'elle m'a été attribuée en fonction de mon histoire. Assieds-toi, lui dit-il en la poussant vers le lit.


Angel et Marie - T. 1 - Prix du meilleur roman indé 2017, catégorie romanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant