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Je me suis réveillé trempé de sueur. Le soleil tapait contre la tente et mon corps emmêlé dans le sac de couchage collait au matelas. Il n'y avait plus personne près de moi et je me suis demandé si tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve, causé par le gémissement des vagues et le goût de la vodka sur ma langue. Je me suis redressé, et après avoir récupéré un caleçon dans le fond de mon sac - littéralement explosé dans tout les coins de la tente - je suis sorti dehors. Il devait être midi, à en juger par l'odeur de saucisses qui flottait dans l'air, et ni Harry ni Niall n'avait l'air présent. Je me suis dit qu'ils étaient peut être parti à la plage et j'ai enfilé un t-shirt avant de me diriger vers les douches. J'avais l'impression soudaine d'être quelqu'un d'autre, en marchant entre les allées. Je regardais les campeurs qui s'affairaient, tout ces gens qui mangeaient autour d'une table, ces familles riantes ou ces vieux blasés et je n'étais plus totalement comme eux, j'avais le souvenir des lèvres d'Harry sur mon corps, l'odeur de la mer et de l'amour me collant à la peau et j'étais différent. Un nouveau Louis. Un Louis qui pouvait se tenir la tête haute, se mettre à rire pour rien du tout, et dire qu'il était amoureux, cruellement et définitivement amoureux, jusque dans les tréfonds de son âme, jusque dans chacun de ses atomes. Un Louis qui n'était plus vraiment Louis mais qui était Harry aussi, éternellement.

J'ai choisi la douche du fond et j'ai ôté mes habits. Mon corps était parsemé de suçons, de griffures, de morsures, violettes ou roses, des petits bleus le long de mes jambes et des traces de sables sur mes cuisses. Et c'était beau, de voir que le sentiment qui m'animait était dessiné aussi violemment sur mon corps, comme si j'étais devenu la toile d'un peintre amoureux. Je me suis lavé doucement, respirant l'odeur du gel douche à la pêche. Je me suis mis à penser à Harry. Il n'était pas là quand je me suis réveillé. Est ce qu'il regrettait ? Est ce qu'il allait me fuir à présent ? Est ce qu'il n'avait pas aimé cette nuit ? Ou est ce qu'il avait peur ? Est ce qu'il pensait à moi comme je pensais à lui ? Et depuis combien de temps ? A ce moment là, je n'imaginais même pas qu'il puisse me rejeter. Je nous voyais déjà, dans un appartement à Montmartre. Il pleuvrait et je serais assis à la fenêtre, fumant une cigarette. Son corps nu allongé sur le lit m'attendrait, et il écrirait, comme il avait toujours rêvé de le faire. Nous serions deux êtres abandonnés par le monde, juste seuls et magnifiques, magnifiés par nos rêves. Le soir nous sortirions dans les rues froides, éclairés par des lampadaires crachotant une lueur jaune. Nous danserions dans des bars, naviguerons de mains en mains pour nous retrouver toujours, et nous nous embrasserions, seuls au milieu d'une marée humaine, à l'odeur de vodka et de sueur. Le matin nous retrouverait riants le long des berges de la Seine, contemplant les remous du fleuve entre les dernières nappes de brumes et nous remonterions lentement à notre appartement, pour tomber nus et éreintés sur les draps du lit, ondulant dans une danse lassive qui n'aurait pour seul but d'aimer l'autre encore plus fort que possible.

C'était mon rêve, irréaliste au possible, mais si agréable à esquisser.

Lorsque je suis retourné au campement, Harry et Niall était en train de replier les tentes. Ils étaient tout les deux torses nus et se battaient avec les piquets en se jetant des répliques de Star Wars. Je me suis mis à rire et j'ai rejoint le combat à l'aide des serviettes de toilettes. Niall a abandonné le premier et nous nous sommes laissés tomber sur le sable, regardant les pins surplombant le ciel bleu. Je sentais mon épaule frôler celle de Harry, et comme un courant électrique qui circulait entre l'espace vide entre nos deux corps. J'ai fermé les yeux un long moment. Nos souffles se mélangeaient, et les bruits diffus du camping autour de nous devenaient un murmure étouffé. Je me suis dit alors que j'aurais aimé rester pour toujours sur ce sol, les tentes éparpillées autour de nous, Niall et Harry près de moi, et le ciel au dessus de nos têtes. Mieux que tout mes rêves, c'était une réalité, la plus douce de toutes et j'aurais voulu l'enfermer dans une petite boîte pour la rejouer inlassablement dans ma tête. Mais Niall a finit par se relever, m'a tapé dans l'épaule avec son pied.

- Allez les mecs faut bouger où on sera jamais à Paris avant ce soir.

J'ai grogné, les paupières toujours closes. Harry ne bougeait pas non plus et j'ai tourné la tête. Son visage était vraiment paisible, auréolé par le soleil et des écorces de pins étaient venues se loger dans ses boucles folles. J'ai regardé la marque rouge qu'il avait sur la mâchoire, et j'ai senti mon ventre se réchauffer étrangement en me rapellant que j'en étais l'auteur, que je connaissais la façon dont il gémissait à ce contact, et que j'avais encore le goût de sa peau sur la langue. Il a rouvert les paupières et je me suis redressé rapidement, avec l'impression d'être un enfant pris en faute, pour aider Niall à ranger le bordel que nous avions mis.

Les yeux d'Harry m'ont fuis jusqu'à ce que nous partions, poursuivis par l'odeur chaude du sable et du sel de la mer. J'étais à nouveau derrière, les pieds posés sur la couette rouge. La fenêtre était ouverte et je fixais l'océan qui s'éloignait au loin. L'eau brillait sous le soleil, étrangement calme et je n'arrivais plus à penser. Le vent me remplissait à nouveau de vide. Harry n'en avait rien à foutre et la nuit avait été une nuit parmi tant d'autres. Ses baisers ne voulaient rien dire. Ils étaient des baisers parmi l'immensité de baisers que donnait l'homme dans sa vie. Et mon corps n'était plus la toile d'un peintre amoureux mais celui d'un abruti trop naïf.

Je me suis endormi. Lorsque j'ai rouvert les yeux, la fenêtre était fermée. Nous roulions toujours, mais sur l'autoroute. Niall s'était assoupi aussi, la bouche entrouverte, les pieds posés négligemment sur le tableau de bord. Harry tapotait de ses longs doigts sur le volant, mais il n'y avait pas de musique. J'ai détourné les yeux. Les camions glissaient près de nous, au milieu des vacanciers et des travailleurs, dans un ballet qui me donnait mal à la tête. Peut être que tout me donnerait mal à la tête à présent. Peut être que la vie n'était définitivement pas comme dans un film. Peut être que j'avais été trop con depuis le début. Peut être que j'étais né pour ça, voir mes rêves se faire traîner dans la boue. J'ai senti les larmes rouler sur mes joues, lourdes et sèches, gorgées de sel, comme si ce soir où nous avions fait l'amour dans la mer était en train de ressortir par tout les pores de ma peau. J'ai attrapé la couverture et je me suis enfoui dessous.


- - -


Harry se frotta les yeux. Il serra un peu plus fort le volant entre ses mains. La nuit commençait à tomber et il détestait ça, il allait devoir réveiller Niall pour qu'il prenne le relais. Louis ne savait pas conduire. Louis. Il jeta un coup d'oeil au rétroviseur. Louis était sous la couverture rouge. Il ne dormait pas, Harry le savait parce qu'il l'entendait hoqueter. Il pleurait depuis une demi heure maintenant et ses sanglots étaient devenus aussi familiers aux oreilles de Harry que le bruit des voitures autour d'eux. Il avait songé à lui parler, à le rassurer, à lui dire que tout irait bien, qu'il était fou amoureux de lui et qu'il ne le laisserait jamais tomber, pas après une nuit d'amour, mais Harry était Harry et il adorait cette fin.

Les films tristes avaient toujours été ses préférés.


FIN

Regarde Moi - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant