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« La mer est comme cela : elle efface ces choses de la terre

parce qu'elle est ce qu'il y a de plus important au monde. »


On est parti à l'aurore. De gros nuages noirs s'amoncellaient à l'horizon et l'air était lourd et moite. Dans la voiture on étouffaient. Il n'y avait pas la clim, et Niall avait ouvert les fenêtres en grand. Le vent faisait un bruit horrible, et couvrait les voix à la radio. J'étais à l'arrière, au milieu des valises et des sacs, une couette à mes pieds. Je regardais le paysage, et parfois mon regard se perdait sur la nuque de Harry. Ses cheveux bouclés étaient ivres de vent, se secouaient dans tout les sens, caressaient sa peau pâle. Je me disais que si nous avions été dans un film, il aurait tourné la tête et aurait rencontré mes yeux. Je me disais qu'il aurait compris, et que ses mains noueuses auraient lâchés le volant pour venir caresser les miennes.

On s'est arrêté à une aire d'autoroute. Harry avait l'air fatigué. Il frottait ses yeux, et son expression me rapellait celle d'un chat. Un gros chat aux yeux verts. Niall a commandé un café, j'ai pris un chocolat chaud. Harry n'avait pas soif. Il est resté dehors pour se griller une cigarette. Niall avait l'air de vouloir parler, alors j'ai fixé la télévision qui retransmettait un match de foot. Et parfois mon regard déviait encore vers la vitrine ouverte. Je voyais le dos d'Harry, son t-shirt gris, et la fumée qui s'envolait entre ses boucles brunes.

- Tu vas lui dire ? a demandé Niall.

Je me suis retourné vers lui. Il ne souriait pas, il jouait avec sa tasse. J'ai fini par hausser les épaules, et j'ai murmuré que non, je n'allais pas lui dire. Parce que ça gâcherait tout. Niall m'a fixé un long moment. Je faisais semblant de rien, en buvant mon chocolat. Mais ses yeux bleus me faisaient mal. Comme milles petites coupures qu'il assenait à ma peau. Je ne savais pas pourquoi.

On est reparti et cette fois Niall conduisait. La nuque d'Harry me faisait face. J'aurais pu m'y jeter, mordre sa peau, la lécher, la caresser, la marquer. A la place, je me suis enfoui dans la couette et j'ai fait mine de dormir. Je me suis vraiment endormi, et une heure plus tard ce sont les exclamations ravies de Harry qui m'ont fait sursauté. On roulait près de la mer. Je n'arrivais plus à voir où s'arrêtait le ciel, et où commençait l'océan. Ca m'a fait tout drôle de contempler ça, cette immensité de bleue. Comme un grand vide dans mon coeur, où un renouveau. Un truc qui gonflait sans que je comprenne comment, et qui prenait soudain toute la place. C'était apaisant.

Le camping n'était pas très loin après ça. Niall a dit qu'on aurait pas à marcher beaucoup pour rejoindre la mer et je ne sais pas pourquoi mais ça m'a soulagé, de me dire que je pourrais m'enfuir sur le bord de l'océan quand je voudrais. J'étais déjà venu ici avec mes parents, mais c'était si vieux que je ne me souvenais que du vent, et du mouvement des vagues contre ma peau. Pas du paysage. Juste des sensations floutées par le temps.

Comme c'est Niall qui avait fait la réservation, Harry et moi on a attendu dans la voiture. Son bras pendait négligemment par la fenêtre et je ne savais pas trop quoi dire. Ce n'était pas comme ça au début de notre amitié. On était fusionnel. Je pouvais lui raconter ma vie, le laisser y pénétrer comme il pouvait et je savais tout de la sienne. Maintenant il y avait cette chose qui voletait entre nous, que je ne savais pas comment mettre en cage, et dont lui ne soupçonnait même pas l'existence. Mais ça créait tout ces silences qui me foutait mal à l'aise et que j'avais envie de crever en lui hurlant que je rêvais de sa peau contre la mienne jour et nuit et nuit et jour.

Niall est revenu dans la voiture avec un grand sourire. Il a dit que notre emplacement était idéal, pas trop près des toilettes ni trop loin de l'épicerie. Harry a demandé si le chemin pour aller à la plage était accessible du camping, et comme Niall n'en savait rien il a juste haussé les épaules.

On a monté nos tentes Décathlon en deux secondes, comme précisé sur la boîte.

- C'est pour les replier qu'on va galérer.

On a pouffé de rire et Niall est parti chercher des frites au snack. Il avait l'air heureux, avec sa peau déjà à moitié bronzé et son short rouge. Il me faisait penser à la série Alerte à Malibu. Et puis Harry est revenu de la douche et mon ventre s'est contracté. Il brûlait aussi, un peu. Comme une bouilloire qu'on viendrait d'allumer. J'ai préféré retourner dans ma tente, même si il y faisait un peu chaud. J'ai plié mes affaires. Je suis un peu maniaque parfois, et puis ça occupe. J'entendais Harry s'activer dehors. Il gromellait un peu et quand il a dit " putain " j'ai décidé de sortir. Il se battait avec le hamac et je n'ai pas pu m'empêcher de rire. Je me suis relevé et je l'ai aidé à l'accrocher. Nos mains se frôlaient sans cesse. Nos hanches aussi. Il m'a remercié avec son sourire qui partait vers la droite et je lui ai dit qu'il n'était vraiment pas doué. Il n'a rien rétorqué, il s'est contenté de me regarder. Longtemps. J'avais envie de baisser les yeux mais ses pupilles vertes étaient hypnotisantes. Il y avait une drôle de lueur au fond, que je ne connaissais pas, et qui me donnait envie de le serrer dans mes bras jusqu'à avoir son odeur sur ma peau.

Harry s'est détourné quand Niall est arrivé. Il a posé joyeusement les barquettes de frites, les saucisses et les bouteilles de Coca sur la table. Il parlait fort, il riait aussi, son visage rayonnait comme un soleil. Moi j'avais encore le coeur battant du regard d'Harry. Je me suis assis en silence.

Peu à peu le soir est tombé. Les campeurs s'asseyaient devant leur tente. On parlait à voix basse. Parfois un rire s'échappait et montait un peu trop fort dans la nuit. Je relevais la tête pour l'écouter s'enfuir entre les pins. A côté de moi, Harry avait un timbre de plus en plus grave. Il luttait pour ne pas s'endormir, et Niall avait toujours l'air heureux. Je me sentais bien, bercé par l'air chaud de la nuit et l'odeur de sève. Au loin j'entendais les vagues s'échouer sur la plage, à moins que ce ne soit le murmure du vent.

J'ai fini par me relever. Harry a sursauté, il a passé une main dans ses cheveux bouclés. J'ai murmuré que j'allais à la douche, et j'ai senti son regard brûler à nouveau mon dos à mesure que je m'éloignais. J'ai fait comme si je ne me rendais pas compte, comme si c'était normal, qu'une simple paire de yeux verts me fassent cet effet.

J'ai choisi la cabine la plus éloignée dans le bloc sanitaire, même si il n'y avait personne. Je n'ai pas allumé la lumière. Dans le noir, le jet d'eau semblait doux sur ma peau. Je n'avais pas envie de voir le sol crade, ou la lumière blafarde des néons. Je n'avais pas envie de voir ma main glisser contre mon ventre, sur mon sexe, et sentir mes lèvres se cripser en murmurant son prénom. Mes cuisses ont tremblées, un peu. J'ai appuyé mon front contre la paroi de la douche et j'ai attendu que mon rythme cardiaque revienne de lui même. Parfois j'avais l'impression qu'il ne s'arrêterait jamais de s'emballer, que penser à Harry me ferait avoir orgasme sur orgasme. Parfois j'avais envie que ce soit vrai, mais avec son corps contre le mien. Pas tout seul. J'ai fini par me laver vraiment. L'odeur du savon à la pêche me donnait envie de redevenir un enfant. Je suis ressorti du bloc. J'ai regardé les étoiles dans le ciel d'encre, et le vent balayait doucement mes cheveux humides. Je me sentais bien. Apaisé.

Regarde Moi - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant