CHAPTER 1

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Isadora


Je me réveille avec cette sensation bizarre dans la poitrine. Comme un nœud, pas douloureux mais là, planté au plus profond de moi.

Je reste un moment allongée sur le dos à fixer le plafond blanc de mon appartement, les mains posées sur mon ventre, et je me dis que ça y est... c'est réel. Il me reste une semaine. Une semaine avant de partir.

Je cligne des yeux plusieurs fois. Il fait encore un peu sombre dans la chambre, la lumière du jour filtre à travers les rideaux beiges, et ça donne à tout un air doux, un peu flou, comme si la journée hésitait encore à commencer.

J'aime bien ce moment-là. Ce moment suspendu, entre la nuit et le jour, entre ce que je quitte et ce vers quoi je vais.

Je me lève lentement, passe mes mains sur mon visage, et m'attarde malgré moi quelques secondes devant le miroir. J'ai l'air fatiguée. Peut-être que c'est juste l'émotion. Ou peut-être que je le suis pour de vrai.

J'ai pas beaucoup dormi cette nuit. J'ai repensé à tout. À Sierra, au départ, au Mexique, aux enfants, à ce que je laisse derrière. Et à Gisèle.

Surtout à Gisèle.

Je m'habille vite. J'opte pour un jean bleu large, un t-shirt blanc, et une veste en jean par-dessus. J'attrape mes clés, mon tote bag avec mes carnets, et je sors dans le couloir rapidement.

Mes baskets font un petit bruit mat contre le sol. J'ai l'impression d'exister un peu plus quand je marche seule dans la cage d'escalier vide. Il n'y a personne. Le monde est encore endormi. Et moi je suis là, comme toujours, quelque part entre l'ombre de ma sœur et la lumière que j'essaye de trouver.

Je traverse la rue, les écouteurs dans les oreilles mais sans musique. Juste pour avoir un prétexte pour ne pas parler à quelqu'un si on m'adresse la parole. Je n'en ai pas envie.

Mes mains dans les poches de ma veste, j'étudie les passants autour de moi. Les boutiques des commerçants qui se préparent à l'ouverture, les pains de boulangerie qui sortent du four, les enfants qu'on emmène à l'école.

Londres est déjà debout.

Je jette un coup d'œil à ma montre et remarque que je commence à être en retard. Je marche plus rapidement et arrive peu après à l'Ehpad.

La Wellington House est un endroit correct. C'est propre, c'est fonctionnel, mais c'est pas beau. Et pourtant il y a quelque chose de réconfortant dans l'odeur du couloir. Mélange de savon, de linge frais, et de ce je-sais-pas-quoi qui sent les souvenirs.

J'ai pris l'habitude, avec le temps. J'ai appris à faire avec les silences, avec les gémissements des retraités, avec les pas lents dans les couloirs et les volets à moitié fermés en plein après-midi.

Je souris Marie, la femme qui accueil les clients toujours avec bienveillance. J'ai travaillé deux ans dans cet ehpad avant de partir et je ressens toujours ce vide lorsque j'en ressors.

Je reviens parfois rendre visite à une patiente particulièrement importante pour moi. Je m'en occupe à chaque fois que je viens grâce à l'accord du patron, un grand ami.

C'est une routine que j'ai prise. Lui rendre visite et faire ce que je faisais avant avec elle. Comme si je n'étais jamais parti.

Je me dirige vers les vestiaires, dépose mon sac à main et ma veste puis enfile mon ancienne tenue d'infirmière.

Je monte les escaliers rapidement. C'est une sorte de rituel. J'ai besoin de ces quinze marches pour me préparer. Pour respirer. Pour me mettre dans le bon rythme, celui de Gisèle.

UNTILTED ( EN PAUSE ) Where stories live. Discover now