Chapitre 51: Entre deux seins

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- « Même elle n'arrive point à faire semblant. C'est infect ! » clame la voix de Matthieu.

Je ne suis assurément point aussi bonne actrice que je le croyais.

- « Cela m'est égale, elle s'en contentera. » rétorque le « cuisinier ».

- « Que se passe-t-il ici ? » la voix d'Alessandro fige chacun.

Plus personne ne bouge, y compris Matthieu qui semblait jusqu'alors très agité.

- « Je croyais vous avoir dit de ne plus râler à propos de la nourriture. » il rajoute sèchement. « C'est notre dernier repas cuisiné par nous-même, ce soir nous n'en n'auront plus besoin. »

De quoi parle-t-il ?

- « Ce soir nous serons riche et demain nous aurons des dizaines de personnes à notre service qui se décarcasseront à nous concocter de bons petits plats. Alors un peu de patience messieurs car que vous promets que ce soir vous vous coucherez plus aisés que vous ne l'avez jamais été. »

Des acclamations s'élèvent, des chapeaux sont jetés en l'air et des poitrines s'entrechoquent. Excepté ceux d'Alessandro et moi qui nous regardons l'un l'autre dans le blanc des yeux.

Je m'avance vers lui, laissant mon bol sur le sol herbeux tandis que les autres laissent toujours échapper des gloussements de satisfaction.

- « Lorsque nous irons chercher notre frère nous en profiterons pour voler une partie des coffres. Père est tellement riche que cela ne fera aucune différence pour lui.

- Je n'ai rien dit. » je réponds.

- « Mais tu l'as pensé tellement fort. C'est cette promesse d'argent qui les a convaincus de me suivre. Ne t'en fait point, nous libèrerons notre frère. »

Je le regarde sans sourciller. Après-tout il crache les morceaux tout seul, pourquoi devrais-je me fatiguer ?

- « Pardonne-moi Raphaëlle mais je dois m'en aller. Père m'attend. »

Il fait demi-tour et se dirige vers son cheval où un de ses hommes l'attend après avoir préparé l'animal.

- « Tâche de ne point oublier qu'après tout cela nous pourrons enfin être ensemble. » il rajoute avant de faire démarrer son cheval.

Décidément cet homme est fou.

Mes pensées divaguent jusqu'à ce que sa carrure ne soit plus discernable parmi les arbres de la forêt puis je m'aperçois à cet instant précis que je me retrouve seule avec des hommes qui me sont inconnus et dont les seules choses que je sache d'eux sont qu'ils sont avides d'argents et apparemment plutôt nerveux.

Je me retourne vers eux pour leur faire face et m'aperçois qu'ils finissent de ranger le campement.

Plusieurs minutes plus tard tout est plié et rangé. Rien n'est laissé au hasard. Ils sont peut-être nerveux, râleurs et ne savent point faire à manger mais ils savent être efficaces.

Les heures passent et plusieurs groupes partent. Comme convenu, une heure après Alessandro deux hommes s'en vont, deux heures après s'est au tour de quatre autres. Vers dix-sept heures trente, quatre nouveaux les suivent. Ne restant plus que le baraqué et le maigrichon. Ainsi que moi bien entendu.

A dix-huit heures trente nous prenons chacun un cheval et partons ne laissant aucune trace derrière-nous si ce n'est un bout de papier précautionneusement caché.

Le silence est d'or entre nous trois. Les regards entre les deux hommes qui m'entourent m'indiquent qu'ils se connaissent depuis un certain temps.

La voix grave et le corps maigre comme grand de l'un coïncide étrangement avec la voix aigüe et le corps autant imposant que petit de l'autre. Créant ainsi un duo des plus inhabituels.

RaphaëlleWhere stories live. Discover now