Chapitre 4 : Vous resterez là...

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Un clic résonne dans le silence.

Ne sursautez pas. C'est inutile.

Ce n'est que la radio. Elle se met en marche toute seule. Comme toujours quand ils s'adressent à moi, une voix de synthèse se fait entendre. Écoutez-là briser le silence de ses grésillements et de sa diction hachée :

- Matricule 556609-038, levez-vous et approchez-vous du sas.

Désagréable non ?

Vous ne rêvez pas : une voix robotisée vient de vous donner un ordre. À vous, un être humain. En le faisant, elle n'est pas polie, et ne vous donne même pas de nom, juste un matricule. Il faudra vous y faire. Ici, vous n'êtes plus que ça : un matricule dans une cellule, une sorte de déchet d'humanité à stocker en attendant de s'en débarrasser. Vous avez perdu le droit à être considérer comme un humain en passant les portes d'ADX.

Ne vous offusquez pas d'être traités comme ça : vous avez voulu savoir après tout.

Comment ? Que dites-vous ?

Vous ne méritez pas d'être traités de cette façon parce que vous, vous n'avez rien fait ?

Pauvres cons !

C'est trop tard ! Il aurait fallu réfléchir avant de venir ici. Vous avez eu le choix. Et, trop curieux, vous avez fait le mauvais. Assumez-le ! Maintenant vous êtes exactement là où vous vouliez aller. Arrêtez vos jérémiades de dénégations qui ne servent à rien. Vos pleurs lamentables aussi. Aujourd'hui vous ne risquez rien. Ce n'est pas ce que vous croyez dans votre petit cerveau sous-développé. La voix, les ordres, c'est juste une procédure habituelle, aucunement une alerte, ni un transfert vers le lieu de mon exécution, c'est simplement l'heure de ma promenade.

Mais en pensant à ce qu'est ma "promenade" n'imaginez rien de gai et de verdoyant qui puisse ressembler à la liberté, ni même une vaste cours où on pourrait marcher ou courir, pour se dégourdir les jambes ou se défouler. La "promenade" n'est en fait qu'une cage avec une barre de traction pour faire de l'exercice. Elle est juste un peu plus grande que cette cellule, et elle offre une vue  sur le ciel... Un luxe solitaire qui ne m'est accordé qu'une heure tous les deux jours... Je ne le refuse jamais et je m'en repais à chaque fois.

Donc debout ! Et plus un mot !

- Matricule 556609-038 tendez les bras devant le sas d'accès...

Allez, silence, imbécile pétochard, on s'approche de la sortie pour faire ce que la voix dit.

Et oui, encore une découverte pour vous : on ne sort pas d'ici directement par la porte. On est pas dans une gentille petite tôle de quartier, avec pour résidents occasionnels, les petits dealers minables du coin qui sévissent dans les cages d'escaliers de leurs immeubles.

Les frocs baissés pour laisser voir le caleçon ou carrément la raie des fesses, et se donner un style, sans comprendre l'invitation implicite à la sodomie derrière ce code bien connu dans les prisons, ce n'est pas le genre de la maison. Déjà, il y a un uniforme, type pyjama orange pétard, qui ne permet pas trop ce genre de futilités vestimentaire. Mais surtout, ADX est une "supermax". C'est-à-dire une prison avec une sécurité maximum, destinée à une autre classe de délinquants que des Mickeys dégénérés aux cerveaux bouffés par la défonce. L'endroit est adapté à un genre de "clients" que vous classez normalement dans catégorie bête fauve.

Pour cette raison, une grille d'acier sert de sas avant la porte blindée de la cellule. Elle est là pour sécuriser toutes mes sorties. Je ne sors jamais en étant libre de mes mouvements. Mes pieds et mes mains sont toujours entravés, même si cela fait belle lurette qu'il n'y a plus de personnel humain au contact des détenus d'ADX. C'est une réaction du système au meurtre de deux gardiens accompagnateurs par un détenu. Une manière de renforcer la sécurité, et d'éviter l'entrée d'objets interdits dans la prison, aussi.

ADXWhere stories live. Discover now