Parents : 17

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Elise atterrit la première, sa sur-combinaison ailée en matériaux intelligents s'enroulent sur elle même dès qu'elle pose pied au sol. Il n'en reste qu'une petite sacoche d'un kilo. Elle lève les yeux pour profiter des derniers instants de vol de Guillaume qui semble lui tomber dessus au ralentit, comme les feuilles autour d'eux. A peine les ailes volantes repliées, il lui saute dessus et la serre très fort.

-Mon ange volante, t'es l'amour de ma vie. Tu sais toujours me surprendre après 40 ans de vie commune, moi qui ai passé ces années à chercher des régularités pour prévoir le futur, t'es forte. Je me sens déjà mieux grâce à toi. Repartons escalader un ou deux sommets, juste toi et moi contre les montagnes. 

Elle l'embrasse, se recule d'un pas et le regarde amusée. Après les premières 24 heures consacrées à lui remonter le moral elle réoriente la conversation vers elle, par soucis d'égalité et pour lui changer les idées. 

-Et si on travaillait à nouveau ensemble, ça va faire vingt ans au moins. Tu voudrais pas me rejoindre au labo d'informatique fondamentale et tenter ta chance sur un problème ouvert? Je ne sais pas quelle intelligence on réussira à transmettre à nos amis bioniques mais ils ne perceront pas tous les mystères de l'univers en une semaine et même s'ils allaient cent fois plus vite que nous on a besoin de ces résultats pour les programmer au mieux. Par exemple prolonger la cohérence quantique au delà du centimètre cube bloque encore, nos ordinateurs se savent pas résoudre les problèmes de classe NP- hypercomplets. Tu pourrais te plonger dans les maths sans penser à eux, retrouver tes vieux plaisirs de lutte à mains nues avec la nature. Sans compter que je serai à tes cotés pour t'ébouriffer les cheveux quand tu commenceras tes petits tiques nerveux que je suis seule à reconnaître. Et l'équipe ne parle pas trop d'eux, l'ambiance est détendue, on s'amuse entre nous, un peu à l'écart de la robotique même si nos résultats lui sont directement applicables. Le coté concret de la physique te facilitera l'impression d'utilité, j'ai cru comprendre que tu saturais des maths comme fin en soi à l'usage éventuel d'entités incertaines. Au moins là t'as des chances de voir les résultats de ton travail et d'en discuter directement avec les personnes concernées. Des milliers de chercheurs dans le monde se penchent de ce coté, tu seras entouré d'une communauté bien humaine pour te réchauffer. Si tu ouvres de nouvelles voies qui permettent l'augmentation de la taille des ordinateurs donc leur puissance, tu seras admiré par tous. Je sais bien que cette motivation n'est plus au goût du jour mais tu as trop forcé dans l'autre sens, tu t'es engagé trop loin dans le désintérêt à trop long terme pour des résultats trop incertains. On est né trop tôt pour se permettre de viser si haut moralement, on reste humain avec nos faiblesses et nos besoins de réconfort, tu as fait de ton mieux mais ne vas pas t'écorcher, reviens te réchauffer à la flamme de la gloire et du court terme. 

-Comment refuser un rapport physique à tes cotés? C'est d'accord, on se fait ce sommet et je rapplique dans ton labo après demain. Ça fait un bail qu'on s'est plus touché la physique et moi, on va avoir besoin de longs préliminaires mais avec toi à coté on va faire des étincelles, c'est certain. 

Il l'enlace à nouveau et reste blotti près d'elle un long moment en silence. Elle lui ébouriffe les cheveux puis l'entraîne au sol pour s'allonger et regarder les nuages. Ils contemplent le ciel avec leurs lunettes interactives qui décrivent en temps réel la composition chimique des nuages et de l'atmosphère. Guillaume lui prend la main et la serre de temps en temps,  à chaque fois qu'il voit un photon de très haute énergie diffuser dans le ciel. Elle sourit de ce vieux jeu qu'ils ont inventé dans leurs premières années ensemble et y répond tendrement à chaque désintégration particule -antiparticule suffisamment énergique pour être captée par ses lunettes. Elle se revoit sauter du sommet et descendre au gré du vent, virevolter et tournoyer dans les courants d'air chauds. Guillaume a tellement pensé aux ubots ces derniers temps qu'il a du mal à ne pas  y penser.

UtopiaWhere stories live. Discover now