Résilience : 8

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Julie se laisse absorber par la réalité virtuelle. Après une heure d'aventures parmi les objets de l'univers de l'infiniment grand elle salue amicalement certaines des étoiles qui sont devenues ses nouvelles amies. Même si la plupart ont de forts accents à cause de leur éloignement à notre système solaire elles ont toutes un vocabulaire de base commun qui autorise une communication de base et parfois les gestes viennent à la rescousse pour se faire comprendre. Elle replonge dans sa peau de petite humaine de 13 ans, rajeunie de 7 milliards d'années d'un coup, à peu près. La scène suivante la place dans un décor familier, au milieu de la salle de détente, un texte défilant au mur de chez elle, assise au milieu de la pièce plutôt vers le haut sur un fauteuil à suspenseurs.  Elle lit le texte en se demandant s'il avait une importance pour la prochaine scène à vivre virtuellement. Encore dans la peau d'une étoile à la minute précédente elle réalise qu'elle aussi est faite d'atomes, à peine ordonnés différemment et quelques ordres de grandeur ne changent pas grand chose face à l'immensité de l'univers. Son enveloppe corporelle perd un cran d'importance dans son identification qui se restreint un petit peu plus à sa conscience d'être et à sa compréhension du monde. Elle ressent le fauteuil et l'air dans la pièce, respire lentement et se sent bizarre. Ces cadres habituels volent en éclat, ses repères sont mis en perspective, le temps passent bien trop vite. Ses 4 milliards de secondes d'espérance de vie ne vaudraient même pas les 10 milliards d'années de sa vie de l'instant d'avant même si une seconde s'étirait sur une année. Son attraction gravitationnelle ne suffit même pas à attirer une petite planète naine, encore moins à dévier la lumière et faut il même tenter se se rappeler que ses 48 kg exercent malgré tout une force sur les objets de la pièce? La réalité de dissout, l'image du mur s'efface progressivement. Elle finit de lire la première phrase qui se termine par "constante de planck" et a juste le temps de penser à l'infiniment petit avant de voir effectivement la pièce s'agrandir, ou son corps se rétrécir. Les scènes suivantes la forcent à repousser ses idées reçues sur sa place dans le monde, à déconstruire les schémas d'identification sociaux arbitraires pour tout recommencer à zéro, à partir même des niveaux fondamentaux plus objectifs et absolus. La deuxième heure de la séance se passe bien même si une pointe de stress a alerté sa tunique un peu avant la fin, quand elle arrivait tout en bas de l'échelle de grandeur et de temps pour réaliser qu'ici tout n'est que vide et que le temps lui même n'est pas continu..trop difficile de lier sa propre image avec cette réalité. La salle se reforme devant elle en clignotant, elle ouvre les yeux. Elle reste silencieuse un moment, réalise la fréquence élevée des battements de son coeur et la transpiration qui perle sur son visage. L'image géante de son cerveau affichée sur le mur d'en face est particulière, elle ne la reconnaît pas. Une activité cellulaire atypique se joue en elle, des réseaux neuronaux semblent vouloir entrer en contact et forcent un passage plus ou moins détourné entre les corps cellulaires par axones interposés. Diane tend la main pour lui caresser la joue et la regarde de façon rassurante.

-Tout s'est bien passé d'après les résultats en cours d'élaboration, la moisson de données est stupéfiante, cette expérience s'annonce prometteuse. Ton corps a bien encaissé, le logiciel adaptait en temps réelle la difficulté selon ton stress mais tu as flirté avec nos estimations de tolérance les plus hautes, félicitation pour cette aptitude dont tu ne sembles pas te rendre compte.

Julie sourit, fière de contribuer efficacement à la recherche et d'être douée à ce "jeu" bien qu'elle sache que ses conditions de naissance et son environnement y sont pour presque tout.

-Merci, c'était vraiment bizarre à la fin, l'impression de me disloquer, de n'être plus rien. Mon moi criait au danger, à l'écartèlement, j'en ai encore le souffle court et la peau moite. Je commence à comprendre où se trouve la difficulté et l'importance de mes amis et de ma famille, je peux aller les serrer dans mes bras?

UtopiaWhere stories live. Discover now