Hostage Protocol

Chapitre 5

Alex et moi avons passé plusieurs jours ensembles. Des jours durs, compliqués et remplis de haine. Pourtant, c'est auprès de lui que je trouve le réconfort dont j'ai besoin.

Faute de choix, me diront certains. Excès de faiblesse, me diront d'autres. Quoi qu'il en soit, les faits sont là. Je pleure dans les bras de mon otage.

« Je retire ce que j'ai dit, t'as un cœur finalement »

Sa voix se veut réconfortante et taquine. Je souris timidement dans mes larmes tout en me défaisant de son étreinte. Nos corps restent cependant à une distance très proche.

« — T'aurais pu profiter de la situation pour t'enfuir ou me frapper, qu'est ce qui t'en a empêché ?

— J'ai pas réfléchi, c'était instinctif, souffle-il en haussant les épaules.

— Pourquoi tu as rejoint le Çao ? T'as vraiment pas le profil d'un criminel. »

La question semble le tendre, alors il fait un pas en arrière sans me répondre, ce qui brise notre bulle de confiance face à mon regard dubitatif.

« — Qu'est-ce qui me garantit qu'après vous avoir donné les infos sur le réseau, ma famille et moi seront en sécurité ? S'ils ont réussi à tuer un de vos meilleurs agents, ils n'auront pas de mal à tuer des civils innocents.

— Ta famille sera obligée de déménager et de quitter le pays. Ils seront surveillés de près par les autorités locales et par des agents en mission pour la protection des témoins.

— Comment ça, ils ? Et moi ?

— Toi, ce sera une autre histoire. »

La panique s'esquisse en lui. Je continue, non pas pour le rassurer mais en étant totalement honnête.

« — On ne va pas te tuer, sauf si tu nous obliges à le faire. Tu iras peut-être en prison ou dans un centre spécial du SSB si tu es collaboratif. En gros, tu feras des sortes de travaux d'intérêt généraux au service du pays pendant de longues et belles années.

— Ouais, la prison dans tous les cas quoi. Je vois. »

Il s'assoit alors sur son nouveau lit et fixe un point dans le vide. Je tente une dernière carte pour le convaincre dans ce moment particulier que nous partageons.

« — C'est la meilleure option si tu veux sauver des vies. Une belle option pour te racheter de toutes tes années de péchés.

— Hm, ok. Je vais parler. Mais à une condition.»

Je hausse un sourcil, étonnée qu'il se permette de négocier alors que dans l'histoire c'est plutôt à moi de lui imposer les conditions de cet échange. Intriguée, je le laisse continuer.

« Je vous révèlerai les informations exactes du siège principal que quand ma famille, c'est-à-dire ma mère, mon beau-père et ma petite soeur, seront dans un autre pays, en sécurité. Les risques sont trop gros pour que je parle avant de les savoir à l'abri. »

Mes épaules se haussent et je soupire pour faire mine de réfléchir. Sa demande n'est pas démesurée, elle est même logique en réalité. Je hoche la tête petit à petit puis lui répond.

« — Ça devrait être réglé en quelques jours sans soucis.

— Et... comment vous allez les convaincre de changer de vie soudainement du jour au lendemain ? Sans attirer les regards du Çao ? Ils observent les mouvements de leurs agents et leurs familles. Rien ne leur échappe.»

Un sourire en coin fait irruption sur mon visage et c'est une des parties de mon métier que j'aime le plus - même si les combats restent ma partie préférée - car elle consiste à trouver des stratégies solides pour arriver à ses fins. Un peu comme un tour de magie que l'on prépare pour son public tout en s'assurant qu'il ne découvre pas le stratagème derrière.

Mes entrainements m'ont appris à me battre, à survivre dans des conditions extrêmes, à négocier avec un criminel, à tirer, à réunir des preuves mais aussi à jouer à Arsène Lupin. Toute technique est bonne pour résoudre une affaire.

Tout comme j'ai joué la femme enceinte au début de cette mission, nous allons devoir user de ruse pour évacuer sa famille dans une autre ville et les mettre en sécurité.

« — C'est très simple, on va profiter de l'anniversaire de ta petite soeur pour les inviter à un voyage surprise pour te faire pardonner. Tu vas leur dire que t'as réussi à prendre des jours de congés et que tu vas passer quelques jours avec eux.

Ils croiront que tu as tout pris en charge : taxi, hôtel, vol d'avion, etc. Arrivés au premier point de passage, on les rejoindra et tu vas leur expliquer la vraie situation, je te brieferai. Après ça, ils seront exfiltrés vers une destination secrète qu'on te révèlera uniquement à la fin de la mission. Cela évitera de compromettre leur refuge au cas où l'information fuite pendant un interrogatoire du Çao s'ils t'attrapent ou par erreur dans une conversation à une personne que tu penses proche.

— Quand tu dis leur expliquer la vraie situation, tu veux dire leur parler du Çao ? Du trafic d'humains ? Je peux pas leur dire la vérité.

— On ne leur dira que le nécessaire : tu as été impliqué dans une grave affaire criminelle et pour leur sécurité, ils doivent évacuer le pays et disparaitre des radars pendant quelques semaines. De toute façon, ils découvriront la vérité aux infos quand l'affaire sera résolue. »

Il semble attristé par la situation, voire même nerveux mais acquiesce tout de même.

« Tu me confirmes donc ta collaboration pleine et volontaire ? »

Nos regards s'accrochent l'un à l'autre et le temps semble s'écouler à une vitesse beaucoup plus lente que la normale.

J'attends sa réponse comme si elle allait changer le reste de mon existence. Techniquement, elle va changer la vie de centaines de personnes qui souffrent et qui sont en danger. Donc oui, sa réponse est capitale et vitale. Il est bien question de vie ou de mort.

Son aval changera donc le reste de mon existence car il me permettra d'avancer d'un pas encore plus grand dans ma quête principale de vie : sauver et secourir ceux qui sont en danger.

C'est donc avec un énorme shot d'adrénaline que mes oreilles accueillent ses mots.

« Oui, je suis d'accord pour collaborer de mon plein gré. »