VIII

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J-19

La carte du Joker à la main, je contemplais les inscriptions faites au marqueur noir. Je ne croyais pas en ce que j'y lisais.

Je voyais bien les lettres et les mots qui formaient le message de l'agresseur, mais je n'arrivais pas à croire que c'était cette personne qui m'avait retrouvée, et qui avait ensuite décidé de me voir seul à seul dans un café.

Je déglutis dans le silence de la chambre. D'habitude, cette pièce était mon havre de paix, mon cocon de quatre murs, dans lesquels mes secrets pouvaient s'épanouir comme des plantes aux feuilles grasses.

Ce soir, quelqu'un avait violé mon sanctuaire, et s'était permis à toucher à mon bien le plus précieux ; et je ne savais pas comment je devais me sentir à propos de ça.

Je reposai la carte sur la table et caressai mon livre, qui avait été vu par d'autres paires d'yeux que moi.

— Comment tu as fait... Pour savoir que ce livre existait et de quoi il parlait ?

Inutile de rappeler que le grimoire de Blasée n'était pas un best-seller imprimé en plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. C'était simplement un journal intime un peu spécial, écrit par une personne un peu spéciale elle aussi.

Personne, à part moi, mon petit frère, et le marchand de farce et attrape que j'adorais voir de temps en temps ne devait savoir pour l'ouvrage.

— Non, ce n'est pas ça... Il y a aussi une autre personne...

C'était évident, n'est-ce pas ? Cette autre personne ne pouvait être que Blasée elle-même. Cette personne avait peut-être envie de récupérer son livre.

Je me frappai la tête avant d'attacher mes cheveux dans ma coupe préférée pour aller se coucher.

Cette affaire me fatiguait. J'en pouvais déjà plus, et je n'avais même pas encore pris contact avec le fameux maître chanteur.

Je me changeai en tenue de nuit, puis me mis au lit en serrant la carte entre mes doigts.

Je la faisais tournoyer en même temps que mes pensées s'enchaînaient :

— Dois-je y aller ?

C'était la question du moment. Au lieu de débattre sur la possibilité d'un inconnu de mettre la bonne carte entre les pages du bon tour de magie écrit dans un journal intime, je m'étais plutôt penchée sur mes actions du lendemain.

— Dois-je le faire ? Mais si... non, c'est trop dangereux.

Les arguments passaient dans mon esprit à la vitesse de la lumière et s'entrechoquaient dans tous les sens.

Le camp favorable à la rencontre me disait que c'était précisément cette rencontre que je voulais provoquer en retraçant le parcours de l'intrus dans la maison. Si je rencontrais cette personne, je pouvais mieux l'appréhender, afin de sauver ma famille. De plus, le café Mama était rempli à dix-sept heures, et il n'y avait aucun moyen que je me fasse poignarder en plein jour et en public.

Celui défavorable à ma sortie dans ce café me disait que parler à un criminel ne changerait rien. On ne pouvait pas sauver quelqu'un de déjà fou, et que, qui sait, il me poignarderait peut-être en public. Comment pouvait-on savoir ce qui se passait dans la tête d'un fou ?

Et puis... Le fait que le maître chanteur en connaissait autant sur ma vie me dérangeait.

— Attends une minute...

Mais...

Si l'intrus en connaissait autant sur ma vie, sur mes tours de magie, et sur nos habitudes...

Rendez-vous avec le malWhere stories live. Discover now