Chapitre 3: L'odysée de Sophie

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"Comment cela a-t-il pu arriver ?" ma voix n'était qu'un murmure, presque étouffé par le crépitement du feu.


Ma mère secoua la tête doucement, ses yeux emplis d'une douleur muette. "C'est une longue histoire, Odilon, pleine de chagrin et de décisions difficiles. Ton père a été banni de la cité, mais... mais je préférerais que nous parlions de cela plus tard." Elle marqua une pause, cherchant visiblement à protéger un secret trop douloureux à révéler tout de suite.

La nouvelle de l'absence définitive de mon père, enveloppée dans le mystère de son bannissement, laissait dans mon cœur une plaie béante.

Dans un effort pour alléger l'atmosphère chargée de tristesse suite à la révélation sur notre père, ma sœur, essuyant discrètement une larme, tenta de changer de sujet. "Odilon," commença-t-elle, une lueur de fierté retrouvée dans les yeux malgré la tristesse récente, "je vais bientôt commencer mon propre Tour de France." Sa voix, bien que tremblante au début, gagna en assurance alors qu'elle parlait de ses projets futurs.

Se levant, elle alla chercher la canne d'aspirant compagnon qu'elle avait posée dans le coin du salon, près de la cheminée. "Regarde," dit-elle en me tendant l'objet. C'était une belle canne taillée dans du genévrier.  Autour de la poignée était noué un ruban délicatement brodé de chrysanthèmes.


"J'ai terminé mon apprentissage, et cette canne est le symbole de mon prochain départ. Chaque aspirant en reçoit une à la fin de son apprentissage. Les chrysanthèmes représentent la persévérance et l'optimisme face aux adversités." Sa voix trahissait son émotion, mais ses yeux brillaient d'excitation et de fierté.

Je pris la canne dans mes mains, admirant le travail minutieux, la sensation du bois lisse sous mes doigts me connectant d'une certaine manière aux rêves de ma sœur. "C'est magnifique," répondis-je sincèrement, impressionné par son accomplissement et touché par l'importance de ce moment pour elle.

Ce changement de sujet, bien que temporaire, nous permit à tous de nous éloigner momentanément de la tristesse enveloppant la pièce. En partageant sa passion et ses aspirations, ma sœur avait réussi à tisser un lien entre nous, un rappel que, malgré les épreuves, la vie continuait et que nous avions chacun notre propre chemin à parcourir.

Posant délicatement la canne sur le bord du fauteuil, je regardai ma sœur avec un intérêt renouvelé. "De quelle guilde fais-tu partie ? Comme maman, de la guilde des tailleurs de pierre ?" demandai-je, curieux de savoir si elle avait suivi les traces familiales ou tracé son propre chemin.

Un sourire empreint de détermination éclaira son visage. "Oui, exactement comme maman," répondit-elle avec fierté. "Je suis tailleur de pierre. Et pour mon Tour de France, j'ai choisi de partir en Bretagne."

"C'est une excellente idée," acquiesçai-je. La Bretagne, avec sa riche histoire de construction en pierre et ses édifices anciens, était le lieu idéal pour parfaire son art."La Bretagne regorge de savoir-faire unique, et les compétences que tu y acquerras seront inestimables."

"La Bretagne, tu sais, est un terreau riche d'histoires et de légendes que j'ai souvent rencontrées dans les livres de la bibliothèque du monastère," commençai-je. "Les dolmens et les menhirs dressés à travers les landes et les forêts témoignent d'un passé mystique, où chaque pierre semble raconter une histoire oubliée de rites ancestrales."

Je pris une pause, me rappelant les récits des moines qui, dans leur quête de solitude et de communion avec Dieu, avaient fondé de magnifiques abbayes, véritables phares spirituels éparpillés le long des côtes sauvages et des forêts profondes. "Les moines bâtisseurs, par leur dévotion et leur art, ont laissé une empreinte indélébile sur cette terre, érigeant des édifices qui résistent encore au temps."

La Nouvelle-FranceWhere stories live. Discover now