Chapitre 11-1

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*Quelque part sur la route.

J'avais perdue la notion du temps. Avachie plus qu'appuyée contre la paroi du fourgon, je luttais pour ne pas m'assoupir. Avec Gabriel et Jude en alerte pour veiller sur nous, je me sentais en relative sécurité et moins obligée de protéger coute que coute Leah, qui dormait déjà, appuyée contre moi. Pourtant, quelque chose m'empêchait encore de succomber aux douces sirènes du sommeil. Nous n'étions pas encore tirés d'affaire, loin de là. Mais c'était plutôt ce lancinant sentiment de danger permanent, d'angoisse et de suspicion ambiante, prégnante depuis la grande attaque qui ne nous laissait pas une minute de répit. Cette sensation dérangeante et usante que rien ne serait plus jamais comme avant et qu'il n'y avait rien à faire pour y remédier.

Le camion commença à ralentir au moment où Gabriel, depuis le siège passager, posait doucement sa main sur mon épaule, signe qu'il avait senti mes pensées défaitistes. Le véhicule s'arrêta après deux hoquets poussif du moteur et nous entendîmes les portières s'ouvrirent. Lorsque la toile se souleva, je secouai doucement Leah pour la réveiller et nous descendîmes à la suite des autres, sans un mot.

Nous nous trouvions sur la place d'un petit hameaux de campagne composé de quelques maisons éparses et d'une église à moitié en ruine. Le jour s'était levé, pourtant la lumière avait du mal à transpercer les nuages lourds et nimbait l'endroit d'une grisaille déprimante. Toujours en silence nous suivîmes Johnson jusqu'à l'une des maison, un peu en retarit de la rue principale.

— C'est inhabité pour le moment. Elle vient d'être remise à neuf pour en faire un gîte, mais avec ce qu'il se passe...

Il ne termina pas sa phrase et nous ouvrit la porte en évitant notre regard. Les problèmes qu'il avait évoqué plus tôt me revinrent en mémoire, mais quelque chose d'indistinct me poussait à rentrer au plus vite à l'intérieur et a ne surtout pas rester dans la rue.

— Je vais devoir me débarrasser du camion. En attendant reposez-vous. Vous êtes en sécurité ici. Je vous expliquerai tout à mon retour, ajouta-t-il en soutenant brièvement mon regard avant de me tendre un trousseau de clefs et de partir rapidement.

— Cette histoire ne me dit rien qui vaille, marmonna Jude en me dépassant pour entrer.

Au diapason de ses pensées, je fermai la marche et veillai à bien verrouiller la porte derrière nous. L'intérieur était à l'image de sa future fonction, propre, neuf et totalement impersonnel. Murs et carrelage blanc, meubles en pin bon marché, assortit à des rideaux et des coussins beige passe-partout. En un mot, clean mais déprimant. Une odeur de peinture flottait dans l'air me donnant une irrésistible envie d'éternuer et d'ouvrir les fenêtres.

— Pour être neuf, c'est neuf, commenta Gabriel en inspectant les lieux.

— Vous croyez qu'il y a quelque chose à manger ? demanda timidement Leah, toujours collée à moi.

— Je crains que non, ma grande, lui répondit Worth après avoir inspecter un a un tous les placards de la cuisine ouverte, tout aussi blanche que le reste.

Plusieurs soupirs ponctuèrent sa triste conclusion. Nous étions tous affamés. Les coups secs qui résonnèrent soudain contre la porte d'entrée me firent sursauter violement et je confiai aussitôt Leah à Worth, tout en faisant signe aux autres de reculer. Les griffes de Thomas, toujours sous forme de loup, cliquetèrent sur le carrelage tandis qu'il se plaçait à mes côtés en première ligne, les babines retroussées, prêt à bondir. J'ouvris lentement le battant, tombant nez à nez avec une jolie rouquine qui ne devait pas avoir plus de vingt ans et la même fossette au menton que Johnson.

— Bonjour, je suis Lisbeth, la cousine de Johnson. J'apporte des vivres et des vêtements de rechange, ajouta-t-elle d'un ton enjoué en montrant les deux sacs qu'elle portait à bout de bras, avant de pousser la porte de son épaule et d'entrer sans y avoir été invité.

Insurrection- Elémental Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant