Chapitre 10-1

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*Maison de Robert

Je dormis deux jours entiers, si bien qu'à mon réveil un nouveau plateau m'attendait à mon chevet. Un silence inhabituel et angoissant planait sur la demeure et je mis quelques secondes à me rappeler où j'étais. Lorsque tout me revint en mémoire, je palpai immédiatement ma poitrine et pris une grande inspiration mais rien à signaler, tout avait l'air d'être rentré dans l'ordre. Malgré ma faim, je délaissai le plateau et d'un seul mouvement soulevai la couette et basculai mes jambes en dehors du lit. Le parquet froid m'électrisa les orteils et la chair de poule gagna rapidement tous mes membres me faisant prendre conscience de ma tenue pour la première fois.

Rien n'avait changé ou presque depuis notre fuite. Mon pantalon sale et déchiré comportait plus de trou que de tissus désormais, laissant même apparaitre mon caleçon et mon tee-shirt avait été définitivement mis en pièce par le médecin. Maculé de crasse, de sang et à moitié nu, je grelottai dans l'air frais de la petite chambre. Doucement je pris appui sur mes pieds pour me relever, heureux de constater que je ne tanguai pas trop et des yeux, cherchai à me repérer. Je savais que la porte de droite ouvrait sur un couloir et donc sur le reste de la maison que je ne pouvais dignement pas explorer dans cette tenue. J'optai donc pour la seule autre porte de la pièce, qui je l'espérai, devait desservir une salle de bain ou à tous le moins des toilettes.

Le battant grinça légèrement lorsque je le poussai du dos de la main, révélant une salle d'eau petite mais fonctionnelle. Sur l'abatant fermé des W.C m'attendait une pile de serviettes et une autre de vêtements. Touché j'avançai d'un pas et remarquai alors seulement la demi-feuille de papier, posée sur le dessus d'une des piles.

« Votre amie est stable. Les enfants sont à l'école et nous au travail. Je rentrerai vers 11h30, n'hésitez pas à faire comme chez vous – Phoebe »

Un pincement me serra le cœur. Ces gens étaient vraiment adorables. Il fallait absolument que je parte d'ici au plus vite pour ne pas leur attirer d'ennui. Mu par cette résolution, je verrouillai la porte, ôtai mes nippes crasseuses et tournai le mitigeur de la douche. L'eau fut à température en quelques secondes et c'est avec un plaisir non dissimulé que je savourai ma première douche depuis des semaines. L'eau qui s'écoulait par la bonde était tellement sale qu'il fallut deux savonnages et trois shampoings pour que je sois enfin propre.

Relativement détendu pour la première fois depuis longtemps, je fermai l'eau presque à contre-cœur et m'enroulait dans la grande serviette moelleuse mise à ma disposition. C'est là que mon regard rencontra le miroir en pied accroché derrière la porte et que je ne voyais que maintenant. Malgré la buée, l'image que me renvoyait la psyché était troublante. Teint maladif, visage émacié et côtes saillantes, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Mes cheveux d'ordinaire brillants et soyeux étaient cassants et tout emmêlés me donnant l'air d'un épouvantail.

Je n'avais jamais été esclave des miroirs mais avais toujours pris relativement soin de mon apparence. Me sentir bien dans ma peau me rendait plus sûr de moi et là... j'avais une dégaine à faire peur aux enfants les soirs d'Halloween ! Sur le bord du lavabo reposaient, une brosse à dent neuve dans son emballage, un tube de dentifrice et un peigne. Je m'emparai de ce dernier et entrepris de le passer entre les mèches agglomérées, mais peine perdue, agacé je cherchai un démêlant dans les produits alignés dans la baignoire mais n'en trouvais pas. Après quelques minutes supplémentaires d'essais infructueux, je fini par laisser tomber et me rabattit sur la brosse à dent. Une fois propre et habillé, à défaut d'être coiffé, je ressortis de la petite pièce aussitôt assaillis par l'odeur nauséabonde qui émanait du lit. Mon dieu, je puais à ce point-là ?! me dis-je mortifié en lorgnant les draps souillés de saletés et de sang. Mu par un besoin presque viscérale d'effacer tout ce pan de mon existence de ma mémoire, j'enlevai les draps du lit avant de tirer le rideau occultant et d'ouvrir la fenêtre pour aérer. Dehors il faisait jour et un léger crachin striait l'horizon. L'air frais me fit du bien et je restai quelques minutes à la fenêtre savourant les odeurs printanières malgré la lumière déprimante de cette journée pluvieuse.

Insurrection- Elémental Tome 2Where stories live. Discover now