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C'est le premier jour de cours. Pour moi toute l'ambiance est différente, pour Carl c'est un grand jour, le retour aux études ce qu'on espère faire le moins possible, ce poids qu'on traîne le long de notre enfance, plutôt comme un supplice que comme quelque chose d'agréable dans lequel on se plaît .

J'ai 19 ans, je suis primée pour cette école surréputée et cerise sur le gâteau mon copain m'accompagne dans cette aventure et nous aménageons même ensemble pour la première fois pour l'occasion.

Nous prenons place dans l'amphithéâtre. Pas vraiment devant, mais assez proche et bien au milieu pour avoir une vue parfaite et être performant.

L'amphithéâtre est déjà à moitié plein et nous rencontrons plein de nouvelles têtes, cette histoire promet déjà d'être une grande aventure. La pendule numérique affiche 13:58 ce qui veut dire que la rentrée officielle est dans 2 minutes.
Les élèves se pressent dans les allées, s'interpellent, se retrouvent, se bousculent, mais tous finissent par trouver une place.
Néanmoins le temps que le chahut se calme le professeur n'est pas là avant 14:05.

Une grande fille, longiligne ce glisse entre les rangs jusqu'à trouver sa place à côté de Carl. Elle a une tête, adorable des yeux de biche vert qui rappelle une forêt où une clairière ensoleillée et des éclats d'ocre dans ses pupilles. Le tout encadré de longs cils noirs charbon recourbés à la perfection qui contraste avec justesse la couleur claire de son teint de poupée ivoire. Des minuscules tâches de rousseurs couvrent légèrement son nez et ses pommettes comme le pollen volant librement dans le vent frais d'une brise de printemps.

Un instant je restais là à l'observer avec admiration. Puis une pointe de jalousie perça mon cœur quand je remarqua ces merveilleux cheveux auburn longs, légers, fluides, soyeux, doux, brillants, flamboyant même.

Cette couleur surnaturelle, avec un côté épique. Chatoyants et euphoriques. Comme un feu de camp organisé un soir d'été sur une plage de San Francisco pour griller entre amis des chamallows. 

C'était cette teinte merveilleuse qui plaisait vraiment à Carl. Pas qu'il me quitterait pour une couleur de cheveux évidemment, mais comparé à mes cheveux en bataille d'un blond terne qui tournerait même au gris, sec aux pointes, gras aux racines et pleins de pellicules, il n'y a pas photo.

Je remarque évidemment Carl qui en tomberait presque la mâchoire quant à la divinité qui vient de s'asseoir à côté. Le professeur arrive et nous demande d'indiquer nos prénoms dans le pavé numérique situé à l'extrémité d'à peu près chaque place prédéfinie.

Ses longs doigts fin et manucuré dans de jolies couleurs nudes qui match parfaitement avec sa peau fraîche inscrivent d'un geste délicat le nom de "Jolene".

Jolene, l'apparition soudaine qui risque de chambouler les choses. 

La présentation du programme de l'année, de l'emploi du temps, des options, des professeurs et de ce que l'on peut faire sur le campus prend fin au bout d'un peu plus d'une heure et demie de "réunion".  Nous sommes libres pour la fin de l'après-midi et on nous conseille de se servir de ce temps pour nous familiariser, rencontrer et même peut-être se faire de nouveaux amis parmi les élèves dans nos cours.

Nous sortons tous en file indienne pour rejoindre la sortie du bâtiment et profiter dehors des rayons du soleil déclinant à l'horizon, dans la douceur de ce début de mois d'octobre.

Nous discutons un moment avec des groupes d'étudiants qui ont l'air sympa pour se faire quelques contacts. Les conversations n'ont rien de très intéressant,  on essaye de savoir les cours en commun de chacun, les centres d'intérêts, ce qui nous a poussé à prendre cette filière, mais étant nombreux on ne répond pas vraiment aux questions. Quand avec les garçons à qui nous parlons, le sujet dévie sur une fille lumineuse et pétillante assise sur les bancs de la fac!

-Elle est sublime, dit l'un

-Elle doit faire du mannequinat, dit l'autre

-Je n'ai jamais vu quelqu'un de la sorte...

-Elle s'appelle Jolene, elle était assise à côté de moi.

-Tu lui a parlé?

-Elle est aussi gentille qu'elle est belle?

Carl fait le frimeur au milieu de ces questions. Je le dévisage d'un air étrange, mais qu'est-ce qu'il fait? J'ai bien vu qu'il n'arrêtait pas de lui jeter des coups d'œil durant la présentation mais il n'a pas essayé de lui parler ni rien. Alors pourquoi essayer d'en faire une fierté au milieu de potentiels amis qu'il ne connaît même pas encore.

Au bout d'un moment, on décide de prendre le chemin du retour. 

Durant le trajet qui court le long du littoral et dont le panorama est absolument incroyable, à couper le souffle, je me perds littéralement dans mes pensées, un sourire idiot aux lèvres en réalisant que je ne me lasserais jamais de la vu, c'est la première fois, mais comment ce lasser de ça? Vivre le grand amour ici? Le rêve d'une vie. 

-Ils sont avec nous eux non? 

La voix de Carl me paraît lointaine, je le regarde, ces cheveux bruns mi-longs et bouclés qui ondulent dans le vent. Ces grands yeux bleus qui m'interrogent du regard.

Alors que nous arrivons à proximité de notre résidence, je remarque qu'en effet un groupe de jeunes marche pas loin devant nous depuis le début. Cette balade qui m'a paru si longue et détendante ne dura en réalité pas plus de dix minutes. 

-Ils doivent habiter dans le coin, je répond simplement. C'est peut-être une coloc entre potes, quand j'étais petites j'aurais voulu faire une coloc avec Marlène, comme tu le sais c'était ma meilleure amie, mais elle ne m'a pas attendu pour partir, d'ailleurs je vois souvent sur ses réseaux à quel point elle s'amuse dans les soirées étudiantes. 

Je hausse la tête avec une petite moue,

-T'inquiète pas on pourra faire des soirées nous aussi ici!

-Faudra juste pas tomber dans la drogue et les putes.

On traverse le passage piéton pour quitter l'allée de palmier et rejoindre la rue pavé aménagée.  Il nous reste quelques pas à faire pour atteindre le pallier. Une odeur de fruits rouges et fraises familière arrive à nos narines et d'un même geste nous nous retournons pour voir arrivé à notre hauteur et nous dépasser avec une certaine indifférence, la muse qui fait parler d'elle involontairement. Sa démarche est légère dans ses talons de goût. Une monture design de lunettes de soleil cache ses beaux yeux et ses cheveux exposés au soleil Californien n'en ressortent que plus magnifique.  Ils volent avec grâce derrière son dos pour souligner à chacun de ses pas son bassin qui se balance en rythme. Ils diffusent aussi un parfum de noix de coco, fleur d'été et peut-être même monoï qui se marie étrangement bien avec l'odeur plutôt pique-nique en forêt qu'on sentait avant.

Carl l'a suit du regard avant qu'elle ne disparaisse au coin d'une rue à une vingtaine de mètres d'ici.  J'ai le temps de m'introduire dans le palier et commencer à escalader les premières marches des escaliers qui nous mènent à notre futur petit paradis.

On a bien choisi les lieux, la terrasse minuscule nous permet quand même de nous tenir debout tous les deux sur une vue imprenable de l'océan pacifique et de ses eaux aux reflets paradisiaques.  Il me rejoint une petite minute après et me trouve debout devant cette vue sirotant une grenadine dont le goût me rappelle vraiment ma banlieue où j'ai laissé mes parents continuer leur petite vie tranquille sans moi.

Idc AA.

5/6.04.2024

Jolene - Dolly PartonDove le storie prendono vita. Scoprilo ora