Introduction

37 4 0
                                    


Si vous n'avez pas l'intention de lire ce livre,

donnez-le à quelqu'un qui le fera.

Notre survie à tous en dépend.


Je n'ai rien trouvé de mieux pour attirer votre attention. Comprenez-moi, ce n'est pas facile de se mettre dans la peau d'un foutu oracle.

Laissez-moi me présenter. Moi, l'auteur de cette histoire bientôt vraie. Je m'appelle Hélio Gargan, j'ai 25 ans et je vais mourir. Jusque-là, vous ne vous sentez pas concerné, n'est-ce pas ? Un gus en plus ou en moins, qu'est-ce que ça peut faire ? Attendez un peu de lire la suite !

Je rédige ce journal assis au beau milieu d'une case de survie, les avant-bras posés sur le rebord glacé d'une table galvanisée, l'esprit entêté par l'odeur de neuf que dégagent mes vêtements fraîchement déballés. Ces derniers sont estampillés du logo de la JetCeller – une entreprise qui a révolutionné le monde par le passé, avant de provoquer sa destruction, mais ça, on en reparlera plus tard.

Mes mains tremblent. La sueur perle sur mon front en même temps que j'écris ces mots. Il faut dire que la pression est grande, et que rien, pas le moindre détail, ne doit être laissé au hasard. Il ne s'agit pas d'une lettre semblable à toutes celles que j'ai pu composer auparavant. Elle ne s'adresse pas plus à Margaret Pater, voisine décérébrée accro aux tendances fashion, qu'à Larry Benley, admirable rédacteur en chef de la rubrique « Renouveau » du Tomorrow.

Non, c'est singulièrement plus important que cela.

Lorsque je lève la tête, je fais face à une épaisse porte blindée. Un cadran lumineux est fixé en son centre. Il indique la date du jour, me rappelant que si le temps semble s'être figé entre ces murs en acier trempé, le monde continue de tourner au-dehors. Il est 13 h 56, et nous sommes le 20 octobre 2524.

Je devine votre pensée : il s'agit d'une erreur, d'un bug du système. Je peux vous garantir que ce n'est pas le cas. Cette date est plus que correcte. Croyez-le ou non, je suis bien en train de rédiger ces mots dans le futur – dans votre futur. Je me doute que la nouvelle est aussi difficile à avaler qu'une épaisse cuillère de beurre de cacahuètes – c'est pâteux, ça colle à la gorge et ça ne passera jamais sans un grand verre de lait chaud (je sais de quoi je parle, j'ai du Super creamy peanut butter dans mes étagères).

Je vous imagine tendre le cou comme pour prendre de la distance avec mes dires, hausser les sourcils d'un air incrédule, repousser vos possibles lunettes en haut de votre nez. Je peux le comprendre. Ce qui dépasse les limites de la normale peut paraître irréel. Et pourtant, ce livre reste concret. La couverture cartonnée qui pèse dans vos mains, les pages qui glissent sous vos doigts, l'odeur du papier vous évoquant la grume, tout cela existe autant que les mots que je suis en train d'écrire, et que vous êtes en train de lire.

Alors, comment ?

Oui, comment un ouvrage rédigé en 2524 peut-il apparaître en 2024, en 2124, ou même en 2224 ? Ça, c'est une bonne question à laquelle je répondrai à la toute fin de ce livre. J'ai une pléthore de choses à vous raconter avant, des belles, des extraordinaires, des misérables et des terrifiantes. Je pourrais en composer un résumé, l'étaler ici, maintenant, aussi facilement que du beurre mou sur du pain sec. Ça ne demanderait pas plus que quelques revers de couteau, mais je me l'interdis. On m'a donné la chance de m'adresser à vous, alors je vais le faire de la meilleure des façons.

Mon père disait : « si tu cueilles une bonne idée, rien ne t'empêche de la consommer aussitôt, mais sache que les idées exceptionnelles proviennent des fruits d'une bonne idée. »

Papa n'était pas vraiment un exemple de sagesse, et la plupart du temps, ses phrases étaient aussi bancales que des godets de comptoir, mais je dois accorder qu'il avait raison sur ce point : la précipitation est mère d'insuffisance. C'est pourquoi je ne m'abandonnerai pas à la facilité –pas cette fois. Si quelques mots suffisent pour dire de grandes choses, une belle histoire est nécessaire pour leur donner du sens.

Ne vous méprenez pas, je n'ai aucunement l'intention de faire de ce papelard une autobiographie. Non, je ne vois pas l'intérêt de vous faire l'éloge de mon insignifiance. À la manière de la multitude, je suis venu, je me suis épanoui sous le firmament, j'ai eu mes rayons de joie, mes pluies de chagrin, mes vents de contrariété et mes tempêtes. Une existence aussi ordinaire que le beau et le mauvais temps. Enfin... jusqu'à ce que tout s'effondre.

Il y a eu une explosion de lumière, un éclair, un gigantesque flash, puis le monde a sombré dans le chaos. Je me souviens des moindres détails. C'était il y a cinq jours, et c'est là que mon récit commence...

Le temps d'une étoile - RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant