Je l'aidais à s'enrouler dedans le mieux possible, constatant un amoindrissement des tremblements presque immédiat.

— Merci beaucoup, c'est très gentil, remerciai-je à mon tour le jeune homme, qui s'était installé en face de nous, de l'autre côté de la galerie.

— Maintenant, on fait quoi ? demanda Leah quelque temps plus tard alors que les minutes s'étiraient et que le silence devenait aussi pesant que l'atmosphère empoussiérée du tunnel.

— On attend qu'ils partent. On n'a pas vraiment d'autres options, résuma Jude.

— Il y avait d'autres galeries dans les grottes, plein même ! Je les ai... « vu » quand j'étais sous ma forme animale. Elles mènent sûrement à d'autres sorties. Pourquoi ne pas s'enfuir pas là ?

— Parce que les sorties sont très certainement surveillées, et que cela pourrait nous prendre des heures pour trouver le bon chemin.

— Non, ça je peux vous guider. C'est... c'est comme une carte dans ma tête... je sais pas comment l'expliquer.

— C'est l'écholocation, commenta Felton d'une petite voix. Les ultrasons sont réverbérés par les surfaces qui t'entourent pour te permettre de te déplacer, même dans le noir. C'est une technique utilisée par les cétacés et... les chauves-souris.

Un blanc suivit son explication hésitante.

— Avant d'être incorporé de force, je faisais des études pour devenir Éthologue, expliqua-t-il rapidement avant de se taire et de fixer le bout de ses chaussures avec application.

— C'est pour ça que tu ne voulais pas faire l'armée ? lui demanda gentiment Worth.

— J'étudie les êtres vivants, je ne les tue pas, réagit-il aussitôt avec la même hargne que j'avais entraperçue dans le grotte. Se faire la guerre est une erreur, on devrait essayer de se comprendre et de vivre ensemble.

— Si tous les humains et les métamorphes pouvaient penser comme toi, ricana ironiquement Jude. Le pire, c'est que je comprends leurs réactions, ajouta-t-il en relevant la tête pour fixer le jeune homme dans les yeux. La vision bisounours, c'est bien mais ça ne fera pas avancer le problème. Il y a eu des torts des deux côtés.

— Raisons de plus pour dialoguer,

— On en est plus là, malheureusement ! Il faudrait... un miracle pour ramener tous le monde autour de la table des négociations et pas sûr que cela apaise l'opinion publique.

Un bruit de moteur résonna soudain, amplifié par les parois du tunnel, stoppant net la conversation philosophique des deux hommes. Jude se leva aussitôt, nous faisant signe de rester où nous étions, ce qui ne m'empêcha pas de le suivre.

Le son provenait d'une dépanneuse en train de manœuvrer. Notre voiture accrochée à l'arrière, elle peinait à ressortir du sous-bois et des ornières creusées par le surpoids. Le conducteur cala deux fois avant que le véhicule ne fasse un bond en avant et parvienne enfin à rejoindre le chemin forestier où il s'en alla en bringuebalant, suivit par la jeep. Seul deux soldats restèrent en arrière. Johnson et un blondinet mal à l'aise, se dandinant d'un pieds sur l'autre.

— Pourquoi tu t'es porté volontaire ?! geignit-il aussitôt que les feux arrière eurent disparu derrière la végétation.

— Je ne voulais pas me retrouver dans le même véhicule que cet abrutis !

— Tu te rends comptes que tu parles de notre colonel, là ?! s'offusqua l'autre.

— Il a beau être colonel, ça reste un abrutis !

— Dès qu'on rentre à la base, je demande à changer de binôme !

— Tu te crois encore au lycée ma parole ?! s'esclaffa Johnson en ricanant. Je ne suis pas plus ravi que toi de notre association, mais cela fait déjà trois fois que tu demandes une réaffectation et je ne pense pas que la quatrième soit plus fructueuse que les autres, car moi, je ne veux pas changer.

— Hein ?! C'est toi qui as fait capoter mes demandes ?! s'insurgea le militaire en s'élançant vers son collègue. Mais pourquoi tu as fait ça, tu ne me supporte pas !

— Pour ça, répondit Johnson en tendant brusquement sa jambe pour déséquilibrer son collègue, avant de l'assommer d'un coup de crosse. Comme je ne t'aime pas, c'est plus facile !

Dissimulés par la paroi nous retenions notre souffle, attendant le bon moment pour agir. Il ne restait qu'un homme, nous n'aurions pas de meilleure occasion. Pourtant quelque chose me dérangeait. Indécis, nous étions tous dans l'expectative. Même Jude, d'ordinaire prompt à l'action, hésitait.

— Je vais y aller sous ma forme animale, pour le surprendre, finis-je par proposer, ne trouvant pas de meilleure alternative.

— Je ne sais pas... commença Gabriel en me retenant d'une main sur l'épaule.

— Si elle a raison, le coupa Jude. Elle est la plus rapide à se transformer. Elle y va et on la couvre d'ici avec le fusil.

Worth grimaça, pas plus convaincu que moi malgré ma proposition, lorsque la voix du militaire s'éleva de nouveau dans la nuit.

— Je m'adresse aux propriétaires de la voiture ! Si vous êtes là, montrez-vous ! J'ai besoin de vous parler. 

Insurrection- Elémental Tome 2Where stories live. Discover now