♧ La fille et le garçon

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Il y a une fille et un garçon qui cohabitent en moi.
La fille et la garçon veulent chacun se faire entendre, et rivalisent d'ingéniosité pour prendre le contrôle de mon corps.

La fille aime mettre des pantalons, joue à la dure, porte des jupes en secret, est effacée, n'ose prendre la parole. Elle apprécie plus que tout les masques, et se cacher, et elle aime les filles.
Le garçon porte des jupes, aime débattre passionnément, aime les garçons, veut crier, se faire entendre, est avide de combats, de sports, de la liberté du mouvement.

La fille est jalouse du corps du garçon, pleure devant le miroir devant sa poitrine, se mord, se griffe, se pince, tout pour oublier sa condition humaine.
Le garçon aime se regarder, admirer ses maigres muscles, ses cicatrices, ses preuves de bravoure. Il aime la douleur, se sentir vivant en encaissant les coups.

Les deux ne supportent pas la critique.

La fille aime lire, dessiner, écrit, compose, chante, aime les bagues en argent massif qui lui donnent l'air plus assurée.
Le garçon aime se déchaîner sur sa guitare, hurler ses peines dans ses poèmes, il a aimé un temps les boucles d'oreille. Il porte à présent des épingles à nourrice à la place.

La fille jalouse les discussions des garçons, aimerait y prendre part, entrer dans ce monde, et le garçon regrette les complicités féminines.

La fille lit quand elle voudrait danser, se déchaîner, et libérer les tempêtes, effacer les souillures de ce monde. Elle aimerait tout détruire. Elle aime l'orage.

Le garçon écoute Nuit Incolore, fantasme sur une impossible rencontre, aimerait être son petit frère, se reconnait dans ses paroles.

Le garçon crie, s'indigne, déverse sa haine. Le garçon provoque, est insolent, ose dire ce qu'il pense.

La fille milite dans son cœur, soutient toutes les causes, n'en peut plus de la dureté du monde. Regardez là, elle tremble.

La fille bout de l'intérieur, elle aimerait être courageuse, aimerait laisser plus souvent la place au garçon. Il apparaît toujours dans les mauvais moments, jamais dans les bons.

Le garçon aime en secret l'amour, fait semblant d'en être dégoûté. La fille ne s'y intéresse pas plus que ça, sauf pour elle.

La fille aime les livres, veut être une artiste, et écrivaine.
Le garçon ne jure que par les films. Il aime réfléchir, prendre des prises, veut devenir costumier, réalisateur, scénariste, metteur en scène.

Et il y a moi, au milieu, un peu coincé.e, piégé.e, un peu fille, un peu garçon, qui ne comprend pas ce qui lui arrive et qui se griffe pour revenir à la réalité, s'assurer que personne n'a remarqué le garçon rageur, ni la fille qui veut tout détruire.

Et il y a moi, au milieu, qui entend que les non-binaire sont des anormaux, qu'ils devraient se décider, entre fille ou garçon, c'est impossible de ne pas choisir.

Le garçon aime une personne.
La fille est amoureuse d'une autre.
Et moi, au milieu, je ne comprend pas. Je n'aime personne, moi, mais le garçon et la fille essaient de me convaincre du contraire.

La fille me convainc d'écouter des chansons en anglais, du rock, du métal, un peu de pop, parce que sa rage se cache dans la musique, se dilue un temps, elle s'apaise. Pour éviter de craquer, d'arriver avec son bazooka au collège, elle se sauve dans la musique.

Le garçon me persuade d'écouter de la K-pop, parce qu'il peut danser, se libérer de ses chaînes un court instant. Lorsque mes mouvements se libèrent, il prend toute la place. Sa sensualité s'exprime, peut-être qu'il est sexy mais je crois qu'il aime. Il aime les vêtements serrés, près du corps, se déhanche. Il exprime sa personnalité dans la danse, et ne peut sortir de son corps qu'en l'instant.

Le garçon veut des cheveux courts, libérés de la beauté, mais veut être désiré. Il a si peur de l'abandon... il est avide de relations humaines, aime la foule et son énergie. Il veut prouver au monde entier qu'il est digne d'être admiré.
La fille veut des cheveux longs de princesses, veut être une reine. Elle aime se jouer avec, mais surtout se cacher derrière. Elle est si bien seule. Le monde n'a qu'à crever sans elle.
Elle déteste le bruit, fait des crises d'angoisse seule dans son lit. Elle n'arrive pas à respirer, son cœur bat trop vite, son cardio s'affole, mais tout va bien. Circulez.

Ce garçon s'appelle Galahad.
Cette fille s'appelle Arya.
Et moi... je n'ai pas de nom.
Galarya ?
Arylahad ?
Je suis un mélange de ces deux personnes, de la fille et du garçon, comment pourrais-je prétendre prétendre à un moi à part entière, mélange des deux couleurs opposées, alors que je peine à m'affirmer entre les deux identités ?

Bien sûr, Galahad est beau. Bien sûr, Arya est belle. Mais moi ? Je suis le mélange raté des deux, brouillon qui soudain se gonfle d'importance et vient se glisser à la place qui leur revenait de droit.

Vous voulez des preuves ? Mais pourquoi pensez vous que la moitié de mon crâne est rasée ? Pour qui ais-je fais mon undercut ?
Satisfaire Galahad et Arya. Ne pas craquer. Ne pas être submergée. Ne pas parler. Personne ne comprendrait.
Peut-être vous, tolérants wattpadiens. Certainement pas mon entourage proche.
Je parle de moi au masculin, au féminin, et ça me plaît. J'aime écrire au masculin. Mes premières histoires ont toutes étés du point de vie de garçon... j'aime me mettre à leur place, m'imaginer garçon. Et à la fois non, ni garçon ni fille, ou les deux à la fois.

Je veux le corps du garçon, la voix de la fille, les cheveux du garçon, les cheveux de la fille, l'assurance du garçon, le calme de la fille. Je veux les deux.
Je suis les deux.
Et si ça ne vous plaît pas...
Cordialement, allez vous faire voir en Russie. ( paraît qu'on recrute à l'armée )



<< Il serait temps de considérer le genre comme un spectre et non comme deux idéaux opposés >> à dit Emma Watson.
Chère Emma, veux-tu m'épouser ?

Ce texte est difficile à publier pour moi. J'ai vraiment peur du jugement. ( Bonjour Galahad ) je sais pas trop quoi en penser... j'ai l'impression que j'ai dit tout ce que j'avais sur le cœur, mais en même temps qu'il me reste tant à exprimer, à faire sortir.
Je préférais ne pas en parler plus, que ce soit dans les commentaires, en message privé ou en réél pour les personnes que je connais au collège.

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