Chapitre 1

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      Ména célèbre son dernier larcin dans une taverne lugubre de la principauté du Dauphiné. La nourriture est abondante, l'alcool coule à flots ; il y a vingt jours, deux lunes, il a réalisé un gros coup en dérobant l'argenterie d'une famille de la noblesse d'Azingourg. Son intention première était de se rendre à Déronbourg, ville réputée pour ses nombreux vendeurs clandestins, mais il a décidé de faire un détour pour vérifier quelque chose.

      Il arpentait les hauteurs des collines de Crobourg et a constaté qu'à la place de la cité se dressait désormais une colossale statue, un monument rendant hommage à toutes les victimes, à toutes ces pauvres âmes sacrifiées par des magiciens noirs de la pire espèce. Ména éprouve un attachement particulier pour cette ville, car sa mère en était originaire. "Dommage", a-t-il soupiré. Comme il l'avait prévu, c'est à Déronbourg qu'il a réussi à vendre l'intégralité de son butin sur le marché noir, et ce, à prix fort.

      Son côté "Robin des Bois" l'a poussé à convier une dizaine de vagabonds à sa table. Ayant connu la misère lui-même, Ména a de l'affection pour les démunis des bas-fonds d'YSTIA. Avant de devenir un voleur de renom, il a partagé le quotidien de ces pauvres âmes : fouillant les poubelles, luttant pour les restes de nourriture avec les cochons, se battant avec les chiens errants pour grignoter un os. Il a été, lui aussi, un vagabond parmi les vagabonds.

      Son regard s'attarde longuement sur l'un de ses invités de fortune. Cet homme-là n'est pas comme les autres ; malgré des vêtements aussi sales que ceux des autres indigents, il est impossible de dissimuler son noble lignage. Ce personnage porte une écharpe qui, à l'origine, devait probablement être jaune, bien avant de devenir sale, déchirée et rapiécée. Ména estime que la curiosité est la plus grande qualité, il décide donc d'inviter les autres vagabonds à terminer la soirée au bar de l'autre bout de la rue, leur donnant quelques pièces pour continuer la fête ailleurs.


— Pas toi, dit-il en retenant l'homme qu'il avait repéré, nous avons à parler.

— Oui, répondit l'homme, mon seigneur.


      Ména soupire. S'il excelle dans quelque chose, c'est bien pour cerner les gens dès le premier regard, dès les premiers échanges. Il passe sa main dans ses cheveux noirs de jais pour les ramener en arrière, mais ils restent désordonnés. La propreté n'a jamais été une priorité dans son monde. Il n'a jamais compris l'intérêt de dépenser de l'argent pour se plonger dans une bassine d'eau fumante. Lui, quand il sent trop mauvais, quand il devient trop repérable à l'odeur, il se contente de se plonger dans un cours d'eau ou dans une flaque d'eau de pluie. Pas besoin d'en faire plus.


— Moi je crois, reprend Ména, que c'est toi le plus seigneur de nous deux.

— Non messire, répond l'homme, je ne suis rien. Je ne suis plus rien.

— N'oublie jamais que tu ne pourras jamais tromper un menteur et les cul-propres des nobles, moi, je les repère à des distances que tu ne peux pas imaginer. Personne ne peut m'embrouiller car j'ai l'esprit clair, sache-le.

— Il est vrai que j'étais noble autrefois, mais je ne le suis plus.


      Ména boit une gorgée de sa bière tout en fixant son vis-à-vis. L'homme ne peut dissimuler son noble lignage, mais en même temps, il est évident qu'il est un vagabond. Il a piqué la curiosité de Ména et maintenant, il veut en savoir plus sur ce mystérieux inconnu. Il doit en apprendre davantage.

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⏰ Last updated: Mar 28 ⏰

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YSTIA   [1.5] :   Histoire d'un larronWhere stories live. Discover now