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Après avoir parcouru l'équivalent de ce que j'aurai fait en une semaine du temps où j'étais pleinement humain en quatre petits jours, je la vois enfin. L'enceinte de Minneapolis. Mon but final, l'endroit où je veux me rendre depuis que j'ai quitté Don et Mary, est finalement devant mes yeux, à quelques centaines de mètres. La ville se dresse comme un rêve inatteignable et pourtant à porté de main, et je vois d'ici le mur qu'ils ont construit autour de la moitié de la ville pour se protéger des zombies. Il est gardé et les soldats tirent à vue. Ils ont installé un chemin à suivre pour se rendre aux portes, et éviter de se prendre une balle dans la tête, car à cette distances, ils ne font pas de différence entre les infectés et les autres. La terre est jonchée d'épaves de voitures et de barrages en barbelé. Il y a également beaucoup de zombies ici. L'odeur de tant d'humains concentrés au même endroit doit les attirer. Je ne peux empêcher la pensée de se former dans ma tête : cette odeur m'attire aussi...
Les zombies sont massés suffisamment loin pour ne pas que les snipers les abattent pas. Ils ont dû remarquer que ceux d'entre eux qui s'approchaient trop près tombaient comme des mouches. Comme d'habitude, ils ne font pas attention à moi. Ils regardent juste fixement l'enceinte de la ville de leurs yeux vides en grognant de temps en temps. La plupart d'entre eux sont des citoyens qui ont été infectés par le virus, mais quelques uns affichent des blessures, signifiant qu'ils ont été attaqués par des zombies, avant d'en devenir un eux-même.
Lentement, les mains en évidence pour ne pas me faire tirer dessus, je parcours le chemin marqué de drapeaux blancs qui mène à l'entrée de la ville. Bientôt, les portes ne sont plus qu'à quelques mètres de moi. Je sais que les soldats m'ont vu, et qu'ils ne pensent pas que je représente un quelconque danger, puisque aucune balle ne m'a encore atteint. Ils doivent s'étonner que les zombies ne me suivent pas comme des idiots.
La flamme d'espoir qui s'est allumée en moi depuis le premier jour où j'ai entendu parler de Minneapolis, ce paradis débarrassé des infectés, brûle plus fort que jamais. Je suis au pied de cette muraille de grillages et de barbelés, devant le portail gardé par pas moins de six hommes. Je n'imaginais pas les portes du paradis comme ça, Saint-Pierre est remplacé par des militaires armés jusqu'aux dents, mais ce qui m'attends au derrière de ces grilles vaut plus que ce que toutes les églises pourront jamais m'offrir en ces temps apocalyptiques. Je me présente à la porte. J'ignore tout de ce qui se cache de l'autre côté. Est-ce organisé comme une ville de l'ancien temps ? Y a-t-il une vie qui a repris son train habituel pour ceux qui résident derrière ces murs ? Mes mains, qui sont toujours au dessus de ma tête, tremblent, je fais de mon mieux pour cacher mon anxiété. Pourront-ils me guérir de l'étrange mal causé par la griffure de la zombie ? Il y a sûrement des médecins dans la ville. Je lève les yeux et les portes s'ouvrent, tirées par les gardes. Ils ont des chiens qui aboient à mon entrée. À peine ai-je eu le temps de jeter un coup d'œil vers ce qui se trouvait de l'autre côté que quatre hommes me barrent le passage, leurs fusils d'assaut pointées sur moi, à environ cinq mètres. Je me fige, effrayé par cet accueil musclé.
- Pose tout par terre ! ordonne l'un d'eux d'une voix forte.
J'obéis sans geste brusque et d'une torsion de l'épaule fait tomber mon sac sur le sol. Je l'envoie dans leur direction d'un coup de pied. Prudemment, un garde le ramasse.
- Décline ton identité.
- Rodrick Howell, vingt-deux ans, originaire de Edmonton, au Canada.
Les gardes hochent la tête d'un air satisfait. Ils abaissent légèrement leurs armes et s'avancent un peu vers moi.
- Tu possèdes des armes ?
- Un pistolet, dans le sac. Je n'ai rien sur moi.
Puis je me souviens du couteau de chasse et je m'en défais, prêt à tout pour montrer ma coopération.
- À part ça.
- OK. Bouge pas.
Un des militaires s'avance et soudain se fige. Il me dévisage d'un air profondément choqué. Et un instant plus tard, lève à nouveau son arme et la pointe sur moi, presque à bout portant. Je fais un pas en arrière, chancelant.
- C'est un zombie ! s'écrie le garde.
Les autres se jettent des regards pleins d'incompréhension. Ils approchent à leur tour, méfiants.
- Non, c'est une erreur...
Je commence à m'expliquer mais c'est peine perdue, tous reculent, leur expression rassérénée disparue, laissant place à un dégoût mêlé de peur. Le même regard qu'Arzaylea m'a lancé quelques jours plus tôt, lorsqu'elle m'a découvert couché dans l'herbe, à quelques pas de la mort, à quelques pas de la vie.
- Je ne suis pas un zombie ! Je ne suis pas vraiment infecté...
- C'est ça ouais ! braille un soldat.
- Je vous jure que...
- Les zombies ne parlent pas, c'en est pas un bande de débiles ! crie un autre en levant les bras d'un geste exaspéré.
- Je...
Personne ne m'écoute, tout le monde se dispute et se gueule dessus. Le chaos est total, les chiens aboient par dessus le vacarme, et je commence à avoir peur que dans un accès de colère quelqu'un me tire dessus. C'est alors qu'une voix autoritaire crie par-dessus les autres et fait taire tout le monde.
- C'est quoi ce bordel ?!
Un soldat s'avance et se met au garde-à-vous devant une jeune femme en blouse de scientifique qui vient d'émerger de nulle part.
- Soldat Martin au rapport ! Nous avons...
- Non pas toi, le coupe la femme. Soldat Aaron, qu'est-ce qu'il se passe ?
L'homme qui a crié le premier que j'étais un zombie s'approche et se met à son tour au garde-à-vous.
- Cet individu a franchi nos barrières. Il s'est avéré que c'est un zombie.
- Ah, fait la femme d'un ton ennuyé. C'est pour ça tout ce raffut ? Abattez-le au lieu de vous disputer comme des enfants.
Les gardes tournent leurs armes vers moi.
- Non ! je m'exclame. S'il-vous-plaît, non.
La femme, qui allait faire demi-tour, se retourne brusquement. Son regard me transperce comme un couteau.
- Tu parles ?
- Je ne suis pas un zombie ! je répète pour ce qui me semble être la millième fois.
Ses yeux se mettent à briller d'une manière un peu inquiétante, tandis que les miens l'implorent. Elle semble être celle qui a l'autorité ici. C'est sans doute la seule qui peut me sauver. Je dois la convaincre. Alors j'ajoute :
- J'ai simplement été griffé par une zombie. Elle ne m'a pas mordue.
Elle se penche légèrement en avant, visiblement intéressée. Je la fixe et elle me fixe en retour. Le bruit d'un fusil qu'on arme me ramène à moi. Le soldat Aaron me met en joue.
- Non ! fait la scientifique en s'interposant. Non espèce d'abruti !
- Mais vous avez dit...
- Maintenant je dis que personne ne tire sur lui. Arrêtez-le, c'est tout.
Elle s'écarte comme si elle avait peur d'être contaminée. Les gardes échangent des regards blancs pendant quelques secondes avant de finalement obéir. L'un d'eux me passe des menottes. Je me laisse faire, parce que j'ai bien compris compris que ma vie tient à l'intérêt que me porte cette femme.

ZombieWhere stories live. Discover now