12. Connaissances

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Aucun des deux tourtereaux n'a bougé. Mon regard passe de l'un à l'autre, amusé. Ils se regardent comme deux poissons frits.

Je finis par rompre le court silence et les sortir de leur embarras en m'approchant d'Ainara.

- On peut t'aider? fais-je en désignant sa cargaison.

La jeune fille se réveille sur-le-champ:

- Oh! Oui, si vous voulez bien.

Je souris et lui prends deux livres. Mino secoue la tête avant de m'imiter.

- Venez, leur rayon est par là-bas.

Ainara nous conduit à travers la forêt d'étagères. Sur le chemin, je tente d'engager la conversation, puisqu'aucun des deux ne semble vouloir le faire:

- Ça fait longtemps que tu travailles ici?

Elle tourne la tête vers moi, légèrement surprise.

- Je n'ai jamais travaillé à en proprement parler, explique-t-elle. Je vis juste ici, et donc j'y passe mon temps. Mes parents font partie du personnel, j'ai grandi dans ce bâtiment.

Je hoche la tête en signe de compréhension.

- Et vous? ajoute-t-elle avec curiosité.

- Mon père est guardián de trenes. On va l'école d'ingénierie de trains et wagons, avec Mino. Ma mère, quant à elle, est peintre.

- Waouh, c'est trop bien! sourit Ainara. Et toi?

Elle se tourne vers Mino.

- Ma mère est psy. Et mon père était... ingénieur mécanicien.

Le sourire d'Ainara a disparu. Elle s'arrête et se tourne vers mon ami.

- Était?

Mino lève les yeux et plonge dans son regard. Il n'a pas besoin de mots pour exprimer la tristesse et le désarroi qui se lisent dans ses prunelles.

Mon coeur se serre en le voyant. C'était il y a quelques années déjà, mais il en souffre encore tellement...

Ainara se mord la lèvre inférieure, avec une certaine tristesse dans les yeux.

- Je suis désolée, souffle-t-elle. J'ai perdu mon cousin il y a quatre ans. Nous étions très proches.

- Je suis désolé aussi, fait Mino.

- Moi aussi, je m'excuse, peiné.

Nous restons quelques instants silencieux, puis mon ami change de sujet:

- Tu as quel âge.

Nous devons le regarder bizarrement, car il se rend rapidement compte que sa question est un peu déplacée et se rattrape:

- Si ce n'est pas indiscret.

Je souris intérieurement.

Un peu, si. Mais t'inquiète pas, c'est pas grave, c'est juste hiper bizarre de demander ça à une meuf que tu connais pas, mais en soi, on s'en fout, non?

Ainara rit, d'un joli rire cristalin qui résonne entre les étagères. Elle reprend sa marche sans nous (ou surtout le) quitter des yeux.

- Tout juste quinze ans. Toi?

- Quinze aussi.

Elle acquiesce et m'interroge du regard.

- Quatorze, fais-je. Mais plus pour très longtemps.

Ainara sourit.

Oui, effectivement, je l'ai aussi remarqué: elle sourit beaucoup.

Ce n'est pas grave, vu qu'elle a un beau sourire. Et il n'est jamais bien mauvais de sourire.

Atocha TI - Digne de VivreWhere stories live. Discover now