8. Retour à la maison

4 1 0
                                    

- Bonne chance, me souhaite Mino avant de tourner les talons, me laissant seul devant le petit portail en fer qui marque l'entrée de ma maison. Je déglutis deux fois avant de sonner.

Immédiatement, la porte d'entrée s'ouvre. Ma mère, pâle à en faire peur, se tient droite comme un i dans l'encadrement. Quelques secondes plus tard apparaît mon père derrière elle.

Je baisse les yeux en voyant leur mine, abattu sous le poids de la honte et de la culpabilité; ils se sont vraiment rongés les sangs.

Voyant qu'aucun des deux ne bouge, j'inspire en tremblant, et, les yeux toujours baissés, j'enjambe la grille. Je la franchis et grimpe la marche qui me sépare de ceux qui m'ont mis au monde. Lorsque j'arrive en haut, je relève lentement la tête.

Ils ont des cernes noirs sous les yeux, et un teint de cadavre. La mâchoire serrée à en casser, et un regard aussi froid et tranchant qu'une lame d'acier. Je plante mes dents si fort dans ma lèvre inférieure que je perce ma peau et commence à saigner. Ils n'ont pas dormi de la nuit.

Je me noie dans la profondeur des yeux mordorés de ma mère. Elle ne tente pas de cacher ses émotions, que je perçois donc dans sa posture, son regard, ses gestes. C'est pire que si elle m'avait dit quelque chose. Si elle m'avait hurlé dessus. Là, au moins, j'aurais clairement vu toute l'ampleur de sa colère et de son inquiétude. Ça aurait été officiel, pour ainsi dire. Mais elle sait que je vois son état. Elle sait que je sais le mal que je lui ai fait. Et, mon Dieu, jamais je n'aurais cru que ce serait tellement horrifiant. Je vendrais mon coeur et mon âme pour me trouver ailleurs. Où que ce soit, mais pas ici.

Soudain, ma tête bascule brutalement sur le côté. Une douleur aveuglante explose dans tout le côté gauche de mon visage. Sous le coup du choc et de la culpabilité, les larmes me montent aux yeux. Ma vue se brouille, et je sens mon coeur battre violemment dans ma joue et ma tempe. Je tourne lentement ma tête endolorie vers le beau visage de ma mère, sans même essayer de retenir les larmes qui dévalent mes joues. Je ne pipe mot, je sais qu'une excuse ne lui signifierait rien. Elle se contente de me regarder avec une infinie tristesse, et tout de même un brin de soulagement. Puis, elle effectue un demi-tour militaire, et se faufile entre mon père et le battant pour entrer dans la maison. Son mari n'a pas esquissé un geste pour la retenir. Je ne l'aurais pas fait non plus, à sa place. Je méritais largement cette gifle.

Il me scrute de la même manière que Maman, avant de glisser une clef de la porte dans la serrure depuis l'extérieur, et de me fermer la porte.

Et tout ça, sans qu'un seul mot n'ait franchi leurs lèvres.

Je retire mes bottes au ralenti, ainsi que mon vieux manteau et mon bonnet. Je me passe la main dans les cheveux, me regardant dans le petit miroir dans l'entrée, avant de laisser mes bras retomber le long de mon corps. Puis je lâche un drôle de son, mi-râle mi-souffle, avant de me diriger vers la cuisine, où se trouvent mes parents. J'entre dans la petite pièce sous leur regard pesant. Une chaise a été soigneusement tirée de sous la table, à mon intention.

C'est donc un interrogatoire, je pense avec amertume.

Je m'assois sur ma chaise, tournée vers mes géniteurs. J'affronte leur regard, frissonnant.

C'est papa, adossé au plan de travail, qui brise le silence de plomb:

- Où étais-tu?

Sa voix est glaciale.

- Chez Mino, je réponds le plus calmement possible.

- Et, bien sûr, tu n'as pas pensé qu'on pouvait en avoir quelque chose à faire, de où tu étais après la nuit tombée.

Atocha TI - Digne de VivreWhere stories live. Discover now